Les femmes Loubavitch quittent leur zone de confort

1700 femmes, émissaires du mouvement Habad à travers le monde, se sont réunies au quartier général Loubavitch international de Crown Heights, à New York, pour la conférence annuelle des « Shlouchos ».

1303JFR18 521 (photo credit: Avec l’aimable autorisation de Kinus.com)
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Le ventd’hiver mordant qui souffle dans Kingston Avenue, à Brooklyn, cherche àemporter les chapeaux noirs des hassidim. Et les légions de femmes qui sehâtent vers le centre Oholei Torah, sont obligées de retenir leurs joliesperruques en montant l’escalier extérieur. Elles sont quelque 1 700, toutesémissaires du mouvement Habad à travers le monde, à affluer vers le quartiergénéral international Loubavitch de Crown Heights pour leur congrès annuel.Motif ? La « Conférence internationale des Shlouchos Habad-Loubavitch », outout simplement le « Kinous », mot hébreu qui signifie « congrès » ou «rassemblement ».
A l’extérieur, des commerçants ont accroché des banderoles proposant cafégratuit et promotions pour attirer les visiteuses dans leurs échoppes, et leurvendre des robes de bébé en velours, du fromage suisse casher ou des perruquesà prix imbattable.
Les émissaires, âgées de 20 à 80 ans, sont appelées les « shlouchos », d’aprèsle mot yiddish. Elles viennent de Melbourne et de Moscou, de Miami et deBombay, de Metoula et de Buenos Aires. Un long week-end de février qui donneraà ces femmes infatigables un peu de répit, loin des responsabilités qu’ellesexercent 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, comme professeures, directricesd’écoles, hôtelières, cuisinières, comptables, assistantes sociales,psychologues et mères de famille. Un week-end entier pour se ressourcer.
« Je n’ai rien préparé pour Shabbat. Mon mari m’a dit : “C’est bon, laissetout, va-t’en !” », relate en riant Henya Federman, mère de six enfants, quivit depuis sept ans avec sa famille dans les îles Vierges, où elle co-dirigeles activités du centre Habad. Quant à Sara Pewzner, émissaire à Saint-Petersbourg, en Russie, elle raconte qu’au moment de partir pour l’aéroport, debon matin, elle a trouvé tous ses enfants réveillés. « Ils m’ont supplié de nepas partir, mais je suis venue quand même. Et ils se débrouillent très biensans moi ! », déclare-t-elle avec un sourire.
Il y a 20 ans, ajoute-t-elle, elle se serait fait plus de souci.
A cette époque post-glasnost, elle avait un bébé et devait se battre, aidée deson mari, pour se loger et manger à sa faim. Depuis, elle a été, dit-elle,largement dédommagée de ces années de privation en voyant à quel point lesJuifs étaient avides de cette éducation religieuse dont on les avait privésdurant le communisme. « Et aujourd’hui, nous leur prodiguons des cours plusavancés », se félicite-t-elle.
Elle dirige actuellement un séminaire d’histoire juive.
Une partie des diplômés des formations précédentes sont désormais devenus àleur tour des émissaires du judaïsme et des enseignements hassidiques Habad.
Servir le peuple juif, où qu’il soit ! 
Près du vestiaire, on entend parlerrusse, ou français. Dans les toilettes pour dames, trois émissaires venuesd’Israël en réconfortent une quatrième qui souffre du décalage horaire.
Dans le cadre du congrès, on peut écouter les conférences soit en anglais, soiten hébreu. Le buffet d’accueil proposé en guise de petit-déjeuner est somptueux: salade de fruits frais, pain perdu, porridge, beignets maison et yaourtscrémeux.
Les femmes retrouvent des amies perdues de vue et sympathisent avec descollègues venues du bout du monde.
