Vers la fin de la guerre du Golfe en 1991, juste aprèsl’attaque sur Israëlpar Saddam Hussein au moyen d’une quarantaine de missilesbalistiques, l’état-major de Tsahal tenait une réunion exceptionnelle. Devantl’urgence de s’entretenir de cette nouvelle menace dirigée vers Israël. Al’issue de la réunion, le Commandement du Front intérieur (CFI) était créé.Mais surtout, le directeur général du ministère de la Défense et anciencommandant de l’armée de l’air, David Ivry, avait averti : “Les quarantemissiles que nous voyons aujourd’hui ne sont rien en comparaison avec ce quinous attend dans le futur”.Dans la salle, Ehoud Barak écoutait avec attention cette sinistre prédiction, àquelques semaines de sa nomination comme chef d’état-major de l’arméeisraélienne. Et dans ses oreilles, comme dans celles de tous les dirigeants deTsahal du Quartier général de la Kirya, cette petite phrase allait retentirlongtemps. Jusqu’à aujourd’hui en fait. Car le pronostic d’Ivry s’est révéléêtre d’une inquiétante justesse : Israël a vu, ces dernières années,s’accroître l’arsenal de missiles et de roquettes chez ses voisins directs.“Ivry avait raison, et de nos jours la menace est encore plus grande que ce quel’on pouvait imaginer en 1991”, a récemment rappelé Barak. Une déclaration quiprend tout son sens si l’on considère l’arsenal du Hezbollah, composé dequelque 500 000 roquettes et missiles.
D’après le général Aviv Kochavi, actuel chef du service de renseignementsmilitaires, près de 200 000 missiles et roquettes seraient pointés sur Israël.Selon lui pourtant, le problème ne vient pas tant du nombre de missiles que desprogrès réalisés dans leur précision. Kochavi énumère les principalesévolutions des missiles d’Iran, de Syrie, mais aussi entre les mains du Hamaset du Hezbollah.En l’espace de six ans, depuis la seconde guerre au Liban, les missiles se sontfaits plus nombreux, plus précis et mieux constitués, avec des ogives bien plusgrandes. D’une plus grande portée, les engins peuvent frapper des cibles pluséloignées, en plein centre des pays ennemis. Certains sont même si puissantsqu’ils peuvent être lancés depuis des silos ou des bases souterrainesfortifiées.Le fabuleux destin du CommandementEn réaction à cette menace, les commandantsde Tsahal ont élaboré une stratégie sur trois niveaux : une contreoffensiveefficace pour diminuer la capacité de frappe de l’ennemi, tout un complexedéfensif élaboré, qui inclut les systèmes “Dôme de Fer”, “Fronde de David” et“Flèche” (Arrow).
Prévenir pour mieux agir
Selon ses responsables, le CFI devrait assumer troisprincipales tâches dans le prochain conflit : assister Tsahal dans sesmanoeuvres en territoire ennemi ; déployer ses unités de recherche et sauvetagepour venir en secours aux victimes ; et assurer la continuité du service publicdans tout le pays en soutenant les conseils locaux et les municipalités, en casde manque de personnel. “Nous progressons tous les jours, et sommes déjà bienplus performants qu’il y a quelques années”, a assuré cette semaine l’un desresponsables du CFI, le général de brigade Zviki Tessler.Lui-même incarne d’ailleurs ce changement : pilote d’hélicoptère, il aabandonné l’armée de l’air pour assumer une importante fonction au CFI. Unefulgurante promotion, inimaginable il y a encore quelques années.Autre évolution, cette fois en matière de précision : le CFI a prouvé sonefficacité durant les récents conflits entre Tsahal et le Djihad islamique. Ila ainsi été possible de faire retentir les sirènes uniquement dans les villes,voire même seulement dans les quartiers visés par des tirs de roquettes enprovenance de Gaza.Le risque de faire paniquer toute la région à chaque tir de roquette est donceffacé.Cette avancée a été possible tout d’abord grâce à un partenariat entre l’arméede l’air et le CFI. Un centre de commandes mixtes a ainsi été mis en place surla base aérienne de Hatzor, près de Guedera. Les officiers des deux branchescoopérèrent pour détecter les missiles et déterminer l’endroit précis où ilssont supposés atterrir, pour ensuite y enclencher la sirène.Le CFI a de plus décidé de diviser le territoire d’Israël en plusieurscentaines de sous-sections, chacune pouvant être prévenue des risques encourus,sans faire paniquer inutilement les villes environnantes.
SMS ou le tocsin moderne
Tsahal cherche désormais à mettre en place un procédépermettant d’envoyer des messages SMS aux personnes concernées. Si cettedécision est approuvée d’un point de vue juridique, les citoyens se trouvantdans une zone menacée par une attaque missile devront se diriger vers un refugeanti-bombe lorsqu’ils recevront deux avertissements : une sirène d’alarme et unmessage sur leur téléphone mobile les enjoignant à trouver refuge au plus vite.Il s’agit là de progrès cruciaux devant le risque de conflits de grandeampleur. Car si les installations telles que Dôme de fer ont impressionné parleur efficacité lors du dernier conflit avec Gaza, les Israéliens doiventpouvoir bénéficier de plus amples mesures de sécurité en cas de guerre àl’échelle internationale.Il n’y a, pour l’heure, que quatre batteries antimissiles en Israël. Il estpossible qu’elles soient utilisées pour préserver des installations vitales dupays telles que les bases aériennes ou certaines institutions nationales, dansle but d’assurer une continuité opérationnelle en toutes circonstances.C’est pourquoi, selon le CFI, la meilleure façon de se défendre consiste en lacombinaison de dispositifs de défense active (tel Dôme de fer) et de défensepassive (tels que les abris anti-bombe). Si l’Iran ne fléchit pas dans sonobstination à alimenter un programme nucléaire agressif, cette dernièrecombinaison devra prouver son efficacité d’ici peu.