Elle est où ma nouvelle école ?

C’est la première rentrée scolaire avec maternelles gratuites dès 3 ans. En dépit des efforts, parents et associations ne sont pas entièrement satisfaits

Questions rentree des classes (photo credit: © GPO)
Questions rentree des classes
(photo credit: © GPO)
Inquiétudes. Les élus municipaux de Jérusalem juraient que tout serait prêtà temps pour accueillir les enfants dans les nouvelles écoles maternelles à larentrée le 27 août, suite à la réforme sur la scolarisation gratuite dès 3 anspassée au printemps. Pourtant, une semaine avant la rentrée, l’étatd’avancement dans certains quartiers de la capitale inquiétait les parents. Etpour cause : ici, certaines salles n’étaient toujours pas construites, làd’autres classes resteront encore une fois surchargées et enfin le sort desécoles privées demeure inconnu face à la compétition municipale.

Rachel Selby, une jeune mère de Baka, montre des photos d’un terrain viergecensé, selon la mairie, accueillir une maternelle dès le début de l’année. Unesemaine plus tôt, ni bâtiment ni cour de récréation n’étaient encore visibles.Selon les élus, une structure en préfabriqué devait y être installée pour lepremier jour de classe, mais les parents étaient, à juste titre, inquiets.Selon Devora Givati, responsable du service des maternelles municipales, il y abien eu des “difficultés” à mettre en place l’initiative gouvernementale en sipeu de temps, mais la situation à Baka est un cas isolé et tous les enfantsdevaient être scolarisés en temps et en heure, le jour venu.

Quant à savoir s’il y a assez de professeurs pour gérer l’afflux denouveaux élèves, Givati ne se faisait pas de souci. “Certains professeursseront issus du privé. Ils ont demandé à rejoindre le système public, vu qu’ily aura désormais moins d’enfants dans le privé. D’autres ont déjà travaillétemporairement en tant que substituts.

Nous engageons des femmes qui ont passé plusieurs années à travailler dansune maternelle différente chaque jour. Elles seront maîtresses à plein-tempsavec leurs propres élèves”.

Le cabinet du Premier ministre Binyamin Netanyahou a récemment approuvé uneréforme qui prévoit la scolarisation gratuite dès 3 ans. Cette initiative esten réalité la mise en application de la Loi sur l’Education obligatoire de1984, qui instaurait déjà l’école gratuite dès l’âge de 3 ans pour tous lesenfants. Mais jusqu’à présent, le ministère du Budget s’était toujours refusé àfaire appliquer la mesure en raison de son coût.

Approuvée seulement à quelques mois de la rentrée scolaire, l’initiative adonc nécessité de la part de la municipalité de Jérusalem d’intenses efforts depréparation pour accueillir le flot de nouveaux élèves.L’année dernière,l’inscription dans une école maternelle publique coûtait aux parents 790shekels par mois. Auxquels il fallait rajouter un supplément pour les activitéspériscolaires. Cette année, à l’instar du jardin d’enfants pour les bambins de5 ans, le programme du matin sera gratuit dès 3 ans. En outre, beaucoup depetits continueront également de fréquenter des écoles privées, qui recevrontelles aussi des subventions leur permettant d’accorder une réduction de 790 shekelspar mois et par élève.

Pendant ce temps, du côté Est...

Si des difficultés ont surgi en raison des délais extrêmement courts pourtout mettre en place, il semble que, dans l’ensemble, la capitale ait su faireface aux nouveaux impératifs et créer suffisamment de salles de classes pouraccueillir les nouveaux enfants. Selon les services municipaux, 54 nouvellesmaternelles vont ouvrir cette année pour les enfants âgés de 3 à 4 ans. Soit,selon la porte-parole de la ville Lilach Avidov, “le plus grand nombre dupays”.

98 % des enfants de cet âge sont d’ores et déjà inscrits dans les jardinsd’enfants étatiques, laïcs et religieux, “où la demande est la plus forte etseront absorbés dans les infrastructures municipales”, explique Avidov. “Ce quireprésente plus de 1 000 nouveaux élèves”.

Mais du côté de Jérusalem-Est, tout n’est pas aussi rose. Dans les couloirsde l’hôtel de ville, on admettait à quelques jours de la rentrée que latransition serait moins facile à Jérusalem-Est qu’à Jérusalem-Ouest, étantdonné “les autres problèmes” qui existent déjà dans les quartiers Est.Officiellement, la municipalité affirme que “quelque 700 nouveaux élèves dusecteur arabe et 1 000 enfants de la communauté ultra-orthodoxe vont intégrerles maternelles de la ville”, selon Avidov.

