Une alliance d'un nouveau genre

Le succès du quatrième gouvernement Netanyahou dépendra des relations qu’il entretiendra avec son ministre des Finances et des solutions qu’il apportera à la crise du logement

Moshé Kahlon et Benjamin Netanyahou (photo credit: REUTERS)
Moshé Kahlon et Benjamin Netanyahou
(photo credit: REUTERS)
Alors qu’il s’affaire ces dernières semaines à mettre sur pied son quatrième gouvernement, Benjamin Netanyahou semble disposer d’une plus large marge de manœuvre que lors de ses trois précédents mandats. Mais le véritable combat du Premier ministre n’est pas encore engagé. Selon toute vraisemblance, il n’aura lieu ni en Iran, ni au Liban, ni à Gaza, mais sur le marché du logement, où la victoire nécessitera une alliance d’un genre nouveau.
A 65 ans, Benjamin Netanyahou occupe le poste de Premier ministre depuis déjà neuf ans et il a parcouru un long chemin depuis son premier mandat à la tête du pays il y a près de vingt ans. La coalition monolithique qu’il avait formée alors n’avait pas suffi à satisfaire le vote des indécis qui, trois ans plus tard, l’avaient laissé sur la touche.
Lorsqu’il revient aux commandes dix ans plus tard, le chef du Likoud semble, cette fois, rechercher le consensus. Contre toute attente, il fait entrer les travaillistes dans son gouvernement, adopte la solution de deux Etats pour deux peuples et ordonne le gel temporaire des constructions en Judée-Samarie. Le but de cette alliance reste toutefois la stabilité politique plutôt que la mise en place d’un réel programme.
Et cela donnera le ton de l’ensemble de ses mandats. En fait, en moins de trois ans à la tête du ministère des Finances sous Ariel Sharon, Bibi aura affecté la vie des Israéliens plus profondément qu’au cours de neuf années en tant que chef du gouvernement. Entre 2003 et 2005, il a diminué les dépenses sociales, réduit les impôts, vendu les actifs de l’Etat, privatisé le secteur des retraites et déréglementé le secteur de l’épargne. Un zèle qui restera sans équivalent au cours de sa carrière politique. Tout au long de ses trois derniers mandats, le Premier ministre semble n’avoir eu qu’un seul souci, celui de préserver l’ordre existant et d’éviter les bouleversements.
Dans la lignée de ses prédécesseurs
La frugalité budgétaire marque son premier mandat de 1996 à 1999. Une abstinence bienvenue après les dépenses ambitieuses du gouvernement Rabin-Peres en travaux routiers et hausses salariales ; une générosité qui avait laissé un déficit de 5,2 milliards de dollars dans le budget national. Peu de réformes sont entreprises au cours de ce premier passage aux commandes du pays : la vente de la banque Hapoalim en 1998 avait été entamée avant son arrivée. Même l’accord de Hébron, signé avec Yasser Arafat et salué en son temps comme la marque d’un pragmatisme extraordinaire, apparaît avec le recul comme la volonté de respecter les engagements de ses prédécesseurs.
Pour son second mandat en 2009, on s’attendait, tant du côté de ses partisans que de celui de ses adversaires, à ce que Netanyahou poursuive les réformes entamées quatre ans plus tôt lorsqu’il était aux Finances : entre autres, de nouvelles baisses d’impôts et de nouvelles ventes d’actifs. Mais rien de tout cela n’est arrivé. Pour sa défense, son second gouvernement a dû faire face à la crise de Wall Street. Un prétexte tout trouvé pour avoir laissé les taux d’imposition inchangés – en dehors d’une légère baisse de TVA – et pour n’avoir pas lancé le chemin de fer d’Eilat, présenté comme son projet phare en matière d’infrastructures. En outre, la plus importante réalisation de cette époque, la barrière de sécurité érigée le long de la frontière avec l’Egypte, a plus été la réponse à une crise externe, en l’occurrence l'afflux d'immigrants illégaux, que l'aboutissement d'un projet planifié à long terme. Quant à la déréglementation du marché de la téléphonie mobile, une des grandes réussites de ce deuxième gouvernement, le débat reste ouvert : doit-on cette initiative à Netanyahou ou à son ministre de la communication Moshé Kahlon ?
Au cours de ses deux premiers mandats, Benjamin Netanyahou n’a donc pas réussi à tenir sa promesse de mettre sur le marché les propriétés foncières de l’Etat, afin de réduire le coût du logement.
En 2009, le chef du gouvernement retire sa réforme, en raison d’une triple attaque de ses alliés. D’un côté, les travaillistes estiment que la privatisation bénéficierait aux magnats de l’immobilier plutôt qu’aux potentiels acheteurs de logement. De l’autre, HaBayit HaYehoudi, pour qui la privatisation représente une violation du précepte biblique selon lequel « la terre ne doit pas être vendue au-delà du principe de la récupération » (principe adopté par les sionistes qui établit un bail de 49 ou 99 ans sur la majorité des terres en Israël). Et enfin, Moshé Yaalon, alors ministre des Affaires stratégiques, craint que les ventes massives de terrains ne se traduisent par des OPA hostiles.
