Ambassadeurs itinérants

Globe-trotters israéliens, apprenez à représenter votre pays et à communiquer avec les autres. Tel est le projet de TrailTalk. Bonne route

TrailTalks (photo credit: Avec l aimable autorisation de Roni Pelleg)
TrailTalks
(photo credit: Avec l aimable autorisation de Roni Pelleg)

Il est fréquent que les Israéliens, à la fin de leur service militaire et avant d’aller à l’université ou d’entamer une formation professionnelle, partent aux quatre coins du monde, sac au dos. Mais depuis août dernier, un programme expérimental et interactif de deux jours leur est consacré pour les préparer à cette expérience.

“C’est le moment désormais pour chaque Israélien de prendre son courage à deux mains, afin d’établir une communication constructive, des liens d’affaires et des relations solides avec des gens du monde entier”, explique Nathalie Gourvitch, fondatrice et directrice de TrailTrack.
Cette nouvelle entreprise s’est développée avec le Centre des Initiatives de Leadership, une boutique de conseil-expert.
Son ambition : aider les jeunes voyageurs à développer des relations internationales significatives et les conseiller sur la manière de mieux représenter Israël à l’étranger.
Gourvitch, une diplômée de 25 ans, née de parents israéliens et élevée à , a souvent voyagé entre Israël et les Etats-Unis durant son enfance et son adolescence. “J’ai grandi en étant obligée de passer d’une culture à une autre”, explique-t-elle.
Ces dernières années cependant, avec la légitimité d’Israël sans cesse remise en question, la jeune femme observe un “besoin urgent” d’améliorer la communication interculturelle.
“Selon les sondages, Israël pâtit d’un manque d’acceptation en Europe, en Australie et au , et d’un manque d’estime aux Etats-Unis. Plus important encore, 91 % des Israéliens ressentent eux-mêmes que le pays souffre d’un “grave” voire “très grave” déficit d’image dans le monde.
Lors de ses études en Angleterre et voyages en Amérique du Sud, Gourvitch a pu noter “des malentendus involontaires” entre les Israéliens et leurs camarades internationaux.
“Un exemple : j’ai assisté à des conversations où les Israéliens se voulaient directs, honnêtes et francs. Mais ils étaient perçus comme impolis et agressifs. De même, leurs interlocuteurs européens voulaient être courtois et ont été considérés comme peu sincères. Ajoutez à cela des références politiques et vous avez la recette du désastre, où les malentendus culturels ferment au dialogue avant même que ce dernier ne s’installe.”
Une réputation de “mauvais touristes”

 

C’est précisément ce scénario qui a inspiré la création de TrailTalks. Gourvitch a passé plusieurs mois à lever des fonds pour concrétiser le projet. Dans un article publié l’automne dernier dans le magazine des étudiants de l’Université d’Oxford, elle explique l’impulsion du programme. Selon elle, si les jeunes voyageurs “pouvaient tirer profit de ces opportunités importantes et uniques qu’ils ont d’échanger leurs points de vue, d’apprendre les uns des autres et de semer les graines d’une amitié dynamique et durable, non seulement ils seraient préparés pour leur avenir de plus en plus mondialisé, mais ils engendreraient des accointances qui rejailliraient plus largement sur la communauté internationale.”

Au programme : des exercices tels que le jeu de rôle pour élargir la pensée créative et la conscience sociale des participants.
“A l’université, j’ai été frappée de constater que les idées de mes camarades à propos d’Israël provenaient essentiellement des médias. Et les rencontres négatives avec un Israélien confirment alors leur point de vue négatif. Nous n’insistons pas sur le fait de parler d’Israël, mais les jeunes voyageurs en sont les ambassadeurs, qu’ils le veuillent ou non.”
Preuve de ces ressentiments à l’étranger : des pancartes, dans des auberges de jeunesse, qui arguent que les Israéliens ne sont pas les bienvenus. “Il est difficile de croire que c’est de l’antisémitisme”, nuance Gourvitch. “Les globe-trotters israéliens ont cette réputation de faire du bruit, de laisser du bazar derrière eux... Quand bien même êtes-vous un Israélien poli, cela vous affecte aussi. Comme nous l’avons constaté au printemps dernier, notamment au Moyen-Orient, les jeunes ont la capacité de changer le monde”, indique la directrice à ses sympathisants. Et d’ajouter que TrailTalks travaille en collaboration avec Lametayel (librairie spécialisée dans les guides de voyage et les cartes, combinée à un magasin d’articles de camping), High Q et .
Ce programme établit une “plateforme web, munie d’une interface interactive robuste. Et nous allons mettre en place un réseau d’élèves, afin de créer un véritable changement dans la manière dont la prochaine génération va penser, et s’engager dans un monde international pluraliste et divers.”
Contrer les idées reçues

 

Le pilote du programme comptait 21 participants lors de la première session, et 13 lors de la seconde. Des jeunes d’une vingtaine d’années et issus de tout le pays.

Egalement présents : deux Arabes israéliens et un immigrant américain, aussi bien que des membres du camp national-religieux en quête de conseils sur le respect du Shabbat et des lois alimentaires juives, lors de leur voyage à l’étranger.
Yotam Constantini, 21 ans, a récemment terminé son service militaire dans les forces armées israéliennes. Il a quitté le pays pour un séjour de cinq mois au Japon et aux Etats-Unis. TrailTalk lui a permis d’“ouvrir son esprit à différentes approches du voyage. Pas seulement de profiter des sites, mais des individus, de la rencontre avec la culture elle-même et de rechercher de nouvelles manières de communiquer.” Il remarque que “la culture israélienne est plutôt franche, et nous avons discuté des moyens de se lier aux gens de culture moins directe.”
Parmi les sujets abordés : les idées reçues, qui se révèlent parfois décevantes. “Comment voit-on, définit-on et approche-t-on automatiquement les autres ? Je me suis vraiment appuyé sur cet atelier après avoir voyagé quelques semaines à Londres, il y a trois mois. Dès que j’annonçais que j’étais israélien, je recevais des ondes négatives.
Ils présumaient que j’étais raciste. Je ne suis pas sûr que cela relève de l’antisémitisme. Je pense que c’est à mettre sur le compte de l’ignorance, ce qui résulte quand on n’écoute qu’un seul son de cloche : les médias.”
Selon lui, “l’atelier était conçu pour profiter au voyageur.
Le bonus : représenter Israël positivement. Je crois vraiment que de la même façon dont Birthright a changé la manière dont beaucoup de Juifs percevaient le pays, ce programme pourrait affecter la manière dont les étrangers voient Israël.”
Sur place : des activités de simulation. “Un touriste vous fait une remarque : ‘Oh, vous étiez soldat en Israël. Qu’estce que cela fait de vivre dans un Etat d’apartheid ?’, au lieu d’être sur la défensive, demandez d’où il tire cette notion, ouvrez-vous, parlez de vous”, rapporte Constantini.
Son projet : étudier les sciences exactes à l’issue de ses voyages. “Si ne serait-ce que la moitié des Israéliens qui partent en expédition à l’étranger pouvaient participer à un programme similaire à TrailTalk, les effets pourraient être incroyables”, remarque-t-il.
Et de conclure : “Entraîner les Israéliens à prendre plus largement conscience de leur entourage et de la manière dont ils contribuent à l’amélioration de l’image d’Israël autour du monde est un objectif considérable.”