L’or bleu, ultime vecteur de paix ?

Israël, nouvelle superpuissance de l’eau, détient une clé importante de l’entente avec ses voisins

Yitzhak Rabin et le roi Hussein de Jordanie au bord de lac de Tibériade (photo credit: GPO)
Yitzhak Rabin et le roi Hussein de Jordanie au bord de lac de Tibériade
(photo credit: GPO)
La guerre de l’eau, ou l’autre face du conflit israélo-palestinien. La répartition inégale des ressources hydriques, les risques sanitaires, les frustrations des Palestiniens relatives à leur approvisionnement en eau, la supériorité technologique des Israéliens, le contrôle des sources naturelles, la surexploitation des nappes souterraines ou la pollution des rivières… autant de facteurs qui s’ajoutent aux conflits territoriaux et risquent, à terme, de conduire à une situation explosive, selon Gidon Bromberg. Cet expert hydrologue israélo-australien a exprimé ces craintes lors de la Journée mondiale de l’eau le 22 mars, devant des officiels américains chargés de la sécurité et de la coopération transfrontalière.
Mieux gérer les ressources
En tant que directeur d’Ecopeace, une ONG régionale implantée au Moyen-Orient consacrée à l’environnement, Gidon Bromberg sait parfaitement de quoi il parle. Avec des bureaux à Tel-Aviv, Bethléem et Amman, cette organisation unique en son genre réunit des experts israéliens, jordaniens et palestiniens pour réfléchir à l’avenir écologique de la région, et à une meilleure gestion des ressources en eau.
L’expert ne mâche pas ses mots et estime qu’il faut agir rapidement, au terme de quatre années consécutives de sécheresse, si l’on veut éviter une crise environnementale au Moyen-Orient. A l’en croire, la situation est grave et le temps est compté. Cependant, assure-t-il, grâce à sa technologie ultra-performante en matière de gestion des ressources hydriques, Israël a la capacité d’éviter une telle crise.
Dans la région, l’eau a toujours été appréhendée comme un bien rare et sacré. La problématique de ces ressources remonte à la nuit des temps, et a forgé la configuration de cette partie du monde, en influant sur les lieux d’installation des populations. A la période biblique, Abraham et Jacob ont quitté la terre d’Israël pour se rendre en Egypte où l’eau était plus abondante. Les puits et les conflits autour de leur possession sont très souvent mentionnés dans les Ecritures. Dans le Deutéronome, il est ainsi écrit que si les Israélites prient d’autres divinités, « la colère de Dieu rejaillira sur eux en fermant les cieux et il ne pleuvra plus ».
Le Moyen-Orient est une région considérée comme plutôt aride avec une répartition de l’eau très inégale. A Jérusalem où le niveau des précipitations est enregistré depuis 1848, les données montrent de grands écarts selon les époques. Au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, il est tombé dans la Ville sainte en moyenne 700 mm d’eau de pluie par an. Mais d’autres périodes ont été beaucoup plus sèches. Entre 1925 et 1935, le niveau a atteint 390 mm d’eau de pluie, un record à la baisse.
« Ces fluctuations sont typiques de la région, c’est pourquoi nous devons toujours conserver les excédents d’eau en prévision d’années plus sèches », explique le Pr Haïm Gvirtzman, ingénieur hydrologue de l’Université hébraïque de Jérusalem.
Une technologie enviée dans le monde entier
Cette année, Israël s’est préparé à un stress hydrique, mais grâce aux améliorations de sa gestion des ressources, et à une technologie ultra-performante de traitement de l’eau de mer, la population ne s’est pas rendu compte du déficit et n’a pas eu à se restreindre particulièrement. « Il y a dix ans, après une telle saison de sécheresse, nous aurions dû procéder à des ajustements et peut-être même imposer des coupures, mais aujourd’hui nous n’avons plus besoin de limiter l’usage de l’eau, même dans de tels cas », se félicite Haïm Gvirtzman. « Israël est véritablement devenu une superpuissance dans le domaine de l’eau », se réjouit-il. « Le pays ne craint plus les caprices de la météo et une pluviométrie paresseuse. Mais à Gaza, en Jordanie et en Judée-Samarie, la situation est beaucoup moins favorable. Ces trois régions sont marquées par la sécheresse, avec de graves conséquences sanitaires et environnementales. »
Lors de la création de l’Etat il y a près de 70 ans, les dirigeants avaient déjà compris que la question de l’eau était vitale pour attirer les nouveaux immigrants et pour la prospérité du pays. Eviter la fatalité de la sécheresse a donc toujours été prioritaire pour les Israéliens qui ont consacré recherches, études et financements à la résolution de ce problème. Un acharnement qui a finalement payé. Aujourd’hui, Israël sait maîtriser ses ressources en eau : il est ainsi devenu le champion mondial dans les techniques de dessalement, et dispose des installations les plus performantes au monde dans ce domaine. La technologie israélienne utilisée dans les usines de dessalement (osmose inversée) est exportée dans le monde entier, de la Californie à l’Afrique du Sud. Les cinq grandes usines installées sur le littoral israélien ont permis de libérer le pays des craintes d’une pénurie. 87 % de l’eau utilisée est recyclée et purifiée pour l’agriculture, un record.
A titre indicatif, Singapour, deuxième pays le plus performant en termes de traitement hydrique, recycle seulement 35 % de ses eaux usées quand les autres pays, même les plus développés, en traitent moins de 10 %.
