Boycotter les boycotteurs

Le mouvement BDS est en perte de vitesse. En cause : les attaques financières lancées contre lui. Mais l’Europe reste à la traîne

BDS activists in Berlin (photo credit: REUTERS)
BDS activists in Berlin
(photo credit: REUTERS)
Son commentaire restera dans les annales. Le mois dernier, Andrew Cuomo, gouverneur de New York, prévenait : « C’est très simple, si vous boycottez Israël, New York vous boycottera ». Il calquait alors sa stratégie sur celle adoptée pour cibler les banques et les entreprises européennes qui commerçaient avec l’Iran, à savoir que ces dernières voyaient leurs avoirs gelés sur le lucratif marché américain.
La menace de Cuomo fait partie intégrante d’une vaste campagne entreprise par les Etats américains pour délégitimer le mouvement Boycott Désinvestissement Sanctions. La législation anti-BDS adoptée en Illinois, conjuguée à l’appel du sénateur Mark Kirk visant à ouvrir une enquête sur les comptes bancaires allemands du mouvement, a joué un rôle essentiel pour mettre à mal son financement. Le mois dernier, la Commerzbank, deuxième plus grande banque d’Allemagne, fermait un compte BDS. Une première pour le pays.
Cependant, il est encore trop tôt pour dire si dans le sillage de la décision de cet établissement, il est permis de tabler sur une vaste opération d’investigation auprès des organismes bancaires allemands, destinée à dénoncer ceux qui entretiennent des relations financières avec les organisations du BDS. Car contrairement aux Etats-Unis, en Europe, les pressions exercées contre les campagnes de boycott sont quasiment au point mort.
Le lent réveil européen
« Les partisans de ces soi-disant boycotts sont un tas d’universitaires en chemises et pantalons de velours côtelé, qui n’ont pas réellement de poids sur le terrain », déclarait il y a un an Boris Johnson (nommé ministre britannique des Affaires étrangères en juillet 2016). Il ne parvenait alors pas à prendre la juste mesure de la nocivité de ces campagnes de boycott extrêmement bien organisées, à la fois dans son pays et sur le continent. Car les professeurs d’universités britanniques qu’il décrit ont été les pionniers du boycott d’Israël. Et aujourd’hui, les entreprises qui effectivement pénalisent l’Etat juif, proviennent majoritairement du Royaume-Uni et du Vieux Continent.
En mars dernier, la plus grande société de sécurité au monde, la GS4 britannique, annonçait ainsi vouloir se retirer d’Israël. Une victoire que le BDS s’est empressé de revendiquer. Mais fin juin, le magazine Tablet publiait un article d’Eugene Kontorovich, professeur à la faculté de droit de Northwestern (Chicago), dans lequel il écrivait : « Il se trouve que l’un des plus grands succès présumés du mouvement BDS est un échec colossal, que l’on doit à la nouvelle vague de lois anti-boycott adoptées par les Etats américains. Loin de boycotter Israël, le géant de la sécurité G4S prévoit de continuer à faire commerce avec l’Etat juif et d’y rester implanté indéfiniment. » C’est grâce à la loi anti-BDS adoptée par l’Illinois que le boycott d’Israël de G4S s’est vu contrarié. En effet, d’après Kontorovich, « l’Illinois a envoyé à la société un avis, lui expliquant qu’elle pourrait avoir à essuyer un désinvestissement de l’Etat et devoir renoncer à ses subventions. »
Les menaces fonctionnent. La preuve : le ministre israélien de la Sécurité publique a récemment annoncé une salve de mesures contre le BDS en Europe. Depuis cette mise en garde destinée au réseau bancaire européen, cinq institutions financières actives en France, Autriche et Allemagne ont fermé des comptes du BDS. Tout cela confirme que la guerre économique tous azimuts menée contre le BDS peut porter ses fruits.
