Le plan de paix de Shaoul Mofaz

Le chef de l’opposition fait part de sa vision diplomatique. Et se présente comme une alternative crédible à Binyamin Netanyahou

mofaz (photo credit: Marc Israël Sellem)
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(photo credit: Marc Israël Sellem)
Novembre 2009. Shaoul Mofaz lance une conférence de pressepour présenter son nouveau plan diplomatique de paix avec les Palestiniens.Mais les médias israéliens l’ignorent et se focalisent sur son souhait expriméde négocier avec le Hamas. La presse passe sous silence les conditions poséespar Mofaz pour les pourparlers avec le mouvement islamiste : renoncer à laviolence, accepter les accords déjà conclus avec Israël et reconnaître le droitde l’Etat hébreu à l’existence. Au lieu de quoi la polémique enfle surl’ex-chef d’étatmajor qui souhaite à présent négocier avec ses ennemis duterrain.

Alors numéro 2 de Kadima, Mofaz présente ce même plan à son parti, Tzipi Livnil’interrompt sans cesse d’un ironique : “nifla !” (merveilleux).

Près de trois plus tard, l’homme est aujourd’hui à la tête de la plate-formecentriste. Leader de l’opposition, c’est l’un des challengers les plus sérieuxde Binyamin Netanyahou. Il a récemment affirmé son souhait de rencontrer leprésident Obama ainsi que celui de se rendre à Ankara. Rencontre avec celui qui souhaitedésormais imprimer sa marque dans la politique israélienne.
Qui est à blâmer pour l’impasse diplomatique actuelle : Netanyahou, comme l’asouvent suggéré Tzipi Livni que vous avez remplacée, ou les Palestiniens ?

Lesdeux camps sont à blâmer. Malheureusement, depuis trois ans, le gouvernementactuel ne fait pas de démarches pour faire avancer les négociations. Israël acommis une très grave erreur en n’acceptant pas le plan d’Obama (présenté parle président américain en mai 2011). Les négociations sont au point mort àcause d’un défaut de confiance entre les deux leaders. En tant que Premierministre, je pourrais changer cela.

Un accord avec les Palestiniens est bien évidemment dans notre intérêt parceque cela garantira la survie d’Israël en tant qu’Etat juif et démocratique.Israël et l’Autorité palestinienne (AP) devraient accepter le communiqué duQuartet, publié la semaine dernière, et faire avancer les pourparlers. Nous n’avonspas de temps à perdre. Le plus grand danger pour Israël n’est pas la menaceiranienne mais bien de devenir un Etat binational, ce qui signifierait perdrenotre majorité juive. Je ne le permettrais pas.
Votre plan de paix appelle à un retrait de Judée- Samarie en deux étapes,d’abord de 60 % puis de 100 % du territoire via des échanges de terres. En quoireprésente-il la solution ?

Il ne peut y avoir d’accord en une seule étape. Ilest donc important de procéder à une étape intérimaire pour établir la confiance,permettre aux Palestiniens d’avoir un Etat et garantir la sécurité d’Israël surle chemin d’un accord permanent. Ensuite, un an plus tard, nous pourrons nousentendre sur les frontières et la sécurité parce que les écarts ne seront plustrès importants.

Je garantirais aux Palestiniens un Etat de la même taille que la Judée-Samarieet la bande de Gazad’avant 1967, par le biais d’échanges de territoires. Nous conserverons nosblocs d’implantation. Ils feront partie d’Israël et deviendront notre frontièreEst. Je suis très pragmatique et serais prêt à des concessions historiques,mais je serais intraitable sur la sécurité.
L’Etat palestinien sera démilitarisé. Il pourra posséder des forces de sécuritépour protéger son peuple, mais pas de force aérienne, de chars ou de missilesqui pourraient nous menacer. Je m’y connais en matière de sécurité.
Vous avez présenté votre plan en 2009. La région a beaucoup changé. Pensez-voustoujours que les deux étapes soient nécessaires ?

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Plus que jamais. Les profondschangements de notre région nous poussent à mettre en place nos prioritésstratégiques : renforcer nos accords de paix avec l’Egypte et la Jordanie etparvenir à un accord avec les Palestiniens.

Que représentent respectivement les 60 % et les 100 % ?

Dans un premier temps,nous donnerons à l’AP les zones A et B, qui constituent environ 40 % de laJudée et Samarie, plus 20 % de la zone C, créant ainsi une ligne continue entreDjénine et Hébron. 99,8 % des Palestiniens vivront sur ces territoires et nulleimplantation ne sera évacuée.

Après échange de territoires, les 250 000 Juifs des implantations pourront ydemeurer. Nous conserverons Ariel, Maaleh Adoumim et le Goush Etzion. La valléedu Jourdain peut être louée pendant 25 ans et les Juifs de Hébron serontconsidérés comme une exception.
Donner 100 % du territoire aux Palestiniens, via des échanges, faisait déjàpartie du plan de l’ancien Premier ministre Ehoud Olmert. Avez-vous soutenu ceplan ?

Non. Olmert voulait d’ores et déjà prendre des décisions sur Jérusalem,les réfugiés, l’eau et les champs électromagnétiques.

Son plan n’était pas viable.
Pourquoi étiez-vous en faveur du plan très controversé Obama ?

