Figure maternelle

Dalia Itzik, celle qui aurait pu devenir présidente de l’Etat d’Israël, qui l’a été pendant un temps et le sera peut-être un jour.

Kadima MK Dalia Itzik 311 (photo credit: Marc Israel Sellem)
Kadima MK Dalia Itzik 311
(photo credit: Marc Israel Sellem)
Après les élections du 22 janvier, la Knessetperdra de son éclat, estiment certains, pour avoir perdu Dalia Itzik. Ce n’estpas le physique de la présidente du groupe Kadima qui est en cause dans cetteaffirmation. Il ne s’agit pas non plus d’une référence au code vestimentairequ’elle a imposé aux députés quand elle en était porte-parole, interdisant leport du jean à la chambre. Non, la remarque se réfère à l’esthétique qu’elle atenté d’insuffler au cours des 20 ans passés à la Knesset, et en particulierpendant ses trois années en tant que présidente.
Un bon exemple de son action subsistera d’ailleurs après son départ : les 20jeunes handicapés mentaux qu’elle a engagés travaillent toujours au parlementaujourd’hui.
Dalia Itzik a amélioré la situation d’autres jeunes Israéliens en modifiant uneloi inexplicable, qui voulait que les enfants ayant perdu l’un de leurs parentsdans un attentat terroriste bénéficient d’aides du gouvernement, tandis qu’ilsn’avaient droit à rien s’ils perdaient leurs deux parents. Et des citoyens plusjeunes encore profitent désormais d’une législation qu’on lui doit également :l’extension du congé de maternité de 12 à 24 semaines après l’accouchement (laseconde partie n’étant pas rémunérée).
Il n’est pas étonnant que Dalia Itzik s’intéresse tant à la jeunesse :n’a-t-elle pas débuté sa carrière comme professeur, avant de devenir présidentede leur syndicat, puis de se lancer dans la politique, d’abord à Jérusalem auniveau local, puis au niveau national ? La voilà à présent sur le point dequitter la Knesset. Si elle a déjà entamé l’écriture de son autobiographie,elle compte aussi s’inviter dans la littérature pour la jeunesse.
Hormis cela, elle ne sait pas encore ce qu’elle fera de son temps, mais lesoffres d’emploi ont afflué : le secteur public la réclame, tout comme lesuniversités et même des entreprises privées.
Tout en se déclarant ravie de prendre des « vacances » et de s’éloigner de lapolitique, elle veille à ne pas exclure une éventuelle candidature à laprésidence de l’Etat en 2014, quand la Knesset devra élire le successeur deShimon Peres.
Un poste certes plus facile à obtenir pour un député du parti au pouvoir, maisqui n’est cependant pas réservé aux seuls membres du parlement. Un candidat enbons termes avec les élus de tous bords politiques, comme Dalia Itzik, a toutesses chances. « Rien n’est exclu », a-t-elle récemment indiqué.
S’effacer pour Peres
 A vrai dire, elle aurait déjà pu être élue en 2007, à laplace de Shimon Peres. Présidente par intérim lorsque le parlement a voté leremplacement de Moshé Katsav durant son procès pour viol, c’est elle qui secharge alors d’accueillir les dirigeants étrangers et de prendre les mesuresqui s’imposent pour rétablir le prestige de la fonction présidentielle,fortement endommagée par les incartades de Katsav.
Le Premier ministre de l’époque, Ehoud Olmert, et son entourage la pressent dese présenter, mais elle refuse, préférant laisser le champ libre à son patronpolitique. « Je ne regrette pas une seconde d’avoir laissé la présidence àShimon Peres », affirme-t-elle. « Je ne suis pas née présidente, et je nemourrai pas présidente. N’empêche qu’on peut faire de grandes choses lorsqu’onoccupe ce poste. » Ce n’est pas tous les jours qu’un personnage politiques’efface ainsi de son plein gré en Israël. Et encore moins un grand nom deKadima.
En 2009, Dalia Itzik décroche haut la main la troisième place sur la liste dece parti, après Tzipi Livni et Shaoul Mofaz. C’est elle qui dirige la campagneélectorale qui leur fera gagner 28 sièges à la Knesset. Elle échouera cependantà convaincre Tzipi Livni de rejoindre le gouvernement du Premier ministreBinyamin Netanyahou dans le modèle de gouvernement d’union nationalequ’elle-même préconise depuis des années.