BDS et le terrorisme
Pour les responsables de la lutte antiterroriste et les militants anti-BDS, l’urgence est d’identifier les organisations et les Etats islamiques radicaux qui alimentent les groupes BDS en liquidités, pour soutenir leurs activités sur le continent européen. Il convient ici de rappeler que le Hezbollah, désigné comme un soi-disant parti politique, est une organisation qui reste légale en Europe (sauf aux Pays-Bas). Dans son nouveau rapport paru en juin, le service de renseignement allemand révèle que la République fédérale abrite 950 membres et partisans du Hezbollah, ainsi que 300 membres actifs du Hamas.
Pour mieux comprendre le lien qui existe entre BDS et terrorisme, il convient de pointer les sources de financement du Hamas et du Hezbollah en Allemagne. « Exposition A », un événement culturel qui a eu lieu en avril au Centre autrichien-arabe, est révélateur de l’interaction entre le terrorisme et BDS. En effet, Leila Khaled, membre du Front populaire pour la Libération de la Palestine, organisation considérée comme terroriste aux Etats-Unis et en Europe, y a été invitée. Pour mémoire, Leila Khaled est tristement célèbre pour ses détournements d’avion, dont ceux des vols TWA 840 en 1969 et El Al 219 un an plus tard. Le centre culturel basé à Vienne soutient le BDS, et Leila Khaled s’est illustrée dans son discours en défendant le droit de tuer des civils israéliens. A la suite de cette apologie du terrorisme, la banque autrichienne Bawag a fermé le compte bancaire du centre en juin dernier.
BDS et l’Iran
Les exemples de liens entre financement du terrorisme et BDS abondent. Prenons celui du Centre islamique de Hambourg et sa Mosquée bleue. Selon le quotidien Hamburger Morgenpost, cette institution soutenue financièrement par Téhéran, a joué un rôle clé dans la marche pro-BDS qui a eu lieu en mars dernier à Berlin : 200 personnes, qui assistent régulièrement à des offices à la Mosquée bleue, ont participé à la manifestation, au cours de laquelle ils ont appelé à rayer Israël de la carte. A noter : le chef du Centre islamique de Hambourg (IZH), Reza Ramezani, est un fidèle disciple du guide suprême iranien Ali Khamenei.
La banque de Hambourg Sparkasse a ouvert un compte de l’IZH. Bien que l’Allemagne, et la plupart des pays européens, n’aient pas développé de service sophistiqué permettant la traque des financements du terrorisme, comme il en existe dans le département du Trésor américain, la République fédérale a toutefois été capable de mettre au jour cette source de financement. C’est possible, encore faut-il en avoir la volonté politique.
La France a elle eu recours à sa loi Lellouche anti-discrimination de 2003 pour combattre les campagnes BDS, ainsi qu’à l’application de solides sanctions pénales. En revanche, si des mesures juridiques anti-BDS coercitives sont appliquées aux Etats-Unis, dans l’Hexagone et dans les conseils municipaux britanniques, les politiciens allemands rechignent à avoir recours aux sanctions pour contrer le BDS.
L’Allemagne, sponsor du boycott
Les collectivités locales allemandes qui financent le mouvement BDS ne sont pas rares. Les villes de Munich et de Brême, pour ne citer qu’elles, permettent à des militants d’utiliser les locaux financés par la municipalité pour promouvoir leurs actions. Le centre Villa Ichon de Brême a ainsi fourni des locaux pour ses bureaux au groupe BDS local « Bremer Friedensforum , qui pousse au boycott de tous les produits israéliens.
En avril dernier, le conseil de la ville de Bayreuth a attribué un prix de 10 000 euros au groupe pro-BDS Code Pink pour son « travail sur la tolérance et sa contribution à l’humanité ». Code Pink a immédiatement annoncé qu’il utiliserait le montant du prix pour financer une conférence pro-BDS en Europe. Bayreuth est un cas d’école qui montre pourquoi la guerre économique contre le BDS, en Allemagne en particulier, et en Europe en général, est indispensable.
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