Un étrange mélange de mythe socialiste, de dogme religieux et de théorie du complot, qui s’avère suffisamment puissant pour faire revenir le Premier ministre sur l’une de ses promesses électorales majeures. Mais deux ans plus tard, la bête refait surface et des milliers de personnes descendent dans la rue pour protester contre les prix du logement.
La crise Lapid
Son troisième gouvernement aurait dû être l’occasion rêvée pour Netanyahou d’avancer sa réforme foncière. En effet, le partenaire principal de sa coalition, Yesh Atid, est comme lui en faveur du marché, tout comme le nouveau HaBayit HaYehoudi sous la houlette de Naftali Bennett.
Pourquoi Yaïr Lapid n’a-t-il pas pris fait et cause pour la réforme ? Cela reste un mystère. Ce qui est clair, c’est que les deux leaders n’ont pas réussi à créer une alliance stratégique à même de refroidir le marché du logement, dont les prix ont grimpé de 54 % en dix ans, parallèlement à une croissance économique de 41 % et une hausse du revenu moyen de seulement 8 %.
L’explication se trouve peut-être dans les déclarations de Lapid il y a deux ans, quand il assurait qu’il serait Premier ministre. A cause ou non de ces affirmations, plutôt qu’un partenaire stratégique, Netanyahou a vu en lui un ennemi potentiel. C’est évidemment ce qui l’a amené à provoquer les dernières élections anticipées. Un formidable coup de poker que même ses rivaux admirent aujourd’hui, qui lui permet de se débarrasser de Lapid et de le remplacer par des partenaires avec lesquels il se sent plus à l’aise. Yesh Atid a été évincé, mais la crise du logement qui a porté ombrage aux deux précédents mandats de Netanyahou, elle, demeure.
Bonne chance Moshé Kahlon
Avec Moshé Kahlon, Bibi devra avoir en tête non pas le passage de Lapid au Trésor, mais sa propre expérience au ministère des Finances. Lorsque, à la surprise générale, Ariel Sharon lui confie ce ministère, quand tous l’attendaient aux Affaires étrangères, finalement attribué à Silvan Shalom.
Netanyahou doit son succès aux Finances à sa conviction et à sa motivation d’une part, mais surtout au soutien politique qu’Ariel Sharon lui apporte. Un accord tacite entre les deux hommes lui permet d’obtenir du Premier ministre toute l’aide nécessaire à la mise en place de ses réformes, tant qu’il se garde d’intervenir sur les questions diplomatiques et sécuritaires. L’accord fonctionne sans anicroche, jusqu’à la démission de Netanyahou à l’approche du retrait unilatéral de la bande de Gaza.
Un tel accord de non-ingérence – qui n’a pas existé avec Lapid puisque ce dernier n’a eu de cesse de marquer son opposition au Premier ministre – devrait être possible avec Moshé Kahlon. Le chef de file de Koulanou a limité ses demandes à la sphère strictement économique. En plus du Trésor, il réclame le ministère de la Construction et celui de l’Environnement, ainsi que la commission des Finances de la Knesset. Il exige également que l’autorité de planification soit transférée du ministère de l’Intérieur vers celui des Finances. Netanyahou ne peut pas satisfaire toutes ses attentes – en particulier en ce qui concerne la commission des Finances, promise au Judaïsme de la Torah unifié – mais il accepte, dans le principe, la plupart des doléances de Kahlon.
Reste à savoir s’il traitera ce dernier comme le rival qu’il a vu en Lapid, ou comme le partenaire que Sharon avait vu en son propre trésorier.
Priorité : le logement
Ancien marchand de pièces automobiles, on dit de Moshé Kahlon qu’il est calme et modéré et qu’il saura se montrer plus humble et moins prompt à la confrontation que le très extraverti Yaïr Lapid, ex-star du petit écran. En outre, Kahlon partage la vision du Premier ministre. Les deux hommes s’accordent à dire que la crise du logement devra être la priorité du prochain gouvernement.
Certes tout n’est pas parfait. Netanyahou le conservateur pourrait s’opposer à certaines tendances populistes que le chef de Koulanou envisage déjà, notamment en ce qui concerne la concurrence dans le domaine bancaire. Mais les circonstances devraient permettre aux deux hommes de forger une alliance qui dominera le prochain gouvernement et donnera le ton.
Car si la menace iranienne reste un problème de fond, l’action requise est essentiellement diplomatique et ne devrait pas empêcher l’économie de dominer les priorités du prochain gouvernement. En outre, le chaos qui agite le Moyen-Orient signifie aussi que les ennemis potentiels d’Israël sont occupés sur d’autres fronts. Quant aux Etats-Unis, ils seront bientôt de plus en plus absorbés par l’imminence de la prochaine élection présidentielle.
Le prochain gouvernement de Benjamin Netanyahou pourra concentrer ses efforts pour améliorer le sort de ces milliers de jeunes couples qui doivent mettre de côté 140 mois de salaire moyen pour acheter un appartement. Et aider quelque 470 000 ménages à faible revenu, qui vivent dans des appartements de location dont le loyer a augmenté de 60 % en dix ans.
Tel est le principal combat qui attend Netanyahou à l’orée de son quatrième mandat.
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