Du bon côté de la frontière

L’architecture de Mousrara nous conte l’histoire de Jérusalem, à l’extérieur des murailles de la Vieille Ville

jerusalem mousrara (photo credit: Marc Israël Sellem)
jerusalem mousrara
(photo credit: Marc Israël Sellem)

Le quartier deMousrara, également connu sous son nom hébreu Morasha, est un quartier ducentre de Jérusalem, à l’histoire particulièrement riche. Au lendemain de laguerre de 1948, la zone dessine la ligne de cessez-le-feu entre Israël et laJordanie.

Ce sont les habitants chrétiens de Jérusalem qui ont fondé le quartier dans lesannées 1880. Au milieu du 19e siècle, les autorités turques commencent alors àlutter contre le brigandage endémique et le sentiment d’insécurité générale quisévit au-delà des murailles de la Vieille Ville. En 1870, le problème est enpartie endigué et les plus riches commencent à construire euxmêmes des habitationshors des murailles.
Plusieurs quartiers voient ainsi le jour. Dont Mousrara.
A l’origine apanage de la classe supérieure, la zone a vu son statut changer dutout au tout en 1948. Les résidents d’origine arabe fuient durant lesaffrontements ; Mousrara, selon eux du “mauvais côté de la frontière”, devientalors une épave.
Début des années 1950, le gouvernement décide d’utiliser les maisons désormaisvides du quartier pour abriter les nouveaux immigrants d’Afrique du Nord. Lesrésidences sont divisées et subdivisées au profit de cette population pauvre etsouvent sans instruction qui pose ses valises en Israël.
Mousrara, qui avait compté parmi les lieux les plus chics de la capitale, prendrapidement des allures de bidonville. Ceux qui n’ont pas les moyens de trouverde meilleur logement se concentrent dans le quartier ; et au fil des ans lazone se dégrade considérablement.
Les habitants, qui appartiennent aux plus basses strates socio-économiques dela société, n’ont pas la vie facile. Leur proximité avec la nouvelle frontièreles expose aux attaques quotidiennes de tireurs d’élite jordaniens stationnésle long de la délimitation, et déterminés à perturber la vie des résidents. Uneréalité qui perdure jusqu’à la réunification de la ville en 1967.
Les habitants de Mousrara ont connu leur lot d’amertume. Pauvres, leursconditions de vie sont loin d’être enviables. En 1971, les jeunes issus de ladeuxième génération de l’immigration fondent les Panthères noires, mouvement deprotestation contre l’injustice du gouvernement et les discriminations à leurencontre.
Un musée vivant de l’histoire de Jérusalem

Mousrara estbordée au nord par les quartiers de Mea Shearim et Beit Israël, au sud par laVieille Ville, et à l’ouest par le Quartier russe et la place Safra.

A son apogée, Mousrara était un avantposte chrétien. De nombreuses institutionsrappellent ce fait historique. Notamment l’Auberge de Notre-Dame, l’EgliseSaint- Paul, l’Hospice français et l’Eglise roumaine.

Aujourd’hui, l’emplacement stratégique du quartier, entre les zonesultra-orthodoxes au nord, et laïques à l’ouest, contribue à diversifier sapopulation.
Dans les années 1990, de par sa proximité avec Mea Shearim, de nombreusesfamilles ultra-orthodoxes s’y installent. Au cours de ces dix dernières années,toutefois, des mesures ont été prises pour éviter que Mousrara ne devienne unquartier “noir”.
Ses actuels 4 500 habitants sont mitigés sur la question.
La zone restaurée est devenue l’une des plus pittoresques de la capitale. Sonarchitecture est un musée vivant de l’histoire de Jérusalem, au-delà desmurailles de la Vieille Ville de ces 130 dernières années. Les premièresmaisons étaient spacieuses et luxueuses, construites en pierres ; avec degrandes entrées et des toits recouverts de bardeaux. La deuxième phase duquartier, qui débute dans les années 1950, voit les chambres spacieuses desgrandes demeures riches, subdivisées au profit des plus pauvres.
Dès 1980, toutefois, la municipalité de Jérusalem appelle à restituer auquartier son ancienne gloire, et interdit la démolition des maisons existantes.Au contraire, des planchers ou annexes sont ajoutés.
L’objectif : restaurer les maisons d’origine, pour en faire des résidencesunifamiliales ou de vastes appartements.
A l’instar de Nahlaot

Mousrara est également un important centre culturel, riche en musées etcentres artistiques. L’école de photographie Naggar est notamment connue comme“l’école de Mousrara” ; et avoisine l’Ecole Maaleh de télévision, de cinéma etd’arts ; et l’Ecole de musique de l’Est, centre artistique de la municipalité ;ainsi que le Musée sur la Couture.

L’Académie des Arts et du Design de Bezalel, a quant à elle fait savoir qu’elledéménageait dans un nouveau bâtiment du complexe russe proche.
Depuis 2009, le groupe Muslala, composé d’artistes, de créateurs et d’habitantsdu quartier, a mis au point différentes collections de design. Divers artistessont invités à créer un site d’installations spécifiques dans les espacespublics de proximité, et le public est invité à les suivre en utilisant descartes distribuées gratuitement.
Pour Raphi Bloch, de l’agence immobilière Re/Max Vision spécialisée dans lequartier, “Mousrara vit un rajeunissement. A l’instar de Nahlaot, la zoneattire des acheteurs étrangers sophistiqués qui apprécient son architectureunique ; et qui disposent des fonds nécessaires pour rénover et restaurer lamagnificence des vieilles maisons arabes.”
Et d’expliquer que si le quartier abrite encore certaines familles d’originequi ont emménagé en 1948, ces dernières années, la majorité des propriétés ontété vendues à de nouveaux propriétaires qui ont rénové les lieux.
De manière générale, le prix d’une propriété rénovée de style arabe s’acquiertpour 26 000 shekels le mètre carré ; ce qui implique qu’un appartement de 120mètres carrés peut coûter plus de trois millions de shekels. Non rénové, lemètre carré est estimé à 18 000 shekels en moyenne ; tandis qu’un appartementde luxe est vendu à 33 000 shekels le mètre carré.