Les villes intelligentes face au danger terroriste

Plus les innovateurs tentent d’augmenter l’efficacité énergétique et l’accessibilité des services publics par des réseaux virtuels, plus les consommateurs seront confrontés au piratage informatique.

2612JFR16 521 (photo credit: Jim Urquhart/Reuters)
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(photo credit: Jim Urquhart/Reuters)
La mise en place d’un réseau intelligent pourcontrôler le système électrique permet aux consommateurs d’accéder en tempsréel à leur compte d’électricité.
Il ne s’agit pas là d’un simple progrès technique. Comme l’ordinateur a changénos comportements sociaux, ce type de réseau virtuel va modifier nos habitudesde consommation.
Et, par exemple, permettre une distribution optimale.
De plus, les réseaux virtuels conservent un environnement plus propre,augmentent l’efficacité énergétique et permettent d’économiser des sommesimportantes.
Mais selon les professionnels de l’industrie, les nouvelles technologies del’information et de la communication (NTIC) appliquées au service public sontune arme à double tranchant. Si elles mettent à disposition des consommateursl’accès aux services publics de leur région ou même de leur pays, ellesl’offrent aussi sur un plateau aux pirates de l’informatique.
Début décembre, lors des trois jours de la Cinquième conférence internationalede l’énergie renouvelable Eilat- Eilot, le sujet portait sur les réseauxintelligents et les villes intelligentes. L’occasion, pour les experts, deréfléchir à des solutions pour assurer la sécurité de ces mêmes réseaux.
Per-Olof Granström, secrétaire général d’EDSO (les opérateurs et distributeurseuropéens des réseaux intelligents), explique : « Créer des réseauxintelligents est devenu essentiel pour gérer toutes les énergies renouvelablesen développement dans le monde. Grâce à ces nouvelles technologies,fournisseurs et consommateurs seront en mesure d’avoir des données et desstocks qu’ils pourront gérer facilement. Nous avons tellement d’énergierenouvelable à distribuer qu’il nous faut un outil adéquat pour ce faire. »Selon lui, ce système commence à se diffuser dans toute l’Europe. Il le décritcomme un microcosme de réseaux intelligents, où les mesures et dépensesd’électricité sont communiquées aux consommateurs de manière digitale.
En Inde, où se trouve le quatrième plus grand système d’alimentation électriquedu monde, « les professionnels de l’énergie veulent faire des réseauxintelligents une mission nationale », a déclaré Kumar Pillai Reji, président del’India Smart Grid Forum. Egalement un moyen, selon lui, de tirer parti desnouvelles technologies pour rendre ce réseau écologique.
Consommation d’énergie en baisse 
De même, au niveau mondial, le concept deréseaux intelligents est devenu un puissant facteur de la politiqueenvironnementale. Non seulement ils vont permettre une augmentation del’efficacité énergétique, mais surtout, ils vont créer une multitude denouveaux emplois et favoriser la croissance économique de nombreux pays. Unepetite révolution, donc, que n’a pas été sans remarquer Daniel Jammer,président de la firme Nation-E de stockage d’énergie.
Il a donc choisi de s’associer à la municipalité de Netanya et à Rafael,entreprise des systèmes de défense avancés.
Jammer offre un système de stockage de l’électricité par l’intermédiaire d’unepile lithium-ion. Celle-ci permettra aux particuliers de produire de l’énergierenouvelable, puis de stocker le surplus pour l’utiliser ou le revendre auréseau.
Pour Jammer, les nouvelles technologies de l’information et de la communication(NTIC), intégrées dans un grand réseau intelligent, rendraient cette pile destockage capable de communiquer avec d’autres piles de ce même réseau pour voiroù et combien d’électricité est nécessaire. Il conclut : « Le monde del’énergie est en pleine évolution, nous avons besoin aujourd’hui d’unetechnologie très précise pour le conquérir. L’utilisation des énergiesrenouvelables va dans ce sens. Le problème c’est que beaucoup de réseauxélectriques ne sont ni efficaces, ni facilement accessibles. Dans de nombreusesvilles, si le système électrique est en panne plus de 24 heures, l’alimentationen eau risque d’être contaminée et beaucoup d’effets désastreux peuvent endécouler.» Même si l’approche de la gestion des énergies renouvelables entermes d’efficacité énergétique et de conservation n’est pas encore au point,les experts, eux, sont optimistes.
