Hommage à une sommité religieuse

Le Rabbin Yossef Shalom Elyashiv, plus grand leader du monde haredi, s’est éteint à 102 ans

rabbin (photo credit: MIS/TJPost, Beit Hashalom)
rabbin
(photo credit: MIS/TJPost, Beit Hashalom)

Mercrediaprès-midi, le rabbin Yossef Shalom Elyashiv, dirigeant de la communautéashkénaze haredi, s’est éteint à l’âge de 102 ans à l’hôpital du centre médicalShaarei Zedek à Jérusalem. Ce leader cultuel, figure phare du courant religieuxdit “litani”, par opposition aux hassidim, et force dirigeante des partispolitiques haredi, souffrait d’une insuffisance cardiaque. Il était hospitalisédepuis le mois de février. Depuis, sa santé n’a cessé de se détériorer. Al’annonce de sa mort, les hommages se sont multipliés.

Le Premier ministre Binyamin Netanyahou a exprimé sa profonde tristesse :“L’existence du Rabbin Elyashiv a marqué la communauté ultra-orthodoxe, maiségalement tout le peuple juif. Son enseignement a tracé le chemin de nombreusespersonnes, qui ont construit leur force autour de sa sagesse et sa granderéflexion. Le Rav représentait l’amour de la Torah et de l’humanité, lamodestie et la préservation du caractère sacré de la vie. Israël a perduaujourd’hui un chef spirituel et incisif, mais également un sage généreux d’unegrande stature qui a représenté fidèlement les valeurs de la Torah. Nousdéplorons sa disparition.”
La leader travailliste Shelly Yachimovich a adressé ses condoléances auxdéputés Moshe Gafni et Ouri Maklev, représentants de la faction non hassidiqueà tendance lituanienne (Deguel Hatorah) au sein du parti Judaïsme unifié de laTorah. Elle a exprimé “la douleur de voir disparaître leur chef... malgré lesdivergences entre le rabbin et sa communauté, et l’ensemble de la sociétéisraélienne.”
Pour Gafni, le leader de cette génération “sur lequel tout peuple juifs’appuyait, nous a été enlevé”. Et d’ajouter : “La Torah, la crainte duparadis, son intérêt pour le peuple juif et les individus en détressecomposaient son être. Sa maison était une source de force, où ses conseils etsa sagesse jaillissaient de sa grandeur.”
Le Grand Rabbin britannique, Jonathan Sacks, a exprimé sa tristesse quant à lamort “du plus grand chef talmudique et halachique de notre temps, un hommeadmiré pour sa sagesse et son érudition, consulté par les communautés juives dumonde entier.”
Plus de 250 000 personnes ont participé à la procession funéraire, de larésidence du Rav à Mea Shearim jusqu’au cimetière Har Hamenouhot de GuivatShaoul. Selon les voeux d’Elyashiv, aucun éloge n’a été prononcé lors de lacérémonie, seuls des psaumes ont été récités.
Qui pour succéder au maître ?

 

Elyashiv, enfantunique, est né en Lituanie en 1910, dans la ville de Siauliai (Shavel enyiddish), 17 ans après le mariage de ses parents : le Rabbin Avraham Erener etson épouse Chaya Musha. Il débarque en Palestine mandataire en 1922, à l’âge de12 ans. Il convole alors en justes noces avec Sheina Chaya (fille du célèbreRav Aryeh Levin) en 1929, suivant les recommandations du premier rabbin de lacommunauté juive en Palestine mandataire. Elle décédera en 1994. Cinq de leurs12 enfants ont également disparu, le reste de la fratrie étant aujourd’hui âgéde 70 ans et plus.
Elyashiv était le chef spirituel du parti Deguel Hatorah (mitnagdim), allié auparti hassidique Agoudat Israël.
Ensemble, ils ont formé la faction Judaïsme unifié de la Torah, qui siège à laKnesset.
Mais le pouvoir spirituel du Rabbin ne s’est pas limité à la communauté“lituanienne”. Par son immense influence il poussait le monde religieux às’interroger sur les problèmes actuels, tout en conservant la ligneconservatrice du parti.
Depuis l’hospitalisation d’Elyashiv, une lutte de pouvoir s’était installéeentre Shteinman et le Rabbin Shmuel Auerbach, 86 ans. Pour preuve de cetaffrontement : la bataille pour la direction de Yated Neeman, voix de DeguelHatorah et plus influent quotidien de la communauté haredi. Shteinman étaitparvenu à placer l’un de ses associés à la présidence du conseild’administration du journal. Ce qui avait mené au licenciement du directeur dela publication de longue date, et du rédacteur en chef, tous deux nommés par leRabbin Menachem Elazar, prédécesseur d’Elyashiv.
Puis la lettre du Rabbin Haim Kanievsky, publiée dans le quotidien, a encorejeté un pavé dans la mare. Kanievsky, troisième rabbin influent au sein de lacommunauté nonhassidique et gendre d’Elyashiv, avait qualifié Shteinman de nouveauchef de la communauté, ce qui avait poussé les fidèles d’Auerbach à annulerleurs abonnements au quotidien. Et à lancer HaPeles, la semaine dernière, pourconcurrencer Yated.

