Sur les routes du Shomron

La région du Shomron fait partie de ces 2 % de terres de l’autre côté de la Ligne verte, où se sont installées des familles israéliennes. Promenade dans cette région qui contient, en germe, les failles et les espoirs de la société israélienne

Shomron (photo credit: Reuters)
Shomron
(photo credit: Reuters)

Premier arrêt : Barkan. Une petite implantation à flanc de colline. Un paysage vallonné jonché d’oliviers et un parc industriel. 6 000 salariés répartis également entre Israéliens et Palestiniens travaillent ensemble au sein de la zone industrielle, .

Yehouda Cohen dirige Lipski, une entreprise de plastique basée sur le site. Il prône la coopération israélopalestinienne à son niveau. “Les travailleurs palestiniens ont les mêmes salaires et les mêmes conditions de travail que les Israéliens.” Ses employés “viennent ici le matin pour travailler et rentrent chez eux le soir. Nous n’avons jamais eu de problème de sécurité ou d’attaque terroriste.”
L’entrepreneur a deux buts : faire du profit et permettre aux deux peuples de cohabiter. Devant le mur de photos de son bureau, Yehouda s’agite et insiste : “Là, c’est à Ein Guedi. Ici, on mange ensemble, on travaille ensemble et on voyage ensemble.” Il est fier de présenter Abed, un Palestinien qui travaille dans l’usine depuis six ans. “Je suis content d’Abed, il cherche la paix. Je suis heureux de lui apporter de bonnes conditions de vie”, explique Yehouda.
Mais qu’en pensent les habitants du village d’Abed dans les territoires palestiniens ? “Ils acceptent bien le fait que je travaille ici. J’ai également de la famille en Israël.”
Victime du boycott international qui touche les marchandises élaborées dans les implantations, Yehouda Cohen a perdu beaucoup d’argent. Ses produits s’écoulent toutefois sur le marché local et il fait également un peu d’export. Pourvoyeur de la paix, certes, mais aussi excédé par les décisions internationales.
Le savoir partager à l’université d’Ariel

 

Pour rejoindre Itamar depuis Barkan, il faut passer devant la petite ville d’Ariel, dont l’université fait débat. Souvent boycottée à l’international mais aussi en Israël, la dernière attaque date de début janvier. 165 universitaires israéliens avaient alors signé une pétition lancée par le professeur Nir Gov de l’Institut des Sciences Weizmann. Aucun des signataires n’acceptera un poste sur le campus de l’autre côté de la Ligne verte.

L’implantation “ne fait pas partie du territoire souverain de l’Etat d’Israël. Il est par conséquent impossible de nous demander d’y enseigner. Notre conscience et notre responsabilité sociale exigent de nous une position tranchée sur la question”, pouvait-on lire dans la pétition.
David Haivri, directeur du Bureau de Liaison de la région Shomron a une tout autre vision. “L’université accueille 14 000 étudiants dont 600 Arabes israéliens. Cela contredit la propagande contre les implantations.” Et d’ajouter qu’on y trouve également un millier d’étudiants d’origine éthiopienne. Aucun Palestinien n’y est toutefois accepté.
L’université d’Ariel présente son projet sur son site Internet : “Le tissu de la société israélienne devient de plus en plus complexe au jour le jour. Sa diversité de base [...] ouvre la porte [...] à des tensions entre différents groupes de population”. Leur but donc : former tous les Israéliens, quelles que soient leurs origines et “fournir de nouvelles opportunités à tous les élèves pour réaliser leurs objectifs personnels.”
Où la prophétie rencontre la réalité

 

A proximité faut s’engager sur la route 60, en direction du nord. Egalement appelée “itinéraire des patriarches” car mentionnée dans les voyages des Patriarches, la route 60 court de à Beersheva en passant par Jérusalem. “Cette route, c’est le coeur de notre connexion avec la terre d’Israël”, explique David. 60 % des habitants de la région sont laïcs, contrairement à ce qu’on pourrait croire d’après les chiffres du porte-parole de la région du Shomron.

Le paysage, qui rappelle un peu l’Auvergne, laisse rêveur.
Qui se rend à Itamar comprend soudain pourquoi les habitants ont eu envie d’y déposer leurs bagages. Leah Goldsmith, l’épouse du maire de la plus tristement célèbre des implantations, qualifie d’ailleurs ses concitoyens d’“amoureux de la terre”, pétris d’un “immense idéalisme”.
Si le meurtre des membres de la famille Fogel reste dans tous les esprits, Moshé, le maire, se tourne vers l’avenir. Il ne parle pas des punitions infligées aux meurtriers au sein du village - “aucune d’elles ne rend la vie” - mais espère pouvoir construire de nouvelles habitations.
La communauté continue de croître malgré les attaques terroristes. De simples préfabriqués en haut d’un vallon. L’implantation compte à ce jour près de deux cents familles, une école et une yeshiva.
Faire fructifier les fruits de la terre

 

En continuant sur la route qui sillonne la colline, on arrive à Guivot Olam, littéralement le “sommet de l’univers”. Un avant-poste illégal, selon les autorités. Avi et y ont construit une ferme. Ils ont transformé une terre déserte et aride en lieu de vie et de production. Des oeufs, du fromage de chèvre et des yaourts. Un petit paradis bio ou une implantation “criminelle”, selon les interprétations.

De l’autre côté de la vallée, sur le Mont Gerizim, montagne via laquelle Joshua aurait pénétré la Terre promise avec le peuple juif, un autre fermier vit des entrailles de la terre. Nir produit du vin. Du Cabernet Sauvignon et du Merlot plus précisément. En 2011, il a généré 30 000 bouteilles. Il précise “bien s’entendre avec ses voisins palestiniens” et “mener une vie normale”. S’il recevait beaucoup de touristes étrangers à l’ouverture de son exploitation, aujourd’hui, de plus en plus d’Israéliens, des deux côtés de la Ligne verte, viennent déguster son vin.
Un chrétien américain travaille dans sa propriété. Etonné par le vignoble , a amené son épouse et ses enfants vivre sur le . “Un bon commerce, une bonne vie, un bon état d’esprit [...], je pense que c’est la direction que tous les Israéliens devraient prendre” conclut Nir.