Changement de cap

A quelques semaines des élections, Liberman tente de se faire une place au centre

Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman (photo credit: RONEN ZVULUN / REUTERS)
Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman
(photo credit: RONEN ZVULUN / REUTERS)
Décembre 2012, un peu plus d’un mois avant les élections du 22 janvier 2013, le ministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman s’en prend à l’Union européenne : « Les promesses de la communauté internationale de soi-disant s’engager envers la sécurité d’Israël me rappellent celles faites à la Tchécoslovaquie (en 1938). Après toutes les assurances qui avaient été fournies, l’Allemagne nazie a occupé la Tchécoslovaquie, avant qu’elle ne disparaisse. » Déjà, la veille, dans une interview à la radio, Liberman comparait la politique de l’Union européenne envers Israël à celle des pays européens dans les années 1930-1940. « Je ne me réjouis pas de la position de l’Europe, qui une fois de plus, ignore les appels à la destruction d’Israël. […] Les dirigeants du Hamas répètent que leur objectif est la destruction de l’Etat d’Israël. Et l’Europe reste silencieuse. » Des mots durs, que les analystes politiques avaient attribués à l’époque à l’imminence du scrutin et au fait que l’électorat du ministre des Affaires étrangères était friand de ce genre de discours. Evidemment, Liberman, affirmait son entourage, dénonçait simplement ce qu’il considérait comme la politique partiale de l’Union européenne.
Nous y revoilà, deux ans plus tard, à trois mois de nouvelles élections : l’Union européenne est toujours au centre des déclarations de Liberman. Mais cette fois, la hache de guerre est enterrée. Au lieu de sermonner, il encense. C’était mardi soir, lors d’un discours à l’université de Tel-Aviv. « Nous devons parvenir à un accord […] Ceci est primordial pour le bien de nos relations avec les Etats-Unis et l’Union européenne. Car pour ceux qui ne le savent pas encore, l’Union européenne est notre plus grand partenaire commercial, aussi bien au niveau des importations que des exportations. » En deux ans, la même Europe, qui était prête à sacrifier Israël, est donc devenue un partenaire indispensable qui doit jouer un rôle majeur dans la résolution du conflit israélo-palestinien.
Changement de point de vue – seuls les imbéciles ne changent pas d’avis – ou nouvel enjeu électoral ? Les mêmes diplomates visés par les flèches de Liberman en 2012, prennent aujourd’hui ses mots doux avec une note de scepticisme. Il est agréable de constater que le chef de la diplomatie a réalisé l’importance des relations économiques entre Israël et l’Europe, à moins que cela n’ait un rapport avec les élections, confie un diplomate avec une pointe d’ironie.
Liberman se fait une place au centre
Si, en 2012, fustiger l’Europe était un moyen sûr de glaner des voix à droite, en 2014, après la mainmise de Naftali Bennett et du Likoud sur cet électorat, Liberman tente de se faire une place au centre. Lors d’un discours mercredi, il s’est lui-même décrit comme le représentant du « camp national des pragmatiques » : selon ses dires, la campagne actuelle consiste en une bataille entre la gauche utopiste, le centre pragmatique et « le camp des extrémistes fanatiques qui ignorent la réalité ». Avant d’accuser le Premier ministre Benjamin Netanayhou pour son inertie dans les négociations palestiniennes et de n’avoir initié aucune avancée diplomatique. Une critique pas forcément erronée, mais tout est une question de timing.
A quelques semaines des élections, Liberman désapprouverait donc le statu quo actuel. Il n’a pourtant rien dit au cours des 13 derniers mois. Le chef d’Israël Beiteinou occupe le poste de ministre des Affaires étrangères depuis 2009. Assez de temps pour initier des avancées diplomatiques, s’il l’avait désiré. Si le dernier mot revient évidemment au Premier ministre, le chef de la diplomatie peut faire entendre sa voix sur ce genre de questions.
Ces derniers temps, Liberman a certes affirmé que l’initiative saoudienne pourrait servir de base à un accord régional plus large qui définirait les relations d’Israël avec le monde arabe, les Arabes israéliens et les Palestiniens. Sans toutefois entrer dans les détails.
Mais jusqu’à encore récemment, il était lui-même un fervent défenseur du même statu quo qu’il désapprouve aujourd’hui. En décembre 2011, à la lumière des bouleversements qui agitaient le Moyen-Orient, selon lui, ce n’était pas le moment de parler d’un accord avec les Palestiniens. « On ne construit pas un nouveau bâtiment en plein tremblement de terre », avait-il déclaré. Un argument qu’il avait répété en février 2013. A la veille de la visite en Israël du président américain Barack Obama, le chef d’Israël Beiteinou avait déclaré : « Quiconque pense qu’au milieu du tsunami diplomatique, politique et social qui remue le monde arabe, il est possible de trouver une solution miracle et de parvenir à un accord de paix avec les Palestiniens ne comprend rien. Il est impossible de résoudre le conflit, il faut simplement le gérer. »
Mais c’était avant. Aujourd’hui, à la veille d’un nouveau scrutin, Liberman voit les relations avec l’Europe et le statu quo palestinien, d’un autre œil.
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