De nos jours, si notre économie se développe, nous utilisons moins d’énergie.Actuellement, la consommation d’électricité est en baisse parce que lesappareils d’aujourd’hui sont moins gloutons en kilowatts. Par exemple, un iPad3utilise beaucoup moins d’électricité qu’un ordinateur portable, qui, lui, endépense beaucoup moins qu’un ordinateur de bureau.
Le plus grand utilisateur d’énergie dans le monde ? Le département d’Etat de laDéfense des Etats-Unis, avec 25 milliards de dollars dépensés annuellement. Or,les transporteurs de troupes militaires américains commencent à utiliser desmodèles diesel-électriques hybrides. Et le plus gros consommateur enélectricité du monde réclame désormais des appareils éco-énergétiques. Il y adonc des changements de comportements.
Prévenir les pannes d’électricité
On commence à penser autrement. On veut êtreplus efficaces en matière d’énergie et cela passe par une voie écologique.Cette nouvelle mentalité a un impact sur notre manière de vivre. La suitelogique et l’agrandissement des réseaux intelligents nous mènent aux «villesintelligentes».
Ces nouvelles cités, où la politique environnementale serait prioritaire,disposerait d’une infrastructure combinée aux nouvelles technologies de l’informationet de la communication.» En Italie, un certain nombre de cités ont déjà mis enplace des idées : jeter des ponts vers demain. A Milan, une zone abandonnée estréaménagée comme lieu expérimental pour concrétiser le concept de «villeintelligente». Udine, elle, a créé une plate-forme virtuelle de communicationavec sa municipalité. De son côté, Florence dispose désormais d’arrêts de businteractifs, et à Parme, la nuit, dès qu’un piéton traverse la rue, le passagezébré s’éclaire.
Quant à Milan, elle se prépare déjà à accueillir l’Expo Milano 2015. En vedette: la ville numérique intelligente sur les plans de la communication, de laprotection de l’environnement et du développement durable.
Akron, dans l’Etat de l’Ohio aux Etats-Unis, n’est pas encore une «villeintelligente», mais selon le maire Donald Plusquellic, qui dirige ses 300 000résidents depuis 26 ans, elle s’efforce de promouvoir l’efficacité énergétique.A son actif : une «empreinte verte» pour chaque propriété sous sa juridiction.
Plusquellic renchérit : « Akron continue de chercher de nouveaux types detechnologies pour améliorer encore la conception des villes de l’avenir. Ondéveloppe maintenant une technologie de l’eau pour les villes de taillemoyenne, en collaboration avec la ville de Netanya. Nous avons aussi le systèmede transport vert le plus populaire de tout l’Etat de l’Ohio. On doit êtreintelligent pour être compétitif et pouvoir fournir de meilleurs services auxcitoyens.» Amichai Ben-Horin de la Constellation Energy, basée à New York, gèreles problèmes d’offre et de demande d’énergie.
Il explique qu’une ville intelligente pourra prévenir et éviter les pannesd’électricité, comme celles qu’a connues New York dans les deux semaines quiont suivi l’ouragan Sandy. En raison des coupures de courant, des entreprises,des centres financiers et quasiment tous les services ont dû fermer pendantplusieurs jours, et cela a causé des dommages importants.» « Nous sommes tousfamiliers avec les pannes forcées, qu’elles soient causées par une tempête deneige ou par des défaillances du système», a déclaré Horin. «Aujourd’hui, ceproblème peut être évité. Il est indispensable que les consommateurs et lesservices publics responsables de l’électricité communiquent de manière plusconstante».
Danger : attaques cybernétiques 
Les experts, de leur côté, ont mis le doigt surun effet secondaire indésirable : les pirates d’Internet.
Dr Eitan Yudilevich, directeur exécutif de la fondation binationale de larecherche et du développement industriels (BIRD), un fonds de collaborationentre le département américain de l’Énergie et le ministère israélien del’Energie et de l’Eau, souligne l’existence de nombreuses menaces. Une réalitéd’ailleurs clairement énoncée dans le plan d’action des Départements américainsde sécurité intérieure et de l’énergie.