Le café coule à flots et elles peuvent en profiter sans être interrompues pardes soeurs qui se disputent, un voyageur qui a trop bu ou des parents quiredoutent de laisser leur petit enfant à la crèche. (Un service de baby-sittingest même organisé pour celles qui ont dû amener leur bébé.) Ces femmes n’ontpas besoin non plus de réciter des bénédictions devant des adolescents affamésou d’indiquer la prière à faire avant de manger du pain perdu. Ici, chacunconnaît les bénédictions et sait l’ampleur des difficultés à affronter jouraprès jour.
Nechama Kantor est partie en Thaïlande, il y a 20 ans, quand son mari a lu uneannonce dans le journal Habad.
Aujourd’hui, plus de 150 000 Israéliens visitent le Royaume de Siam chaqueannée. Son mari dort avec le téléphone à portée de main, car les urgencespeuvent se présenter à tout moment. « Même à l’heure d’Internet », souligne uneparticipante, « rien ne remplace l’énergie d’un vrai contact en face à face !».
Chacune des participantes du Kinous s’est engagée – et advienne que pourra ! –à servir le peuple juif, où qu’il soit. Demandez à n’importe laquelle d’entreelles combien de temps elle restera au poste qu’elle occupe, et elle vous répondra« Jusqu’à la venue du messie ! ». Et que personne ne vienne affirmer qu’ellesne sont que de fragiles épouses qui suivent passivement leur mari.
« A côté de chaque Shloucha (émissaire femme) qui réussit, il y a un Shaliach(émissaire homme) », s’exclame le rabbin Moshé Kotlarsky, directeur de laConférence internationale des émissaires Habad-Loubavitch et vice-président duMerkos L’Inyonei Khinoukh, l’antenne éducative du mouvement, qui sponsorisel’événement.
Chaque émissaire doit s’acquitter de la somme de 36 dollars pour assister à laconférence et payer son voyage. A Crown Heights, la communauté fournit le gîteet le couvert. Quelques Shlouchos, comme Kantor, sont venues avec leurs filles,qui participeront ou prendront part à l’organisation du camp de jour, aurontl’occasion de discuter avec des coreligionnaires de leur âge vivant commeelles, isolées dans des endroits où il n’y a pas d’autres familles religieuses.Beaucoup d’entre elles ne vont pas à l’école et apprennent à la maison, via l’Internet,sans jamais rencontrer d’enfants de leur âge.
« Réponses importantes aux questions difficiles » 
C’est à la fois pendant lessessions et lors de conversations informelles que des liens se créent. Desconseillers expérimentés se tiennent à la disposition des participantes pourdes consultations individuelles. Les ateliers, quant à eux, permettentd’aborder des sujets concrets comme l’école à la maison ou la manière des’occuper d’un enfant qui aurait besoin d’une éducation particulière, alorsqu’il n’existe pas de telles structures sur place.
Il y a aussi les conversations menées de façon confidentielles, où l’on livreses problèmes : comment, par exemple, régler des problèmes relationnels au seinde la famille quand la maison est toujours remplie d’étrangers ? Commentsupporter la déception quand personne ne se montre intéressé par les programmesque vous organisez ? « Il faut se faire une raison et accepter que votre marine soit pas parfait ou que l’un de vos enfants ne s’intéresse pas à la religion», explique une participante. « Cela fait du bien de voir des femmes quirencontrent les mêmes problèmes que vous et de savoir ce qu’elles font, ou nefont pas, pour y remédier. Oui, nous essayons de donner l’exemple de relationspositives et de bonheur familial, mais cela ne veut pas dire que tout estparfait chez nous. C’est tout le contraire, en fait ! Les problèmes sontinévitables et n’importe quelle famille en rencontre sur son chemin. Alors ilfaut faire avec ! » Beaucoup de conférences et d’ateliers sont ainsi consacrésaux façons d’améliorer les relations de couple quand on travaille 24 heures sur24. On recommande aux émissaires de ne surtout pas négliger leur conjoint, mêmesi elles sont débordées par ailleurs.
