Et si l’Iran attaquait au printemps…

Plusieurs conclusions découlent de l’opération «Pilier de défense». Mais une, en particulier, a de quoi inquiéter : Israël ne possède qu’une défense partielle contre les missiles.

1912JFR12 521 (photo credit: Reuters)
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Le récent conflitentre Israël et le Hamas offre un aperçu sur la stratégie de défense régionaled’Israël.
Pendant de nombreuses années, l’Iran et ses alliés, installés aux frontières del’Etat hébreu, ont oeuvré pour créer des bases de lancement de missiles et deroquettes, destinées à attaquer le point sensible du pays : sa populationcivile.
Et ce projet iranien, qui a déjà pris corps à Gaza et au sud du Liban,constitue, jusqu’à maintenant, une sérieuse menace à laquelle Israël doit faireface. Car depuis plusieurs années, la République des Mollahs s’emploie à offrirau Hezbollah, au Hamas et au djihad islamique, les moyens d’attaquer Israël surson front arrière, de causer des dommages importants, et de paralyser la viequotidienne.
Cette stratégie a plusieurs buts : tout d’abord, permettre aux factionsterroristes de Gaza de concrétiser leur idéal de guerre éternelle, où lescessez-le-feu ne sont que des répits avant le prochain round. Mais aussi,décourager Israël de se battre. Quand les Gardiens de la révolution islamiqueont supervisé les bases de roquettes, ils espéraient que d’une part, sur lefront local, Israël cesserait de pratiquer des éliminations ciblées sur lesterroristes de Gaza. Et d’autre part, sur un plan plus régional, ils pensaientdissuader Israël d’attaquer les sites nucléaires iraniens.
De même, le Hamas a cru, à tort, qu’avec des hommes de sa mouvance au pouvoiren Egypte, Israël n’agirait pas.
Mais comme l’a prouvé l’opération «Pilier de défense» en novembre dernier, latentative de dissuader Israël de se défendre a échoué. L’armée de l’airisraélienne a pris l’initiative d’éliminer le chef militaire Ahmed Jaabari lorsd’une opération ciblée, prenant tout le monde de court : le Hamas, qui s’en esttrouvé très choqué ; et l’Iran, en dépit de ses continuelles crises avec lemouvement gazaouï (les relations entre les deux se sont refroidies depuis quele Hamas soutient les rebelles syriens).
Jusqu’à Beyrouth ? 
L’un des principaux facteurs qui a permis à Israël d’agirlibrement, malgré la menace des roquettes : son système de défense, le Dôme defer. Les cinq batteries déployées dans le sud et le centre d’Israël ontintercepté 87 % des projectiles lancés vers les régions habitées. Tsahal a purester fidèle à son plan : une attaque uniquement aérienne et limitée à unesemaine.
Le but était de restaurer le pouvoir de dissuasion d’Israël, conditionnécessaire pour stopper la menace quotidienne des roquettes sur le sud du pays.
Seul problème, cette active défense au service d’une offensive israélienne nefonctionne que vis-à-vis de Gaza.
Face à la principale base de roquettes iranienne de la région, celle duHezbollah au Liban, Israël n’est pas prêt. Or, l’organisation terroriste chiitea déjà amassé plus de 50 000 missiles qui constituent tous un danger pourIsraël.
Ainsi, ce n’est sans doute pas par hasard si peu avant l’arrêt des tirs deroquettes en provenance de Gaza, lors de l’opération «Pilier de défense», leministre de la Défense a testé avec succès le «Kela David», littéralement la«Fronde de David» ou la «Baguette magique». Un système conçu pour intercepterdes roquettes de courte à longue portée, ainsi que des missiles de croisière.Défense parfaite contre la menace du Hezbollah, il n’a qu’un seul défaut, celuide ne pas être opérationnel avant 2014.
Or, si l’Iran poursuit son programme d’enrichissement d’uranium, c’est auprintemps 2013 qu’Israël devra prendre une décision quant à la menace nucléairedes Mollahs.
Le Dr Ely Karmon, chercheur en problématique stratégique et encontre-terrorisme au Centre interdisciplinaire d’Herzliya, renchérit : «Le vraiproblème est l’arsenal de roquettes du Hezbollah. Ils sont dotés de Katiouchas,de missile longue portée M600, de Scuds et de Fajr 3 et 5. C’est une menacedirecte qui pourrait très bien se concrétiser au printemps, quand il faudratrancher sur le problème de l’Iran. Si les Iraniens ont armé le Hezbollah de 50000 roquettes, ce n’est pas pour rien. Ce front que représente le Hezbollahconstitue une menace très sérieuse. Peut-être Tsahal devra-t-elle même allerjusqu’à Beyrouth».
Les armes de l’Iran
Pour le moment, on ne sait si l’armée israélienne prévoitde s’aventurer de nouveau jusqu’à la capitale libanaise. Une chose est sûre :les systèmes de défense aérienne n’ont jamais été considérés comme la riposteparfaite aux tirs de roquettes.
Certes, leur grande efficacité permet toutefois à Tsahal de planifier sesattaques aériennes et terrestres. Pour l’heure, la parade parfaite n’existepas. Mais une offensive terrestre qui mobiliserait une grande partie del’infanterie et des corps de blindés, secondée par une agressive campagneaérienne, pourrait bien sûr assurer une défense efficace. Plus vite les forcesarmées terrestres parviendraient aux positions du Hezbollah, plus vite les tirsde roquettes cesseraient.
