Repose en paix, Arik

L’image que je désire conserver est celle du combattant qui a gagné ses galons sur les champs de bataille et non pas dans les couloirs d’intrigues

P9 JFR 370 (photo credit: REUTERS)
P9 JFR 370
(photo credit: REUTERS)

J’ai eu l’avantage et le privilège de rencontrer le général Ariel Sharon alors qu’il se lançait dans la politique israélienne en apportant son important concours à la création du Likoud. J’étais alors membre de notre Exécutif mondial qui se réunissait sous la direction de Menahem Begin (zal) et nous avons écouté avec attention les perspectives ouvertes par ce grand front nationaliste. Idéologiquement, l’empreinte jabotinskyenne restait majoritaire et la présence de notre leader garantissait le respect de cette ligne. Sharon était auréolé du prestige de ses victoires militaires, de sa détermination au combat et de l’amour que lui portaient les soldats qui entretenaient la légende de ce guerrier hébreu.

A la suite de la guerre du Liban et des incidents de Sabra et Chatila, Ariel Sharon fut soumis aux critiques acerbes de la gauche et des médias pour avoir laissé des chrétiens excédés par les crimes des « Palestiniens » attaquer deux camps de pseudo-réfugiés. Le monde n’était pas prêt à tolérer que des chrétiens se fassent justice contre des musulmans et accuser un Juif faisait le bonheur des « antisionistes ».

Notre dramatique propension à battre notre coulpe, à créer des commissions d’enquête, à nous accuser de tous les maux et de tous les mots battait son plein. La splendide opération au Liban qui pouvait mettre un terme au règne du terrorisme contre notre population et contre les chrétiens libanais se résumait désormais à ces deux noms de Sabra et Chatila.

C’est le moment que j’avais choisi avec mes amis du Likoud de France pour inviter Ariel Sharon à un grand dîner de gala à Paris. L’amour entre les Juifs de France et Sharon ne s’est jamais démenti. Les réunions officielles de notre mouvement ont toujours été couronnées de succès et le problème consistait surtout à savoir combien de salles annexes de « l’Aquaboulevard » devaient être équipées de systèmes de transmission vidéo. L’enthousiasme des participants à ces rencontres avec Sharon n’avaient d’égal que l’affection qu’il éprouvait pour ce judaïsme de France qu’il appelait à réaliser son Aliya.

Son discours toujours clair et patriotique enthousiasmait par ses perspectives politiques tranchées. Il était tout aussi clair face aux politiciens étrangers et leurs sempiternelles questions sur les «Palestiniens» auxquels il répondait : «Moi, je représente les Juifs».

 

 

La ferveur des Juifs de France

 

Il charmait son public et inspirait l’admiration. Doté d’un humour décapant, il savait aussi bien nous raconter les combats gagnés que les joies du ranch qu’il dirigeait. De nombreuses soirées ont peuplé ces années et c’était toujours fascinant d’entamer avec lui une discussion et de la voir évoluer vers des directions insoupçonnées.

Lorsque notre mouvement de France a inauguré le jardin d’enfants, le «Beth Dov», à Kyriat Arba, ce fut naturellement à lui que nous fîmes appel pour clouer la Mezouza.

Il a ainsi participé à de nombreuses rencontres avec les Juifs de France en Israël lors de nos missions et visites. Je pense, en toute modestie, pouvoir dire que nous avions de véritables relations d’amitié et que nous avons partagé des moments particulièrement émouvants.

Comment ne pas revivre ce moment où nous étions à Strasbourg et où je lui fis découvrir les statues de l’Eglise triomphante et de la Synagogue à la lance brisée et aux yeux bandés. Ces deux statues ornent la porte par laquelle les Juifs devaient passer et bien entendu, c’est par cette porte que nous sommes entrés. En un instant, nous avons ressenti le poids de l’exil aboli. La synagogue avait retrouvé sa lance puissante et ses yeux n’étaient plus bandés.

De l’Alsace à la Provence, ses visites furent nombreuses et l’accompagner, avec nos épouses, était un plaisir toujours renouvelé.

Cette ferveur du judaïsme de France l’aida dans les moments difficiles à surmonter l’hostilité des médias jusqu’à son accession au poste de Premier ministre de l’Etat d’Israël. C’est à l’hôtel Park de Netanya que j’avais invité la communauté juive francophone à lui apporter son soutien.

Le lendemain du tragique attentat contre le Seder organisé dans l’hôtel, je lui rappelais qu’il y avait tenu un discours très ferme contre le terrorisme.La retenue n’était plus de mise.

 

Les «douloureuses concessions»

 

Puis arriva le temps des questions. Ariel Sharon parla de « concessions douloureuses ». Lors de ma dernière rencontre privée avec lui, je lui demandais pour qui les concessions devaient être « douloureuses ». Devraient-elles l’être pour les ennemis agresseurs et vaincus, pour ceux qui depuis un siècle cherchent à nous éliminer ou pour nous, qui avions réussi aux prix de sacrifices immenses à restaurer notre souveraineté sur la terre d’Israël ?

Sa réponse gênée me fit comprendre que mes appréhensions étaient réelles et que ce plan d’expulsion des Juifs de la bande de Gaza était en voie de réalisation. Je savais également que, lorsque Sharon décidait d’accomplir une action, il ne s’arrêterait pas avant d’avoir atteint son but. Ni l’opposition des adhérents du Likoud, ni le vote défavorable des députés fidèles à notre idéologie ne l’arrêtèrent.

C’est à ce moment que je considère qu’il fut victime d’un AVC politique et que je fis mes adieux à un ami que j’estimais, que j’admirais. C’est à ce moment-là qu’il est entré dans ce coma qui me semble menacer d’autres dirigeants…

L’image que je désire conserver de lui est celle du pionnier et de l’agriculteur qui aime sa terre et la travaille. Celle du combattant qui a gagné ses galons et sa gloire sur les champs de bataille et non pas dans les couloirs d’intrigues. Celle de l’homme qui mena le commando 101 à riposter et vaincre les ennemis. Celle du général au front bandé qui fit traverser le canal de Suez aux forces victorieuses d’Israël. Celle du chef politique appelant les Juifs à s’installer sur toutes les collines de Judée et Samarie. Celle d’un Ami.

Repose en Paix, Arik, et que la Terre d’Israël que tu as su défendre te soit douce. 

 

Ancien président du Likoud de France, Jaques Kupfer est co-président du Likoud mondial et membre de l’Exécutif sioniste mondial.

 

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