« A mon avis, il fallait entrer dans cette coalition pour tirer Israël dubourbier diplomatique et socio-économique et pour s’attaquer aux problèmes debureaucratie du pays », explique-t-elle. « Avec nos 28 sièges, il aurait étépossible d’opérer de nombreuses réformes-clés. » Seulement, Livni ne voit pasles choses ainsi et Kadima reste donc dans l’opposition.
Mais lorsque Mofaz finit par faire entrer le parti dans la coalition, l’espacede quelques semaines, ce n’est pas du tout ce que Dalia Itzik avait en têtepour sa formation.
Le moi d’abord avant le tous ensemble
 Des mois durant, elle s’est employée àempêcher Netanyahou, son ancien chef de bureau Natan Eshel et le président dela coalition Zeev Elkin de provoquer une rupture au sein de Kadima. Sans elle,sans doute le parti se serait-il scindé bien plus tôt.
En amont des prochaines élections, Dalia Itzik a de nouveau tout fait pourempêcher une scission et convaincre Livni et Mofaz de se présenter sur la mêmeliste, idéalement sous la conduite d’Ehoud Olmert. Une équipe constituée degrands noms de la politique aurait eu toutes ses chances dans un affrontementavec Netanyahou et son ex-ministre des Affaires étrangères, Avigdor Liberman.Mais le résultat est là, soupiret- elle, et elle reconnaît son échec.
« Je pensais qu’un parti fédéré mené par Olmert pouvait représenter unealternative au régime actuel », explique-t-elle.
« Malheureusement, chacun a son amourpropre et le ‘moi d’abord’ est passédevant le ‘tous ensemble’. C’est incroyable de voir des élites vouloir à cepoint se tailler la part du lion pour elles-mêmes ! Je ne désigne personne enparticulier, bien sûr. Mais c’est à la fois surprenant et inquiétant. Ce quiest arrivé à Kadima est une tragédie. » Shimon Peres aurait pu faire un bondirigeant pour un bloc de centre-gauche, mais Dalia Itzik l’a dissuadé detenter sa chance.
En quittant son poste prématurément, considère-t-elle, le président auraitporté atteinte au prestige de l’institution. Un conseil qu’elle a donné ensachant pourtant qu’en cas de désistement de Peres, elle aurait pu être élueprésidente à sa place ! Dalia Itzik entretient de bons rapports avec toutl’échiquier politique. Ainsi a-t-elle défendu Avigdor Liberman, présidentd’Israël Beiteinou, quand le ministre sans portefeuille Michaël Eitan, inscritcomme lui sur la liste du Likoud, l’a descendu en flammes. « Je ne comprendspas pourquoi il était obligatoire de l’inculper un mois avant les élections »,dit-elle. « Cela va inciter le public à ne plus faire confiance au bureau duProcureur général. Cela ressemble à de la torture judiciaire et ce n’est pastrès joli ! » Dalia Itzik est même en bons termes avec Netanyahou, qui, dit-on,aurait aimé la voir présider la Knesset sortante à la place de Reouven Rivlin.
Se méfier des nouveaux venus 
Lors du forum Saban, qui avait pour thème lesrelations entre Israël et les Etats-Unis dans un environnement en mutation etqui s’est tenu début décembre à Washington, Dalia Itzik s’est plainte del’attitude de ses collègues israéliens, adeptes de la politique politicienne.
« Les démocrates et les républicains américains se parlaient poliment, enprivilégiant les bonnes manières ; les Israéliens, eux, refusaient d’adresserla parole à leurs adversaires politiques ! », se lamente-t-elle. « Israël nepeut pas se permettre un tel comportement. Nous ne sommes pas les Etats-Unis :notre pays est dans une impasse et il y a des problèmes que nos hommespolitiques ont l’obligation de résoudre. » Il faut, préconise-t-elle,s’attaquer aux problèmes fondamentaux, comme la réforme nécessaire du servicepublic et l’élimination de la bureaucratie, sans délai et de façon nonpartisane.