Miriam Moskovitz, de Kharkov, en Ukraine, affirme que son époux est formidable,mais n’en assiste pas moins à cette séance de réflexion sur le mariage. Chaquejour, elle se promène une heure avec son mari avant le retour de leurs enfantsde l’école. « Nos enfants ne nous ont jamais vus nous embrasser, mais ilssavent que nous nous aimons », affirmet- elle.
Elle s’efforce de venir chaque année au congrès, expliquant que « parfois, lefait d’entendre les histoires et les combats des autres apporte unejustification à ce que l’on fait ».
Des séances particulières avec des spécialistes sont aussi prévues pour parlerde l’infertilité. D’autres traitent de questions modernes, comme lesrestrictions qu’il faut poser, par exemple quand on enseigne à un grouped’hommes ou que l’on devient amie avec des membres de la communauté surFacebook.
Par ailleurs, un atelier remporte un franc succès : « Réponses importantes auxquestions difficiles ». Parmi ces questions, figurent le thème del’homosexualité, par exemple, et celui des conflits entre Torah et science.
Pas de diatribes moralisatrices
Le Kinous est organisé autour de l’anniversairehébraïque du décès de Haya Moushka Schneerson, l’épouse du grand rabbi deLoubavitch défunt, Menachem Mendel Schneerson.
Après sa mort, il y a 25 ans, les émissaires du Habad et les femmes de CrownHeights ont commencé à se réunir de façon informelle chaque année pourcommémorer son souvenir. Puis, sur une suggestion du rebbe, la tradition a étéofficialisée et adaptée pour répondre aux besoins des Schlouchos.
Nechama Shemtov appartient au comité exécutif, composé de cinq femmes, quiprépare les programmes et organise le Kinous. « Avec les avancées de latechnologie et les nombreux sites web qui s’adressent spécifiquement auxSchlouchos, nous passons moins de temps à l’organisation et pouvons porterdavantage d’attention à la myriade de problèmes personnels, psychologiques etspirituels qui se posent pour les Schlouchos dans le monde. Nous nous servonsdes questionnaires remplis par les participantes au précédent Kinous poursavoir ce que les femmes souhaitent aborder. Nous faisons le maximum pour lesaider. » Il y a 20 ans que Shemtov a été recrutée dans le comité decoordination de 24 femmes chargé de la conférence.
Avec quelques autres, elle en a pris la tête, avant d’être officiellementnommée responsable par le rabbin Kotlarsky.
Comme souvent chez les Habad, il y a toutes les chances pour qu’elle occupe àvie ce poste d’une importance considérable.
Les ateliers et les groupes de discussion alternent avec les séances où sontdiffusés les messages pleins d’inspiration des femmes de terrain. Ainsi, LeahNamdar, l’émissaire de Göteborg, en Suède, vient faire partager son expérience: elle a attaqué le gouvernement suédois en justice pour obtenir l’autorisationd’éduquer ses enfants à la maison.
Son mari et elle avaient fait l’objet d’une inculpation pour refus descolariser leurs enfants. Le tribunal a tranché en leur faveur, estimant qu’ilsétaient des éducateurs compétents et offraient à leur progéniture une alternativesatisfaisante à l’école. Outre faire la classe à ses propres enfants, Namdardirige les écoles juives du pays. Elle s’occupe aussi des cours pour adultes etdu bain rituel.
Les conférenciers ne font en revanche pas de diatribes moralisatrices sur lapiété ou la pudeur. En revanche, les rabbins et les organisatrices encouragentles femmes à sortir du rang et à prendre la parole. « Si vous n’êtes pas àl’aise lorsqu’il s’agit de parler du mikvé à des femmes, de tenir la main d’unendeuillé, de faire un discours pendant un dîner communautaire, faites-le quandmême ! Allez audelà de votre zone de confort ! » disent-ils. « Surmontez vosinhibitions et prenez les commandes ! C’est ce que votre rebbe attend de vous.» 
