Signez, mariez-vous et soyez heureux

Pour éviter le problème du chantage au get, une association milite pour un contrat prénuptial halachique

Campagne d'information sur le contrat prénuptial (photo credit: Mavoi Satoum)
Campagne d'information sur le contrat prénuptial
(photo credit: Mavoi Satoum)

Nouveau cheval debataille. Une association pour les droits des femmes lance un projet pour aiderles femmes juives dont les maris refusent le divorce : l’accord prénuptial. Le“Signez et mariez-vous” de l’association Mavoi Satoum (Impasse) encourage lescouples à signer un accord prénuptial halachique, destiné à empêcher le ou lapartenaire de refuser le get.

Selon la loi juive traditionnelle, une femme qui le demande, doit se voiraccorder le divorce de son plein gré par son mari. Début juin, Mavoi Satoumorganisait une rencontre pour jeunes adultes à l’Université hébraïque deJérusalem. Le but ? Donner la parole à des rabbins, des avocats et desmilitants sur les aspects civils et judaïques de l’accord prénuptial.
La directrice de l’association, Batya Kehana, donne le la : se marier sanscontrat “fait perdre à la femme tout pouvoir sur elle-même. C’est pourquoi nousencourageons les futures mariées à prendre leurs responsabilités et à se protéger”.Dans la loi juive, une femme doit obtenir le get de son époux avant de pouvoirse remarier. Selon les associations de défense, il existe plusieurs milliers decas de refus, où les hommes utilisent ce privilège pour extorquer de meilleuresconditions de divorce.
La femme peut également refuser d’accorder le get, mais ce qui n’empêchera pasl’ex-conjoint de convoler en secondes noces et d’avoir des enfants, quand safemme ne le peut pas. Mavoi Satoum promeut donc “un accord de respect mutuel” :un document, signé par les deux partenaires, qui obligerait le conjointrécalcitrant à verser 15 000 dollars par mois ou encore la moitié de sonsalaire, jusqu’à ce qu’il ou elle accepte de délivrer le get. Cet arrangementprendra effet six mois après qu’une des deux parties ait demandé le divorce.
Shani et Avi, mariés depuis quinze jours, expliquent leur choix de l’accordprénuptial halachique. “Le problème des agounot fait peur”, pointe Shani,employant le mot en hébreu pour décrire une femme “enchaînée à son mari”. “Jene voulais pas me marier religieusement, mais les parents de mon mari n’étaientpas d’accord pour assister à un service non orthodoxe, alors j’ai accepté”. Etde continuer : “Je voulais quand même quelque chose qui me rassure et me laissele contrôle, ce qui est complètement absent du mariage religieux”.
Avi explique avoir accepté par principe, sans avoir le sentiment d’en avoirbesoin personnellement, car, dit-il, il ne ferait jamais de chantage au get.
Union sous conditions

Selon le Rav ShlomoDaichovsky, directeur des cours rabbiniques, si ces accords sont effectivementrédigés selon la Halacha, ils pourraient bien contribuer à réduire le nombred’agounot. Mais Daichovsky est connu pour sa ligne modérée. Il sait que sicertains tribunaux rabbiniques reconnaîtront la valeur du document, d’autres lerejetteront pour invalidité aux yeux de la loi juive.

Pour rappel : si un homme accorde le get contre son plein gré, le divorce n’estpas reconnu légalement. Et tout enfant d’un second lit de son épouse est defait condamné à être “mamzer” (bâtard), et ne pourra à son tour épouser que desJuifs répondant au même statut.
Pire encore : selon Mavoi Satoum, presque tous les rabbins orthodoxes rejettentd’emblée la clause du contrat prévoyant qu’une cour civile, et non rabbinique,traite de l’épineuse question de la garde d’enfants, et de la répartition desbiens. Les militants en font un point d’honneur car, disent-ils, la justicerabbinique ne protège pas les droits des femmes et ses conclusions peuvents’avérer biaisées sans l’intervention d’une cour civile. Le type de courchoisie est arbitraire : ce sera là où l’un des conjoints a rempli la demandede divorce en premier.
C’est pour cette raison que Mavoi Satoum va plus loin que le “Signez et mariez-vous”et cherche à contourner le rabbinat en encourageant les couples à se mariercivilement sans passer par la case religieuse. Faisant cela, les jeunes mariéspeuvent avoir recours à ce que l’on appelle un “mariage conditionnel”,c’est-à-dire une union conditionnée à la possibilité de divorcer. Si l’un despartis refuse d’accorder le get, le mariage peut être annulé rétroactivement.Se marier de cette façon interdit l’inscription au rabbinat, ce qui équivaut àne pas être considérés légalement mariés par l’Etat, même si la cérémonie estbel et bien conduite selon la Halacha.
L’acte pourrait alors être reconnu administrativement comme une union de fait,ce qui accorde presque tous les droits du mariage rabbinique. Kehana admet quela solution est radicale, mais elle souligne qu’il s’agit du meilleur moyenpour lutter contre le fléau des agounot, en rendant les femmes indépendantes duget. Le rabbinat et les cours religieuses ne reconnaissent pas la validité dumariage conditionnel, bien que certains orthodoxes militant pour cette solutionplaident en sa faveur halachiquement.
Modéré, mais mieux que rien

Le Centre Rackman pour l’avancement de la condition des femmes àl’Université de Bar-Ilan a tenu une conférence sur le sujet le mois dernier. Lerabbin Michael Broyde, juge au Beit Din d’Amérique, est venu y défendre unaccord de mariage conditionnel qu’il a élaboré. A noter cependant que Tzohar,une association rabbinique qui officie gratuitement pour célébrer des mariageset connue pour ses positions modérées sur le sujet, s’oppose au recours à descours rabbiniques privées.Son président, le rabbin David Stav, explique que, bien que l’idée decontourner le rabbinat semble bonne, les couples concernés devront également,éventuellement, divorcer devant une cour privée. Or, celle-ci n’aura pas lesmêmes pouvoirs qu’une cour rabbinique d’Etat pour persuader un épouxrécalcitrant de délivrer le get. Et d’ajouter que Tzohar travaille à sa propreversion d’un mariage conditionnel, avec l’aide des plus grands rabbins etérudits du pays. “Si, en fin de compte, la cour rabbinique ne reconnaît pasl’accord prénuptial, tout cela n’aura servi à rien”, commente-il. “Nousespérons que, dans sa version finale, l’accord que nous proposerons sera à mêmede persuader un époux récalcitrant de délivrer le get. Cela ne répondrapeut-être pas à toutes les demandes des militants, car ce sera plus modéré maiscela évitera le problème des agounot”.