Mollo avec le miel cette année

L’édulcorant traditionnel le plus naturel se fait de plus en plus rare. D’où la flambée des prix sur cette denrée précieuse, reine de la table de notre nouvel an

La mort des abeilles a de graves conséquences sur notre approvisionnement alimentaire à long terme.  (photo credit: MIRIAM KRESH)
La mort des abeilles a de graves conséquences sur notre approvisionnement alimentaire à long terme.
(photo credit: MIRIAM KRESH)
Rosh Hashana oblige, un grand pot de miel est en tête de la liste de courses pour les fêtes. Mais ne soyez pas surpris du prix élevé et de la pénurie de miel d’apiculture locale : la production de miel d’Israël est en baisse.
Ne cherchez pas le coupable ! Depuis des années, c’est toujours le même : le varroa. Le petit varroa brun rougeâtre est un parasite qui suce « le sang » des abeilles adultes, ou les liquides vitaux de son corps, et y laissent une plaie ouverte. Les abeilles blessées s’affaiblissent, pour succomber aux infections et aux virus.
Naturellement, qui dit moins d’abeilles dit moins d’ouvrières pour fabriquer le miel. S’il est difficile d’imaginer comment une minuscule créature comme le varroa peut avoir une incidence sur notre sécurité alimentaire à long terme, tel est pourtant le cas. Quasiment inévitable !
Victoria Soroker, chercheuse au département d’entomologie du centre Volcani, confirme qu’il n’y a pas eu d’amélioration notable dans la lutte contre le varroa. Elle explique comment les acariens se propagent et quelles sont les méthodes utilisées pour en venir à bout.
Un perfide acarien
« La couleur de l’acarien est semblable à la couleur brune des abeilles, il est donc bien camouflé. On peut le voir à l’œil nu, mais quand un apiculteur achète 100 abeilles, ou plusieurs centaines, il est impossible d’inspecter chacune individuellement pour dépister les acariens, surtout quand celles-ci se déplacent. Il est donc susceptible d’acheter des abeilles infectées. »
Mais, quand un essaim décide d’envahir et de conquérir une ruche affaiblie, les acariens ont vraiment une chance de gagner du terrain. L’essaim le plus faible est généralement déjà infecté par le varroa, qui se jette allègrement sur les vainqueurs.
Et l’acarien est puissamment fertile. « Le varroa n’a pas besoin d’un partenaire pour se reproduire », explique Soroker. « Une femelle en gestation suffit à engendrer de nombreuses générations de mâles et femelles, qui s’accouplent entre eux et se reproduisent rapidement. »
La méthode la plus efficace de lutte contre le varroa, selon Soroker, ce sont des bandes de papier saturées avec un pesticide et accrochées à l’intérieur des ruches. Les papiers touchent les acariens sur le corps des abeilles qui entrent et sortent en volant, et détruisent la plupart d’entre eux.
« Les méthodes naturelles pour lutter contre le varroa n’ont pas été couronnées de succès jusqu’à présent », affirme Soroker. « Le pesticide a réussi à tuer la plupart d’entre eux – pas tous, évidemment, car il en reste encore beaucoup. Le problème est que les acariens ont développé une résistance aux pesticides, qui ne sont donc plus efficaces. » La scientifique ajoute que les nouveaux pesticides contre le varroa sont actuellement à l’étude.
Indigènes, les abeilles sauvages d’Israël ont été anéanties par le varroa.
« Les abeilles sauvages n’ont jamais été traitées, le varroa les a ainsi décimées », déclare l’entomologiste. Triste ? Non ! « Les abeilles sauvages sont agressives et ne produisent pas de miel. Je ne pense pas que quiconque ait grand intérêt à les faire revenir. La plupart des abeilles élevées commercialement sont de la même souche de base. »
Dur dur pour les abeilles !
Haïm Efrat, chef de la division apiculture du ministère de l’Agriculture à la retraite, donne d’autres explications pour justifier le faible rendement mellifère de cette année.
« L’hiver dernier, il n’y a presque pas eu de pluies, et elles sont tombées tardivement », souligne-t-il. « Les arbres et les plantes visités par les abeilles ont eu une floraison très réduite, et le miel provient directement des fleurs. Il y a peu d’eau en général à cette époque de l’année, et donc peu de nectar dans les plantes appréciées des abeilles.
On ne peut pas forcer la production de miel comme on peut influer sur les vaches pour produire du lait. »
En bref : le changement climatique, dur dur pour les abeilles !
Selon Soroker, il est impossible de compter le nombre d’essaims survivants jusqu’en octobre ou novembre, mais les apiculteurs savent déjà quelle perte ils ont subi.
Efrat, qui se consacre encore aux abeilles, estime que ses ruches privées vont produire 25 kg de miel par ruche cette année, par rapport à la production annuelle normale de 50 kg.