Le rebbe et la rebbetzin
Une grande photographie de la rebbetzin, une femmeavenante coiffé d’un chapeau élégant, orne les salles de conférences. Tous ceuxqui l’ont connue vous diront que Mme Schneerson, de President Street, était unefemme intelligente qui avait choisi de continuer à avoir sa vie privée,entourée de ses amies venues d’Europe.
L’une des participantes se souvient que la rebbetzin réservait un jour parsemaine à des visites de musée et qu’elle travaillait à la bibliothèque. Ettandis que tout le monde acquiesçait aux paroles du rebbe, elle-même sepermettait de le contredire et d’engager un sain dialogue avec lui. Elle luioffrait par ailleurs le soutien et la liberté nécessaire pour lui permettre debeaucoup travailler et de se dévouer au peuple juif. Le couple n’a pas eu d’enfants.
Au cours du banquet du Kinous, une émissaire d’Angleterre évoque avec émotionla relation personnelle qu’elle entretenait avec la rebbetzin. Toutefois, aussigrande soit l’admiration que les femmes portaient à cette dernière (et beaucoupd’entre elles ont donné son prénom à leur fille), c’est surtout de leursrencontres avec le rebbe que les participantes parlent avec émotion etadmiration. Toutes ont été inspirées par la passion qu’il mettait à servir lepeuple juif et c’est généralement ce qui les a incitées à dédier également leurvie à ce dernier. Elles racontent des histoires personnelles qui illustrent cemystérieux don qu’il possédait et qui lui permettait de savoir ce qui était bonpour chaque être, ainsi que sa prescience pour anticiper les besoins du peuplejuif dans son ensemble.
« Même aux funérailles de la rebbetzin », avoue Miriam Moscovitz, « nousregardions tous le visage du rebbe et nous pensions davantage à sa souffrancequ’à la disparition de la rebbetzin. La plupart d’entre nous ont choisi unmodèle d’implication différent de ce que faisait cette dernière. » 
Le rabbiSchneerson, un féministe avant l’heure ?
 Aucune des émissaires que j’aiinterrogées n’a émis l’idée que le rebbe puisse être encore en vie. Il fautdire que le Kinous reflète la position du principal courant du mouvement Habad,qui ne pense pas, contrairement à la branche messianique extrémiste, que lerebbe se cacherait quelque part afin de revenir bientôt pour être le messie. Enfait, le messianisme Habad est surtout en vogue en Israël, où le mouvement a enoutre adopté des pratiques sexistes que l’on ne trouve pas dans le courantprincipal.
Le message du rebbe aux femmes ? Selon Susan Handelman, professeure àl’université Bar-Ilan, qui l’a bien connu et qui a écrit d’importants articlessur Habad et le féminisme, le rabbi Schneerson pensait que chaque génération,en s’éloignant du Sinaï, se rapprochait de la rédemption finale et de la venuedu messie. « Et nous pourrions donc dire que nous avons mérité, nous les femmes,un meilleur accès à l’étude de la Torah, précisément en raison de cetteproximité : cela fait partie de la préparation pour la rédemption, dont nousavons ainsi un avant-goût », explique Handelman.
Cette perspective, ajoute-t-elle, vient en parallèle avec la réinterprétationqu’il a faite de l’obligation halakhique pour les femmes d’étudier la Torah. Ausein du Habad, ses encouragements dans ce sens ont grandement augmenté laparticipation du public féminin aux activités du mouvement.
