Les drames sont notre ordinaire

De joyeux événements ont été assombris le week-end dernier, par l’enlèvement de trois adolescents israéliens par un groupe terroriste.

Prière à la Knesset (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM)
Prière à la Knesset
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM)
Israël est connu pour la vitalité et la diversité de sa scène culturelle. Dans un même week-end, des milliers de personnes étaient rassemblées à l’occasion de la Gay Pride à Tel-Aviv, et des milliers d’autres ont participé au plus grand repas de shabbat qui a fait son entrée dans le Guinness des records. A Jérusalem, des centaines de participants ont pris part au sommet du Limmud FSU ou à la journée d’étude des femmes du mouvement Massorti. Les Israéliens étaient aussi massivement scotchés devant leurs écrans, chez eux ou dans les bars, pour ne rien rater de la Coupe du monde de football. Le temps estival était favorable aux baigneurs qui ont envahi les plages ; cyclistes et randonneurs étaient aussi de sortie. Puis tout a basculé. Au beau milieu de cette effervescence festive, trois adolescents ont été enlevés par un groupe terroriste…
Ce qui a suivi n’était que trop familier : les chaînes de télévisions et stations de radios ont diffusé des informations en boucle retraçant les événements, des séances de prières se sont organisées, une campagne de solidarité s’est mise en place sur les réseaux sociaux. Et, comme toujours, s’est imposé cet horrible sentiment que ces adolescents en danger étaient des membres de notre propre famille, alors que, cinq minutes plus tôt, nous n’avions jamais entendu parler d’eux.
Le web a été, comme à son habitude, rempli de commentaires dont le but était d’exploiter la tragédie à des fins idéologiques. Le Premier ministre, et la droite en général, ont reproché au gouvernement unifié Fatah-Hamas d’avoir créé une atmosphère encourageant ce type d’action, tandis que d’autres ont appelé à l’annexion complète et immédiate des territoires disputés.
La gauche a raillé Netanyahou qui a tenté d’imputer l’événement au nouveau gouvernement d’unité nationale Fatah-Hamas, tout en rappelant les dizaines d’enlèvements déjoués ces derniers mois par les autorités, et ce, bien avant l’existence de l’accord de réconciliation entre les deux entités palestiniennes. Elle a utilisé cet événement comme une preuve supplémentaire de la nécessité de mettre fin aux constructions dans les territoires et de s’en retirer complètement.
Tout en tirant des conclusions diamétralement opposées du même incident, les deux versants de l’échiquier politique sont dans le vrai. C’est typiquement israélien. Les conclusions divergentes font partie intégrante de ce qu’est l’Etat hébreu. La douleur engendrée par une catastrophe nationale comme celle-ci conduit presque toujours à une cristallisation sur des certitudes et un durcissement des points de vue. Mais cela ne contribue en rien à la libération d’Eyal Yifrach, Naphtali Fraenkel et Gil-Ad Shaer. En nous complaisant dans une normalité éphémère, éblouis par la merveilleuse diversité de notre pays, nous entretenons l’illusion. Mais les parades gays, la pluralité d’expression du judaïsme et les merveilleux paysages ne parviennent pas longtemps à masquer l’anormalité de notre quotidien soumis au diktat de frontières instables entre Israël et son voisin palestinien.
Alors au lieu de passer un week-end idyllique à profiter sereinement de la multitude de bienfaits qu’offre ce pays, nous sommes soudain confrontés régulièrement à cette déchirante expérience qui consiste à voir d’innocents Israéliens tomber dans les griffes de brutes sanguinaires.
C’est malheureusement notre lot quotidien.