«Pour en revenir au dernier conflit à Gaza, la stratégie iranienne a perdu deson prestige», ajoute Karmon. «Mais pour autant, Téhéran a quand même marquédes points dans cette confrontation. Les chefs du Djihad islamique et celui duHamas, Ismail Haniyeh, ont tenu à faire clairement savoir que ce sont des armesiraniennes qui leur ont permis d’attaquer Israël. Et le Djihad islamique est lepremier à avoir tiré sur Tel-Aviv, là encore, grâce à l’armement des Mollahs.
Il faut se rappeler qu’il s’agit d’une organisation terroriste, alliée del’Iran.» Karmon poursuit son analyse sur l’alliance entre le Hamas et l’Iran.Il revient sur la déclaration de Moussa Abou Marzouk, du bureau politique duHamas, ces dernières semaines : le Hamas continuerait à recevoir des cargaisonsd’armes iraniennes pour remplir ses stocks de roquettes de longue portée Fajret de moyenne portée Grad. « J’y vois un message du Hamas à l’Egypte, où ilsleur demandent la liberté d’importer des armes à Gaza», analyse le spécialiste.
Le Hamas, quant à lui, joue sur les deux tableaux : il a rejoint avec l’Egyptele nouvel axe sunnite, mais a maintenu son accès à l’armement iranien.D’ailleurs, l’Iran, selon diverses publications, aurait déjà envoyé unchargement et serait bien déterminée à faire parvenir d’autres cargaisons.
L’ennemi s’améliore
Outre ses bases au Liban et à Gaza, l’Iran possède descentaines de missiles balistiques comme le Shihab 3 (basé sur un missilenord-coréen) et le BM25 (acheté à la Corée du Nord en 2008), tous pointés versle territoire israélien.
Israël a déjà développé un système de défense, le missile Arrow, pour lesmissiles balistiques, et le système Arrow 3, pour les missiles après leur miseen opération. «La question est de savoir quel est l’état des radars du systèmeArrow», note le général de réserve Giora Eiland, ancien chef du Conseil deSécurité nationale. «Est-ce que ces systèmes peuvent devancer les missilesiraniens ?» Eiland ne voit pas en quoi la performance du Dôme de fer pourraitêtre efficace face à l’Iran. Il émet aussi des doutes sur le terme «protectionmulticouches», employé par le ministre de la Défense Ehoud Barak. «Croire queles systèmes de défense Arrow 2 et 3, la ‘Baguette magique’ et Dôme de fer sonttous efficaces contre un même missile est faux», affirme Eiland «Même s’il y aun peu de chevauchement entre eux, chaque système se défend contre une arme différente.Le Dôme de fer peut fournir une défense contre les roquettes du Hezbollah,mais, pour le moment, Israël n’a pas de réponse défensive contre lesprojectiles d’une portée de 200 kilomètres. Il faut savoir que l’ennemis’améliore : il détient plus de roquettes, de portée plus longue, et des ogivesplus lourdes. Il faut se rappeler que même si Dôme de fer a fourni une bonnedéfense, elle n’était pas parfaite.»
Chiites vs. Sunnites
 Shlomo Brom, généralde brigade réserviste, et chercheur à l’Institut pour les études de sécuriténationale (INSS) de l’université de Tel-Aviv, est d’accord. Bien qu’Israël aitpu défier le programme de roquettes iranien, on est loin, selon lui, de pouvoirneutraliser la menace. Après tout, lors du conflit de novembre, les roquettessont parvenues au coeur même du pays. «Aux derniers instants du conflit, lesorganisations terroristes n’ont cessé de lancer des roquettes et je parie quec’est ce qui va se passer dans le futur : il y aura un nombre incalculable demissiles, du jamais-vu.» Michael Segall, expert des problèmes stratégiques auCentre des Affaires publiques de Jérusalem, a une vue plus optimiste. Dans uneanalyse récemment publiée, il présente le conflit dans un contexte plus large,celui de la rivalité entre les camps chiite et sunnite. Le camp chiite, composéde l’Iran, du régime du président Bashar Assad et du Hezbollah, s’oppose aunouveau camp sunnite, fait de l’Egypte, de l’Arabie Saoudite, du Qatar et de laTurquie. Des tensions qui jouent un rôle déterminant dans les conflits duMoyen- Orient : en Syrie, dans la région palestinienne, à Bahreïn et enJordanie.
Selon Segall, le paysage politique de la région en sera très modifié : l’Egypteva jouer un rôle déterminant dans le nouvel ordre régional et se confronteradonc à l’Iran. La Turquie, avec le problème de la Syrie, est déjà en oppositionavec Téhéran quant à son hégémonie et son influence régionales. « Dans cecontexte, le Dôme de fer est un succès. L’habileté d’Israël à vaincre lesroquettes iraniennes contribue à affaiblir le rôle de l’Iran dans la région età l’isoler», estime l’expert.
Toutefois, que la guerre de Gaza ait desservi ou servi l’Iran, le compte àrebours continue bel et bien.