Shifra Aviva « Vivi » Deren travaillait sur les campus de laNouvelle-Angleterre, aux Etats-Unis, dans les années 1970, grande époque duféminisme. Elle estimait alors que le problème, avec le féminisme, était qu’iln’était pas assez radical. « Le principe fondamental, à l’époque, était : “Ceque vous pouvez faire, nous pouvons le faire encore mieux”, mais cela neremettait pas en question ce que la société respecte, ni les raisons pourlesquelles elle respecte ceci ou cela. Notre société mesure la réussite d’unepersonne à ses succès professionnels, à l’argent qu’elle gagne, à sa puissance,etc. Le féminisme disait que les femmes étaient défavorisées dans ces domaines.Nous, en tant qu’éducateurs juifs (l’essence même du rôle de parent), nousestimons que ce que nous faisons pour la génération suivante est la seule vraiemesure de ce que nous sommes. Ce sont tous nos enfants, et nous sommes tous desparents. C’est cette vérité qu’il faut garder comme référence, que l’on soit unhomme ou une femme. » 
Au-delà de la souffrance 
Deren est enseignante,conférencière et fondatrice de l’école maternelle Gan Yaledim, à Stamford, dansle Connecticut, qui a été couronnée par un prix d’excellence. En décembre, sonmari et elle ont été appelés à Newtown pour réconforter la famille de Noah Pozner,tuée dans la fusillade de l’école primaire Sandy Hook.
« Je savais pourquoi on avait fait appel à nous », raconte Deren. « Ce n’étaitpas seulement parce que mon mari est un rabbin attentionné et plein decompassion, toujours prompt à soutenir les gens qui souffrent. Non, on nousavait appelés en tant que parents endeuillés nous-mêmes, en tant que personnesqui avaient subi plusieurs deuils d’enfants, parce que nous aurions peut-êtredavantage à offrir que d’autres… ne serait-ce que pour apporter la preuve quel’on peut encore respirer après avoir été privé de souffle… » Sur les 8 enfantsqu’ont eus les Deren, 4 étaient porteurs du syndrome de Bloom, anomaliegénétique caractérisée par un retard de croissance et une prédisposition auxcancers.
Trois d’entre eux sont décédés et la quatrième, une fille, a récemment reçu unegreffe de poumon.
« Face aux tragédies, mon rôle d’émissaire devient vital pour moi », affirmeDeren. Elle se souvient du jour où elle est rentrée de l’enterrement de sonenfant de six ans. « Ce jour-là, j’aurais pu me noyer dans le chagrin. Dans lapièce, il y avait des dizaines d’amis de notre communauté, des personnes quinous étaient chères et qui étaient venues pour nous apporter du réconfort, maispersonne ne pouvait prononcer un seul mot. Alors, mon mari et moi avons fait ceque nous faisions toujours pour communiquer avec les autres, nous sommes allésau-delà des questions et de la souffrance pour tenter d’explorer les valeursfondamentales de la Torah. Même si, dans mon esprit, je savais de quoi il étaitquestion, je ne pense pas que mon coeur aurait été réceptif à tout cela s’il nes’était pas agi de partager avec les autres. Et je crois que j’ai vraiment étécelle qui en a tiré le plus grand bienfait. » 
De mère en fille
 En 1955, lerebbe a parlé de l’importance pour les femmes d’étudier la Torah et de bienconnaître le judaïsme, surtout les domaines qui touchent à leur viequotidienne.
« J’avais entendu parler de ce discours », raconte Rivka Sharfstein, désormaisâgée de 81 ans. « Mais c’est un rabbin Loubavitch de passage qui est venu merépéter les enseignements du rebbe. Il a ensuite voulu savoir ce que j’allaisfaire. Il s’est assis à côté de moi et m’a écoutée tיlיphoner א 5 connaissances pour leur proposer de crיer un grouped’étude. A chaque fois, j’étudiais d’abord avec mon mari, de sorte que j’avaistoujours un chapitre d’avance. Il y avait très peu de femmes assez instruitespour enseigner à un haut niveau à l’époque. » Outre l’étude personnelle etl’enseignement, Sharfstein et son mari ont dirigé une école, crיי une יcole maternelle avec les mיthodes progressistes du système Montessori et travaillé avec des étudiantssur les campus de Cincinnati, y compris avec un groupe d’élèves du Hebrew UnionCollege, qui forme des rabbins libéraux.
Ces élèves venaient prendre des cours chez eux, avec les encouragements durebbe.