Le système éducatif de Jérusalem-Est est problématique depuis plusieursannées. Selon un récent rapport de l’Association pour les droits civils enIsraël (ADCI), en 2011, “il existait un écart de 10,6 millions entre le budgetprévisionnel et les fonds réellement accordés aux écoles arabes”. En réponse,la municipalité a répondu que les calculs, pourtant réalisés par ses soins,étaient inexacts, non professionnels et ne pouvaient servir de base “à unevraie demande financière”. Pire encore, selon l’association, “en plus de lapénurie de salles de classe à Jérusalem-Est, il manque également du personneléducatif, ainsi que des conseillers d’orientation, des psychologues et desinspecteurs”.

Par manque d’informations, il est impossible de dire si de réels effortsont été entrepris par la municipalité suite à la nouvelle initiative pourégaliser le système éducatif de part et d’autre de la capitale.

Selon Ronit Sela de chez ADCI, le problème provient en partie du fait que lorsqueles inscriptions ont été ouvertes pour l’année 2012-2013, la nouvelle gratuitédès 3 ans a été publiée en hébreu seulement, laissant les habitants deJérusalem-Est dans l’ignorance. Il a fallu que l’association en parle sur lesondes de la radio militaire pour que les choses changent

Et Sela d’aligner les statistiques accusatrices : “Il existe seulement 6nouvelles maternelles pour les 3-4 ans à Jérusalem-Est, comparées aux 66 àJérusalem-Ouest”, pointe-t-elle. “Sur les 15 000 enfants arabes de cet âge,seuls 433 (c’est-à-dire moins de 3 %) étaient inscrits dans une maternelle àproprement parler ou ont été placés avec des enfants plus âgés dans les jardinsd’enfants, sur l’année 2011-2012. 260 autres sont allés dans des structuresreconnues mais non officielles. Beaucoup d’autres étaient dans des crèchesprivées, mais les autorités n’en gardent pas la trace et il n’y a pas dedonnées disponibles”.

Pour Sela, la ville ne fait tout simplement pas assez d’efforts à l’égard descitoyens arabes. Et d’ajouter : “Il est important de rappeler que tout ceci sepasse sur fond d’une terrible pauvreté. 84 % des enfants palestiniens deJérusalem vivent sous le seuil de pauvreté, selon les statistiques les plusrécentes du Bitouah Leumi (sécurité sociale)”

Jérusalem, bon élève

Quoi qu’il en soit, un peu partout dans la ville, la rentrée se prépare. Oùsont donc accueillis les nouveaux élèves ? Rachel Azaria, récemment congédiéedu portefeuille municipal à la petite enfance, explique que la ville possèdaitdes structures préexistantes pouvant être adaptées à l’arrivée de nouveauxélèves. “Jusqu’ à présent, la loi prévoyait que chaque enfant de 5 ans soitscolarisé dans un jardin d’enfants public. Pour les 3 à 4 ans, si la villeparvenait à fournir un local et des activités de préscolarisation, une partiedes fonds provenait du gouvernement”.

E l l e explique : “Certaines municipalités se disaient : “c’est importantde f o u r n i r une solution à tous les habitants de la ville’, tandis qued’autres avançaient : ‘nous n’y sommes pas obligés donc nous ouvrons lesjardins d’enfants à partir de 5 ans et s’il reste un peu de place, les plusjeunes pourront également être admis’”.

“C’était le cas de Tel-Aviv. La Ville blanche faisait partie de celles quine se sentaient en rien obligées. Et bien d’autres municipalités ont suivi.Alors que du côté de la Ville sainte, voilà des années que Jérusalem estimaitque tous les enfants qui souhaitaient rentrer à la maternelle publiquedevraient pouvoir le faire. Toutes les familles n’en avaient pas forcémentenvie, parce que ce n’était pas gratuit et que cela coûtait seulement un peumoins cher que les écoles privées”, analyse Azaria. “Mais les terrains prêts àla construction étaient là. Maintenant que la maternelle est gratuite et que denombreuses familles veulent y inscrire leurs enfants... on construit et ontransforme les anciens bâtiments en maternelle. C’est quelque chose detotalement faisable à Jérusalem et l’année prochaine tous ceux qui voudrontêtre inscrits, ou presque tous, pourront avoir une place”. Mais quid de cetteannée ? Azaria n’hésite pas : “Il y a de la place et il y a des salles declasse. Ce ne sera pas parfait, il y a des problèmes, mais cela ira”.

