Le pouvoir de faire la guerre

Selon Zehava Gal-On, l’establishment devrait consulter tout l’éventail politique avant de décider d’entrer en guerre. Mais qui en profitera vraiment ?

faire la guerre (photo credit: Reuters)
faire la guerre
(photo credit: Reuters)

A en croire la leader de Meretz, la députée Zehava Gal-On, la machine deguerre israélienne réclamerait une bonne dose d’huile. Dimanche 5 août, ladéputée a soumis à la Knesset un projet de loi. Objectif : limiter les pouvoirsdu Premier ministre et du ministre de la Défense, les empêchant de déclarer laguerre sans le consentement d’une sous-commission parlementaire.

Pour Gal-On, le Premier ministre jouit de trop de liberté d’action dansl’acte de déclaration de guerre, sans nulle nécessité d’approbation d’autresmembres de la Knesset, non-ministres, comme la leader travailliste ShellyYachimovich ou celle du Meretz, à savoir elle-même en personne. Ces présidentesde partis n’auraient pas assez d’influence sur la politique belligérante dupays, et d’après Gal-On, en conséquence : “la machine de guerre avance trop rapidement.”

Pour les droitistes, eux, pour ce qui est de la crise nucléaire avecl’Iran, Israël ne pourrait se mouvoir plus lentement. Dans son discours à laKnesset dimanche, Gal-On a dépeint un tableau illusoire : “La loi doit exigerdu parlement qu’il supervise le gouvernement sur les décisions d’entrée enguerre... Israël est le seul pays au monde où aucun contrôle n’est fait sur sesopérations militaires. Le sort de l’Etat d’Israël se trouve entre les mains depersonnes mues par des considérations de survie politique”, a-t-elle scandé.

Proposer à la Knesset des idées pour renforcer la démocratie n’est pasmauvais en soi En mai, Gal-On faisait déjà état devant la presse de ses craintes de voir lePremier ministre Binyamin Netanyahou et Ehoud Barak, ministre de la Défense,lancer une attaque contre l’Iran avant que l’Amérique ne se soit dépêtrée de sapropre campagne électorale.

“Profiter du fait que les parents sont en voyage est enfantin, parce que quandles parents reviendront, la punition sera sévère...”, avait-elle imagé. Pourquoifaut-il ignorer son projet de réforme ? Car elle se trompe sur les Américainset sous-estime la complexité de la situation. Il est préférable de s’abstenirde débattre à outrance d’une manoeuvre militaire avec les autres factions,telles que le Meretz, connu pour son ethos “pacifiste” (ou le parti Avoda,d’ailleurs), surtout lorsque les capacités militaires et l’enrichissementd’uranium de l’Iran n’ont d’égales que sa pugnace rhétorique et ses menaces, endépit des sanctions internationales.

 Le cas américain

 En guise de comparaison, examinons les lois de déclaration de guerre auxEtats-Unis. Israël - contrairement aux dires de Gal-On - n’est pas le seul paysau monde où aucun contrôle n’est fait sur ses opérations militaires.

Aux Etats-Unis, ce n’est qu’en 1973 (vers la fin de la guerre infortunée auVietnam, Laos et Cambodge), que les choses ont changé, lorsque le Congrès aadopté la Loi sur les pouvoirs de guerre. Une loi fédérale entérinée pourréguler l’autonomie du président dans sa capacité à déclarer la guerre, en tantque commandant et chef du pays, sans consulter le Congrès.

Cette loi avait été votée de pair avec une résolution commune affirmant que leprésident doit consulter le Congrès, sauf dans le cas d’une “urgence nationalecréée par une attaque sur les Etats-Unis, ses territoires, ses biens, ou sesforces armées.” Le camp pro-guerre contre l’Iran en Israël aurait pu argumenterque toute agression du Hezbollah ou du Hamas (financée par l’Iran) sur lapatrie est “une urgence nationale créée par une attaque sur Israël.”

Pour comprendre ce parallèle, nous devons d’abord admettre les différencesextrêmes entre d’une part le Congrès et l’armée américaine et de l’autre laKnesset et Tsahal. Le cabinet américain est composé de fonctionnaires nomméspar le président et qui appartiennent à son parti politique.

Au cours de son histoire, les Etats-Unis ont déclaré la guerre contre unpays tiers à cinq reprises, chacune à la demande du président, après ledéclenchement d’hostilités militaires. C’est dans la Convention fédérale de1787 que James Madison a insisté pour que l’expression “faire la guerre” soitremplacée par “déclarer la guerre.” Ce qui octroie à la Maison Blanche lepouvoir de réagir à une attaque soudaine, sans l’approbation du Congrès.

En réaction, la Loi sur les pouvoirs de guerre énonce que le président doitinformer le Congrès dans les 48 heures où une action militaire est entamée etinterdit aux forces armées de rester dans une zone de guerre plus de 60 jours. Larésolution avait été adoptée par les deux tiers du Congrès, ce qui bâillonnetout veto présidentiel.

Mais la Loi sur les pouvoirs de guerre a été violée. A plusieurs reprises.En 1981, par le président Ronald Reagan, lorsque ce dernier a dépêché l’arméeau Salvador. En 1999, par le président Bill Clinton, lorsque l’OTAN a bombardéle Kosovo. Et en 2011, et par le président actuel Barack Obama, qui n’a pasattendu l’approbation du Congrès pour attaquer la Libye, puis débouter Kadhafi.

Eviter la cacophonie israélienne

Qu’en est-il de l’Etat hébreu ? “Actuellement, la décision de partir enguerre ne doit être approuvée que par les 15 membres du cabinetdiplomatico-sécuritaire de Netanyahou... La législation Gal-On préconise qu’unPremier ministre obtienne l’approbation de la souscommission parlementaire desaffaires étrangères et de la défense pour les renseignements et les servicessecrets, qui supervise déjà le Shin Bet (Agence de sécurité intérieure), leMossad et la Commission israélienne de l’énergie atomique”.

L’impétuosité de Gal-On a tout à voir avec la menace iranienne, où Israël aamplement le temps et le loisir de prendre une décision réfléchie. En outre,selon l’ancien vice-Premier ministre, Shaoul Mofaz, Netanyahou envisageraitd’accorder à Tzahi Hanegbi un ministère pour “faire pencher la balance du cabinetrestreint de sécurité en faveur d’une frappe contre l’Iran...”.

De nouvelles mesures visant à ralentir le processus de guerre ne ferontqu’accentuer le danger pour Israël. Et Gal-On de défendre : “Ma propositionveut éviter une décision hâtive de la part du gouvernement d’entrer enguerre... Un représentant de l’opposition à la Knesset doit être impliqué dansla prise de décision. “ Si son projet de loi est plausible, impossibled’ignorer le danger d’une menace iranienne directe sur Israël. Dans un tel cas,l’armée israélienne devra riposter immédiatement et aviser ses forces alliéesdans le détroit d’Ormuz. Ne l’oublions pas, plus la cacophonie estassourdissante, plus l’ennemi se gargarise