« Il ne nous appartient pas de décider de l’interdiction d’une manifestation »

Entretien avec Francis Kalifat : pour le vice-président du CRIF, la sécurité de la communauté juive doit d’abord être assurée par l’Etat.

Manifestant à Paris (photo credit: REUTERS)
Manifestant à Paris
(photo credit: REUTERS)
Les violences observées ces dernières semaines à Paris vous surprennent-elles ?
Oui et non. Il y a une hausse ininterrompue des violences à l’égard des Juifs depuis les années 2000. Il y a eu l’assassinat d’Ilan Halimi, la tuerie de Toulouse, puis celle de Bruxelles. Mais ce que l’on a pu voir ces dernières semaines dépasse l’entendement ! Plus de six synagogues ont été vandalisées ou assiégées et des voyous ont semé la terreur dans des magasins juifs en plein cœur de Paris.
A Sarcelles, il s’agissait d’une véritable insurrection dont le seul moteur était la haine des Juifs. Des tracts avaient circulé avant la manifestation : « on va casser du Juif ». Les débordements ne sont pas le fait de l’échauffement des esprits, il s’agissait de quelque chose de prémédité. Il y a une véritable stratégie pour déstabiliser la société dans laquelle on vit. On se retrouve dans une situation que l’on ne pensait plus revoir. La seule différence : ces expressions de haine sont désormais réprimés par les pouvoirs publics, qui essayent de contenir ce déferlement.
 Les pouvoirs publics protègent-ils efficacement la communauté juive de France ?
Nous sommes en contact permanent avec les pouvoirs publics qui essayent d’endiguer cette hausse des actes antisémites. Mais nous sommes en droit d’attendre des tribunaux qu’ils condamnent avec de plus de fermeté les auteurs de ces actes et prononcent des peines dissuasives. Il est inadmissible que des auteurs pris en flagrant délit et jugés en comparution immédiate puissent être relaxés.
La communauté juive est inquiète pour sa sécurité et l’on ne peut pas laisser aux pouvoirs publics l’entière responsabilité de la sécurité des Juifs. C’est évidemment aux pouvoirs publics, d’agir en premier lieu, mais il faut aussi que chaque Juif agisse de manière responsable. Il faut être plus vigilant aux entrées des synagogues et des écoles juives, être plus en état d’alerte pour les colis suspects, éviter les rassemblements etc.
Le CRIF a-t-il agi auprès des autorités publiques pour l’interdiction des manifestations pro-palestiniennes ?
Il ne nous appartient pas de décider de l’interdiction d’une manifestation. Manifester est un droit en France et chacun peut le faire pour les causes qui lui sont chères. Notre rôle est d’alerter les pouvoirs publics lorsque le risque de trouble à l’ordre public est avéré et lorsque la manifestation met en danger la communauté juive ou ses institutions. C’est de la responsabilité du préfet de savoir s’il y a ou non danger pour des citoyens. Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve l’a rappelé : « c’est la violence qui engendre l’interdiction de la manifestation » et non l’inverse. Il faut que les manifestations et aussi les après-manifestations soient mieux encadrées.
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