Même avant les recommandations de la commission Trajtenberg (grouped’experts qui a rendu un rapport sur les réformes socio-économiquessouhaitables après le mouvement social de 2011), “le système s’était élargi à 1000 enfants de plus”. Notamment du fait de la croissance naturelle de Jérusalem- un sujet de contentement national, en soi.

“Les enfants sont donc, pour certains, placés dans des écoles déjà existanteset le nombre d’élèves par classe a augmenté. Par exemple, les classes dematernelles passeront de 26 à 29 enfants. “Nous ouvrons 29 nouvelles classes”,enchaîne Azaria. “15 d’entre elles seront reli-gieuses et 14 laïques. Comme ilest impossible deconstruire des salles de classe en 6 mois, nous avons trouvédes solutions via des structures déjà existantes.

Par exemple, sur les années où il y avait une baisse du nombre d’élèves danscertains quartiers, comme Guilo et Kyriat Hayovel, les salles de classe étaientattribuées à d’autres corps municipaux. Certaines ont été converties en centrescommunautaires, d’autres en diverses structures éducatives. Maintenant que lenombre d’enfants reprend ses droits, la municipalité a trouvé d’autressolutions pour eux et a rénové les maternelles afin qu’elles soientopérationnelles.”

Le secteur privé, le grand perdant

Les inquiétudes des parents ? Pour Givati, la responsable municipale, sitoutes les demandes d’inscriptions en maternelles seront honorées, les enfantsne sont pas forcément placés dans les écoles souhaitées par les parents. Il nes’agit pas d’aller d’un bout à un autre de la ville pour autant, mais peut-êtrede ne pas être admis dans le jardin d’enfants d’en bas de chez soi.

“Tous les enfants sont acceptés, mais nous ne garantissons pas l’école spécifiqueou la rue spécifique”. En dépit des difficultés, Jérusalem clame donc avoirfait un travail bien meilleur que beaucoup ne s’y attendaient. Une opinion quene partagent cependant pas les structures privées, grandes perdantes de cechambardement.

Rebecca Zibman est une jeune émigrante américaine qui dirige un jardind’enfants à Jérusalem. Selon elle, la réforme va faire émerger un certainnombre de problèmes. “Je comprends bien que la prise en charge d’un enfantpuisse être extrêmement onéreuse, ce qui empêche souvent un parent (la plupartdu temps la mère) de retourner travailler plus tôt”, dit-elle. Cependant,“notre professeur de musique m’a raconté que de nombreux jardins d’enfants etgarderies privés dans le coin ne sont pas pleins pour cette rentrée. Lagratuité de la maternelle n’aide certainement pas ces lieux-là.”

Zibman s’inquiète du sort des maternelles privées, qui selon elle auront dumal à s’en sortir avec la nouvelle initiative, en dépit des promessesgouvernementales. “Honnêtement, nous ne sommes pas très confiants. Cela va nousaffecter”, déclare la jeune femme. “Il faut savoir que la plupart des jardinsd’enfants et garderies privés ne sont pas reconnus par l’Etat”,explique-t-elle.

La bureaucratie administrative, continue-t-elle, rend très difficile lareconnaissance officielle des maternelles privées, sans parler de les faireentrer dans le programme de subventions. “Tamat (le ministère de l’Industrie,du Commerce et du Travail, qui supervise les places dans les maternelles pourles enfants de moins de 3 ans) à des critères d’admission quasiment impossiblesà atteindre. Pour compliquer encore les choses, chaque région est gérée par unecoordinatrice. Nous avons été informés par la nôtre qu’en raison de coupesbudgétaires, elle ne pouvait admettre plus de jardins d’enfants dans sa zone,et ce, malgré la pénurie. Mon ancien directeur a eu la gentillesse de meprésenter à la personne à la mairie en charge des garderies de Jérusalem. Ellem’a dit avec enthousiasme qu’il était facile d’être reconnu. Je lui ai réponduqu’il n’y avait rien de plus compliqué”.

La réforme a “placé les parents dans une situation difficile”, juge lapuéricultrice. Alors que l’école privée est chère, “ils craignent les classesimmenses des maternelles publiques. Ils ont peur des répercussions d’un tel environnementsur leurs enfants. Une très grande classe peut vraiment être perturbante pourun petit. Mais c’est sûr que c’est une décision compliquée”