L’idée d’Obamade décider d’abord des frontières et de la sécurité, et ensuite seulement deJérusalem et des réfugiés, faisait partie de mon plan. Je l’avais présenté àses conseillers Dennis Ross, Jeffrey Feltman et Dan Shapiro en 2009. Je ne dispas qu’il a adopté mon plan dans son intégralité. Mais en tant que Premierministre, je saurais convaincre le président américain.

Si Israël fait des concessions en Judée et Samarie sur la question desfrontières, pourquoi les Palestiniens se montreraient-ils conciliants en ce quiconcerne les réfugiés ?

ll s’agit d’une limite infranchissable pour moi. Il n’yaura pas un seul réfugié palestinien au sein des frontières finales d’Israël.Dans une négociation, on se met d’accord sur les conditions au préalable.

Nous rendrons les choses très claires : il n’y aura pas de compromis sur laquestion des réfugiés.
L’accord intérimaire établira la confiance nécessaire pour l’étape suivante. Ilcréera en outre une atmosphère nouvelle entre nous, les Palestiniens et lesEtats arabes. Les liens économiques seront considérablement renforcés.
Cet accord peut-il être atteint avec le leadership palestinien actuel, oudevons-nous attendre de nouvelles élections palestiniennes, constammentrepoussées ?

La communauté internationale sera en faveur de mon plan et lesPalestiniens n’auront pas le choix. J’ai eu le soutien de dirigeants de premierplan. J’ai également rencontré des dignitaires palestiniens qui ont qualifiémon projet de pragmatique et rationnel, mais ils ne peuvent en faire ladéclaration publiquement. Tout leader palestinien qui acceptera les conditionsdu Quartet peut être considéré comme un partenaire sérieux.

Vous considérerez-vous comme le leader du “camp de la paix” ? Seriez-vous prêtà être l’orateur principal lors des cérémonies à la mémoire d’Itzhak Rabin ? Etque pensez-vous de l’idée de Yossi Beilin, ancien dirigeant de Meretz,consistant à démanteler l’AP ?

Je suis le leader du camp despragmatiques : nous voulons faire la paix, réparer notre système électoral,réaliser les profonds changements socio-économiques nécessaires au pays etrépartir plus équitablement le fardeau du service militaire.

Je suis contre l’initiative de Genève et je ne suis pas d’accord avec les idéesde Beilin, car je pense qu’un Etat binational est la pire chose qui pourraitarriver à Israël. Quant aux cérémonies en l’honneur de Rabin, si on m’invite ày discourir, je le ferais.
Vous êtes favorable aux initiatives diplomatiques d’Obama concernant lesPalestiniens. Etes-vous également d’accord avec sa gestion du dossier iranien ?

Je pense que l’administration d’Obama est décidée à faire cesser le programmenucléaire iranien. Mais je suis contre la nouvelle idée du président américainde permettre à Téhéran d’avoir un programme nucléaire civil. Ce serait tropcompliqué à contrôler.

L’Iran a des ambitions militaires et les moyens de les réaliser, nous nepouvons pas fermer les yeux là-dessus. Permettre à l’Iran d’obtenir une forcede frappe nucléaire changerait l’équilibre des forces au Moyen-Orient. LesEtats-Unis comprennent bien pourquoi Israël ne peut pas accepter cela.
Si les sanctions et toutes les options diplomatiques échouaient, seriez-vouscapable de bombarder l’Iran, votre pays de naissance ?

Cela n’a rien à voir.L’option militaire est à envisager et Israël doit s’y préparer. Mais nous n’ysommes pas encore. C’est l’heure des sanctions et c’est à la communautéinternationale de jouer son rôle auprès de l’Iran.

Si Téhéran devenait trop près d’obtenir la bombe nucléaire, que les Etats-Unisne remplissaient pas leur rôle et qu’une épée de Damoclès se tenait au -dessusd’Israël, alors je serais le premier à soutenir une action militaire. Il nesera plus question de coalition et d’opposition. Mais nous n’y sommes pasencore.
Pensez-vous qu’Obama libérera Jonathan Pollard de prison ?

Nous verrons. Jepense qu’il est temps de le libérer. Il ne représente plus un danger pour lasécurité américaine. Son sort ne devrait pas être lié aux élections auxEtats-Unis. Il devrait être libéré pour des raisons humanitaires et parce qu’ila payé sa dette à la justice américaine. Cette question devrait déjà êtreréglée.

Pensez-vous que Tzipi Livni quittera la scène politique ?

C’est à elle d’endécider. J’ai déclaré qu’elle avait sa place à Kadima, mais que personne n’estirremplaçable. Les résultats des primaires sont sans appel. Le parti seradésormais dirigé différemment.

Si vous êtes élu Premier ministre, vous considérerez-vous également commeleader du monde juif ?

Le monde juif fait partie de nous. Tout Premier ministredoit se porter responsable des Juifs de la Diaspora et maintenir des liens aveceux. Leur lien à Israël est profond et rien ne peut changer cela.

L’année dernière, j’ai été invité à parler devant l’assemblée générale de laFédération des Juifs d’Amérique du Nord à Denver et j’ai été très impressionnépar l’engagement des Juifs américains pour le futur d’Israël. Ils font partiede notre chair. Israël est le foyer de tous les Juifs aux Etats-Unis et dans lemonde.