Au Kinous, Sharfstein a emmené son arrière-petite-fille, Freida Raskin, 24 ans,émissaire à Aspen Hill, dans le Maryland. L’une des grandes réussites dumouvement Habad est d’avoir su créer la prochaine génération de leaders juifsau sein de ses propres familles. Freida Raskin, cinquième de six enfants,affirme avoir toujours voulu oeuvrer pour servir le peuple juif.
Toutefois, contrairement à beaucoup d’autres, elle est d’un naturel timide. «Je ne me vois pas prendre la parole devant tout le monde pendant l’une de cessessions, et encore moins tenir une maison Habad sur un campus », dit-elle. «Je suis bien contente qu’il existe d’autres façons de se rendre utile ! » Sonépoux propose pour les vacances différents types d’activités de loisirs, commedes ateliers de fabrication de chofars. Freida se charge donc de toute lalogistique ; c’est elle, par exemple, qui commande les tךtes de mouton sur e-Bay.
Quand, en novembre 2011, il a pris la parole à la Convention annuelle deshommes Loubavitch, le Grand rabbin d’Angleterre Jonathan Sacks a dit du rabbide Loubavitch : « Un bon leader est un leader qui a des adeptes, mais un leaderd’exception, lui, est celui qui suscite d’autres vocations de leaders. » Chacunsait que c’est à la mère que revient la tâche d’élever les enfants dans lejudaïsme. Toutefois, personne n’a pu me dire comment ces femmes Habadréussissent l’exploit de transmettre non seulement le judaïsme, mais aussi lecourage et l’enthousiasme de servir le peuple juif. Combien existe-t-il demouvements au monde dans lesquels il y a plus de candidats que de postesdisponibles pour des gens prêts à renoncer au confort et à la prospérité et às’engager toute une vie durant ? 
Le dimanche du Super Bowl… 
Kinous se conclutpar le grand banquet du dimanche aprèsmidi à l’hôtel Hilton de New York, auquelparticipent plus de 2 700 émissaires et leurs invitées, avec pour thème : « Lesfemmes aux avant-postes ». On rend hommage aux émissaires dיcיdיes dansl’annיe, onsouligne que l’on a renforcי les mesures de sיcuritי autour des familles en poste א travers le monde, pour les protיger des menacescroissantes.
Le principal discours est prononcé cette année par Chanie Baron, émissaire àColombia, dans le Maryland. Si l’on en croit l’oratrice, elle était à sonarrivée « une adorable petite jeune fille de 18 ans, pétillante et trèsélégante ». Les secrets du succès de Chanie, affirme-t-elle, « c’est lekouglof, le désordre et l’amour inconditionnel » qui règnent à sa table deShabbat.
Chanie Baron, elle, explique qu’elle a eu la vocation à l’âge de cinq ans, lorsd’une visite au rebbe. Ce jour-là, ce dernier a demandé à sa maman si toutesses filles allumaient les bougies de Shabbat. Seulement les grandes, a répondula mère. « Et pas celle-ci ? » a interrogé le rebbe en désignant Chanie. « Cen’est pas une kleine, une petite ; c’est une groïsse, une grande ! » ChanieBaron, qui est aujourd’hui grand-mère, se remémore les paroles du rebbe chaquefois qu’elle rencontre des difficultés qui lui paraissent insurmontables.
Selon la tradition, le Kinous s’achève par l’énumération des lieux où estimplanté le Habad. Les 5 émissaires qui en lisent la longue liste sont en posteà Montréal, Johannesburg, Ho Chi Minh Ville, Melbourne et Pau.
A un client du Hilton qui demande qui sont toutes ces femmes exubérantesréunies dans la salle de banquet, le rabbin Kotlorsky s’efforce de donner desexplications.
Lorsqu’il achève de lui exploser ce qu’est une rebbetzin, le client s’étonne etinterroge : « Et cela ne vous pose pas de problème de faire ça le dimanche duSuper Bowl ? »