«Ces attaques cybernétiques ne nuisent pas seulement au monde virtuel, ellessont aussi dommageables pour les structures physiques. Si les sites Internetsont déjà la cible de cyber-attaques terroristes, des objectifs plus sérieux etréels auraient des conséquences beaucoup plus graves», note Yudilevich.
Nimrod Luria, directeur technique chez Q.Rity, ajoute : « Les réseauxintelligents causeront un risque à domicile.
Aujourd’hui, le réseau électrique est très fermé et donc difficile à pénétrer.Mais les systèmes numériques intelligents vont rapidement devenir disponibles,populaires et faciles à utiliser. Certes, tout est conçu pour permettre auconsommateur de gérer sa consommation d’électricité.
L’ennui, c’est que des personnes mal attentionnées peuvent aussi accéder auxdonnées.» A l’occasion d’une présentation PowerPoint, Luria insisteparticulièrement sur une diapositive. On y voit une liste d’au moins 60 pointsd’entrée susceptibles d’être pris pour cibles par des pirates d’un réseauintelligent. Luria conclut : « Il ne s’agit pas seulement d’une nouvelletechnologie – cela va beaucoup plus loin : c’est une nouvelle économie. Lespirates en sont avides et vont s’y attaquer. Les cyber-terroristes peuventmettre au point des logiciels mauvais pour payer moins cher leur noted’électricité, et il faudra encore de nombreuses années avant que l’industrieénergétique mondiale puisse y faire face.» Ilan Barda, directeur général dugroupe TIC RADiFlow, travaille actuellement sur une application pilote deréseau intelligent pour un service public en Espagne. Sa société met au pointet teste différentes mécanismes d’encodage et de pare-feu. Il décrit les enjeuxtechniques des réseaux intelligents : « Grâce à eux, une communication vas’établir du centre de contrôle au terrain, mais plus encore, il y aura desinteractions entre les usagers. La gestion des communications sera bien pluscompliquée.» 
Israël : une île
Youval Shchory, responsable des solutions de sécuritéde Cisco, détaille le fonctionnement du réseau intelligent : « Il contrôle,construit et affecte chaque élément du réseau et ce, parallèlement au systèmed’électricité réel. Comme tous les éléments sont reliés, une simple prise decourant dans une maison d’habitation est un composant de ce réseau et en tantque tel, va communiquer directement avec la compagnie d’électricité locale. Latechnologie joue un rôle majeur parce qu’il ne s’agit pas uniquementd’électricité, mais de protocole Internet (IP). C’est un système decommunication, où tous les éléments du réseau dialoguent.
Il ne s’agit pas seulement de données, il y a aussi beaucoup d’argentdisponible virtuellement. Or, on n’a pas affaire à des pirates qui rentrentdans les réseaux pour le plaisir. Il s’agit de véritables professionnels.»Pourtant, pour les concepteurs de ces réseaux, le véritable danger n’est paslà. Ils craignent plutôt le terrorisme par Internet. Boaz Landsberger,directeur de la sécurité à la compagnie d’électricité israélienne, définit lasituation comme suit : « N’importe qui, que ce soit une organisationcriminelle, des concurrents, ou un pays ennemi, peut avoir un intérêt àpénétrer dans ce type de réseaux, qui ont des milliards de points d’arrivée etdes informations confidentielles. Les experts doivent continuer à développerdes systèmes de suivi efficaces. Si l’on connaît bien la configuration duréseau et de ses points d’extrémité en temps normal, on devrait pouvoir repérertout écart par rapport à la norme.» Itsik Ben-Israël, directeur du Conseilnational de la recherche et du développement, souligne la situation sensibled’Israël en ce qui concerne la sécurité. Selon lui, l’Etat hébreu est, dans ledomaine de l’énergie, comme une île isolée.
Les réseaux intelligents lui paraissent plus adéquats pour l’Europe. Là,dit-il, l’électricité peut traverser les frontières et être partagée par denombreux pays limitrophes, qui, grâce à leur voisinage coopératif, sont moinsvulnérables.
«Si nous n’étions pas une île, nous pourrions avoir un réseau intelligent, celapourrait augmenter, en quelque sorte, notre immunité, notre capacité derésistance aux attaques de ce genre. Mais ce n’est pas réaliste dans lasituation actuelle.
Pour le moment, nous devons nous concentrer sur la protection de notreproduction d’énergie.»