La  mort d’un géant rabbinique

 

La mort du guidespirituel et moral de la communauté haredi “lituanienne” laisse place àl’inquiétude et la tristesse Le Rav sera probablement l’un des derniers chefsde file incontestés de la communauté non hassidique “lituanienne”, habituée àla sécurité d’une autorité morale et religieuse pour diriger leur vie. Depuisune dizaine d’années, Elyashiv, guide spirituel et moral, rassemblait lesultra-orthodoxes. La disparition d’un leader fédérateur de cette stature marqueun tournant pour la communauté haredi en Israël.
Elyashiv avait succédé au Possek hador (décisionnaire de la génération), leRabbin Menachem Elazar Shach, mort en 2001, tout en poursuivant la ligneconservatrice de ses prédécesseurs. Shach, leader ardent de la communautéharedi, avait coupé les liens avec le mouvement Agoudat Israël qui représentaittraditionnellement le monde haredi en Israël, mais incarne aujourd’hui lafaction hassidique.
Shach qui avait formé le parti Deguel Hatorah en 1988, à l’attention desharedim non hassidiques, avait développé une attitude d’hostilité à l’égard dela société israélienne dans son ensemble. Une prise de position perpétuée parElyashiv, qui n’avait pas le charisme et le dynamisme de Shach.
Par rapport à la difficile problématique de l’intégration des ultra-orthodoxesà la société israélienne au sens plus large, Elyashiv était intransigeant ets’opposait au “nouveau haredi”, petite tranche de la communauté participant àl’effort militaire et intégrée dans le monde du travail.
Avant que sa santé ne se détériore, il avait prononcé en décembre dernier undiscours contre l’intégration des haredim dans la société. Son credo :maintenir l’éducation sous le contrôle strict des rabbins et empêcher touteouverture vers le service militaire, civil ou les études profanes, pour ne pasrisquer de laisser dévier des membres de sa communauté vers le monde de vieséculaire ou culturel des laïcs.
Un expert de la loi juive

 

Elyashiv a longtemps officié comme juge rabbinique au rabbinat et à la Coursuprême rabbinique, où il est devenu une des autorités les plus compétentes enmatière de loi juive ou de la Halacha. Ses travaux compilés, largementreconnus, sont le fruit de ses vastes études talmudiques et des nombreusesquestions qui lui sont posées tout au long des années où il a incarné uneautorité halachique de premier plan.
A la fin des années 1980, la santé du Rabbin Shach se détériore. Il appellealors Elyashiv à devenir le nouveau chef de file de la communauté haredi.Tandis que la popularité d’Elyashiv s’accroît, Shach se retire progressivementde la vie publique. Avant de mourir en 2001, le Rabbin consacre Elyashiv commeson successeur.
Pour une communauté habituée à se tourner vers une figure incontestée enmatière de droit religieux pour chacune de ses questions, la disparition du RavElyashiv marque un tournant historique. Pour l’heure, il n’est pas sûr que leguide spirituel suprême disparu soit remplacé par une lumière de la mêmeintensité.