Dalia Itzik ne prend guère au sérieux les nouveaux venus de la politique, cesidéalistes qui font de grandes promesses.
« Ces gens-là croient qu’il leur suffira d’appuyer sur un bouton pour que tousnos problèmes soient résolus, dans un pays et dans une région du monde où plusça va et plus les choses se compliquent », déclaret- elle. « Les obstacles quise dressent sont innombrables et réclament de l’expérience.
Il faut du temps pour comprendre comment fonctionne la politique, comment gérerles relations interpersonnelles et comment acquérir la réputation, la positionet la confiance de ce public dont nous avons besoin pour que les chosesavancent. » Quand on lui demande quel conseil elle donnerait à un débutant enpolitique, elle sourit : « Je lui dirais que cela ne fait pas de mal de garderle silence et de travailler les dossiers avant de prendre des décisions. C’esten tout cas ce que j’ai moi-même fait quand j’étais ministre : je rencontraisles gens, j’étudiais les informations qu’ils m’apportaient et je me renseignaisde mon côté, puis je les rappelais au bout d’une semaine pour leur faire partde ma décision. »
 De l’importance de l’éducation
 Dalia Itzik a fêté sessoixante ans cette année. Sa mère Marcelle, arrivée d’Irak sans un sou enpoche, a élevé 8 enfants dans la plus grande pauvreté dans le quartier de Romema,à Jérusalem. Elle s’est éteinte le 19 décembre dernier, cinq ans après ce jourde l’Indépendance où sa fille lui avait fait allumer une torche à la cérémoniedu Mont Herzl. Dalia Itzik l’avait alors qualifiée de lionne et avait déclaréque l’histoire de sa vie symbolisait celle des immigrants en Israël.
Dalia Itzik est entrée en politique par la petite porte. Elle commence parenseigner la littérature et la Bible et dirige l’Association des Professeurs deJérusalem. Teddy Kollek, maire légendaire de la ville, la remarque et l’inciteà se présenter aux élections municipales. Elle devient bientôt maireadjoint etprend en charge l’éducation.
Or, le parti travailliste est justement à la recherche d’un candidat qui s’yentende dans ce domaine. Il lui propose de figurer sur sa liste. C’est ainsiqu’en 1992, elle entre à la Knesset. Et se trouve sur la scène de lamanifestation pour la paix aux côtés d’Itzhak Rabin le soir de novembre 1995 oùilest assassiné.
Gravissant peu à peu les échelons, elle devient ministre de l’Environnementdans le gouvernement d’Ehoud Barak, ministre de l’Industrie et du Commerce,puis des Communications dans celui d’Ariel Sharon.
C’est à elle que l’on doit la mise en place du recyclage des bouteilles enplastique et l’attribution de l’argent des amendes pour pollution au nettoyagedes villes.
En 2006, Dalia Itzik est élue présidente de la Knesset, poste qu’elle occuperajusqu’aux élections de 2009. C’est alors à elle qu’il revient d’accueillir lesgrands dirigeants du monde, dont le président américain George W. Bush, lachancelière allemande Angela Merkel ou le président français Nicolas Sarkozy.
Elle n’a en revanche jamais occupé le poste dont elle rêvait, celui de ministrede l’Education, que Peres lui avait promis s’il remportait le scrutin de 1996.Elle affirme que, si elle devenait Premier ministre, elle prendrait elle-mêmeen charge ce portefeuille-là, afin de faire comprendre au public l’importancede l’éducation. « Toute la sécurité du pays repose sur l’éducation », plaide-t-elle.« C’est donc le Premier ministre qui doit assurer ce budget et en faire unepriorité. » Malgré son anglais imparfait, qu’elle parle avec un fort accentisraélien, Dalia Itzik a été louée pour la qualité de son travail commeporte-parole du pays dans les relations internationales. « J’ai créé desconnections avec le monde », déclaret- elle. « Il était important pour moi quela Knesset soit vue comme le foyer central du peuple juif. Les femmes ont uneperspective plus large quand elles regardent les choses.
Elles peuvent faire fonction de mères de la nation. Pour ma part, j’ai fait demon mieux. »