« Il existe trois méthodes de lutte contre le varroa », explique-t-il. « Tout d’abord, le traitement avec des pesticides. Puis les techniques vertes ou respectueuses de l’environnement, et enfin, le renforcement de la résistance des abeilles au varroa. Ici, en Israël, nous en sommes encore à la première étape. Il est impossible de garder des abeilles sans les traiter contre le varroa trois fois par an.
« La minuscule superficie d’Israël est un avantage en ce sens. Les apiculteurs peuvent facilement visiter leurs ruches chaque semaine, voire plus souvent. L’idéal est d’environ 50 visites aux ruches par an. Un apiculteur commercial aux Etats-Unis peut vivre en Floride et conserver ses abeilles en Californie, il ne se rend donc pas sur place plus de 12 fois par an. Nous avons, nous, un contrôle plus serré de la santé de nos ruches. »
Et le prix du cottage…
La mort des abeilles a de graves conséquences sur notre approvisionnement alimentaire à long terme. Sans la pollinisation des abeilles, de nombreuses variétés d’arbres et de vignes ne peuvent pas porter de fruits. Donc pas ou peu, et à un prix astronomique, de tomates, concombres, avocats, pommes et autres aliments que nous considérons comme acquis.
En outre, la production de trèfle et de luzerne, essentiels à l’alimentation des vaches laitières et des bœufs de boucherie, chuterait car les abeilles pollinisent aussi ces cultures. Sans les abeilles, il faudrait allouer plus d’espace aux cultures de trèfle et de luzerne, avec pour conséquence la hausse des prix de la viande et des produits laitiers (les Israéliens furieux du prix du cottage en seraient pour leurs frais). Autrement dit, un monde sans abeilles serait un monde gagné par la faim.
Soroker conclut notre conversation avec ces mots : « Les organismes gouvernementaux doivent soutenir les apiculteurs. Ils sont moins nombreux aujourd’hui, ce soutien leur est vital. Comme nous l’avons clairement vu pendant les 50 jours de l’opération de Bordure protectrice, notre capacité d’autosuffisance est essentielle à notre survie ». Sous-entendu, des abeilles saines sont la clé de l’autosuffisance.
Plantez du romarin !
Tsvi Noy, apiculteur au moshav Nehalim, intervient : « Israël est déjà surpeuplé de ruches. Nous n’avons pas suffisamment de végétation pour fournir le nectar nécessaire à toutes les abeilles du pays. »
L’urbanisation – la construction sur des terres autrefois incultes ou désertiques – et la destruction des vergers d’agrumes non rentables et des eucalyptus privent également les abeilles de leurs sources de nourriture.
Un autre danger pour nos amies ailées est représenté par les pesticides. Noy a perdu lui-même 37 ruches en 2012, quand le verger de kakis d’un kibboutz voisin a été pulvérisé avec des pesticides.
L’eau claire pour les abeilles se fait de plus en plus rare. « On pulvérise les mares, les flaques d’eau et autres sources d’eau naturelles contre les moustiques et les mouches », explique Noy. « Les abeilles viennent s’y désaltérer et en meurent. »
« Quand on voit des abeilles boire à un robinet d’eau potable dehors ou à un tuyau d’arrosage, cela devrait nous faire plaisir », ajoute-t-il. « Nous les aidons à survivre. »
L’opération Bordure protectrice a également causé des dommages involontaires aux ruches d’abeilles. Dans les zones de danger du Sud, les apiculteurs n’ont pas eu accès à leurs ruches pour les inspecter et les traiter selon le calendrier prévu. Quelques ruches ont été renversées par des tanks, notamment lors des opérations de nuit. Cependant, les apiculteurs interrogés déclarent que les pertes de guerre sont de moindre importance.
Le problème crucial au regard de la production de miel reste donc le varroa. Il ne semble pas exister d’autre alternative que de traiter les ruches avec des produits chimiques. Les méthodes naturelles, comme utiliser des huiles essentielles ou forcer les abeilles à se faufiler à travers de fins tamis, dans l’espoir de les débarrasser des acariens avant leur entrée dans la ruche, se sont toutes avérées inefficaces.
Mais on peut aider à leur survie en plantant du romarin et autres plantes à fleurs similaires. Il existe des listes de plantes pour attirer nos amies les abeilles. Laissez une soucoupe d’eau claire dehors pour qu’elles puissent s’y abreuver.
Vu la flambée du prix du miel, on ne pourra peut-être pas en mettre autant que d’habitude dans tous nos plats de fête (Ah, les pommes, les halot, le pain trempé dans le miel au début du repas jusqu’à la fin de Souccot) ! Que cela soit notre seul souci et que nous soyons tous bénis pour une bonne et douce année à venir !
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