Autre réussite de l’Etat juif, le système de micro-irrigation. Les agriculteurs en Israël n’utilisent pas seulement de l’eau recyclée, ils le font également avec parcimonie. Des systèmes d’irrigation ultra-performants de goutte à goutte dirigent directement l’eau vers les racines des plantes ; de cette façon, il n’est plus nécessaire d’arroser toute la surface des champs. La victoire technologique d’Israël sur la pénurie d’eau est un atout majeur pour le pays ; cependant, elle ne s’est pas encore traduite par une amélioration sur le plan politique, sécuritaire et environnemental.
L’eau et ses enjeux
L’eau détient un pouvoir politique indéniable. Tous les dirigeants rêvent de maîtriser leurs ressources hydriques et de rendre leur pays autosuffisant. On se souvient qu’en Libye, l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi avait, après son accession au pouvoir en 1969, lancé la construction d’un projet gigantesque, « La grande rivière artificielle » (Great Man-Made River), consistant à pomper les nappes aquifères situées sous le désert libyen pour les acheminer dans une grande rivière artificielle souterraine (réseau de 4 000 kilomètres de canalisations en ciment de 4 mètres de diamètre).
« Si le pétrole est un enjeu de guerre au XXe siècle, l’eau sera à l’origine des conflits au siècle prochain », avait prédit l’ancien vice-président de la Banque mondiale Ismail Serageldin, en 1995. Une crainte qui s’est malheureusement concrétisée récemment. Au Soudan, la guerre civile a été déclenchée par des conflits sur les ressources hydriques, et certains estiment que l’eau est également un des facteurs déclenchants du conflit en Syrie. La crainte d’une pénurie d’eau reste celle de la plupart des pays de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, et donc une source de tensions. Israël et ses voisins ne sont pas épargnés. La négociation sur le partage de l’eau entre la Jordanie et l’Etat juif a ainsi été un élément essentiel du traité de paix conclu entre les deux pays, ainsi que lors de la signature des accords d’Oslo avec l’Autorité palestinienne, au début des années 1990.
C’est à cette période que Gidon Bromberg a commencé à s’exprimer publiquement. Né à Tel-Aviv d’une mère israélienne et d’un père juif polonais, il a émigré avec sa famille en Australie où il a obtenu un diplôme universitaire en droit, avant de revenir en Israël pour se consacrer à la défense de l’environnement. Bromberg a été le premier avocat à exercer bénévolement dans le groupe de défense de l’environnement israélien Adam Teva V’din, tout en continuant à exercer son métier d’avocat international. Il a par la suite obtenu un master en droit de l’environnement à l’université américaine de Washington DC. Le sujet de sa thèse : « La paix est-elle favorable pour l’environnement ? » Une question toujours sans réponse du fait de la complexité des éléments et des situations en jeu.
Un des objectifs de Bromberg est de faire comprendre aux responsables politiques et économiques, la nécessité d’intégrer la problématique de l’environnement dans la conception de grands projets en considérant les dégâts potentiels résultant de mauvaises décisions. « Il y a un projet pour construire 50 000 nouvelles chambres d’hôtel autour de la mer Morte, et un autre pour créer une autoroute internationale qui serait reliée à l’Europe, deux projets qui vont à l’encontre de la préservation de l’environnement et qui sont en totale opposition avec les principes du développement durable », regrette-t-il.
Si aujourd’hui Bromberg est entendu et pris au sérieux, cela n’a pas toujours été le cas. Les débuts de la création de son ONG ont été laborieux. Les donateurs étaient réticents à financer un groupe de défense environnemental qui rassemblerait les différents pays du Moyen-Orient. Après avoir sollicité de nombreuses personnes et essuyé de multiples refus, un de ses interlocuteurs l’a finalement rappelé et lui a mis le marché en main. « Si vous réussissez à organiser une réunion avec les experts environnementaux de la région, je financerai votre projet », a dit ce dernier à l’expert hydraulique.
Et Gidon Bromberg a réussi. Un mois après la signature du traité de paix entre la Jordanie et Israël en 1994, Palestiniens, Jordaniens, Israéliens et Egyptiens se sont rencontrés à Taba pour s’entretenir de l’environnement.
L’intérêt commun régional
Les pays se sont accordés sur un consensus établissant que les enjeux environnementaux devaient être pris en compte lors des négociations de paix, afin d’éviter des développements industriels frénétiques, un accroissement de la pollution et le non-respect du principe de développement durable. C’est sur ces bases qu’est né Ecopeace.
Mais en 1998, alors que le processus de paix piétinait, les Egyptiens ont quitté l’ONG. « En 2005 nous abordions la septième année de sécheresse et une pénurie d’eau menaçait l’ensemble de la région. Les premiers touchés ont été les Palestiniens et les Jordaniens, mais des habitants en Israël ont également été affectés. Le niveau du lac de Tibériade a atteint de nouveaux records à la baisse, le Jourdain s’asséchait et de nombreuses sources naturelles s’épuisaient. A ce moment nous avons décidé que la question de l’eau deviendrait la priorité d’Ecopeace », explique Gidon Bromberg.
« Travailler avec tous les gouvernements est difficile », concède l’expert. « Chacun est préoccupé avant tout par son intérêt propre, personne n’est généreux. Notre objectif est de montrer à chacun de ces pays qu’ils ont un intérêt commun à veiller à la qualité de l’eau, et à procéder à un meilleur partage des ressources dans la région. Cependant ces messages sont difficiles à faire passer », regrette-t-il. « En attendant nous sommes tous perdants », constate l’expert. Il souligne la fait que que le système de gestion d’eau en Jordanie, en Judée-Samarie et à Gaza crée des dégâts irréversibles dans les nappes souterraines, en Méditerranée et dans la mer Morte, et que la situation sanitaire des Palestiniens va continuer de se détériorer, provoquant un regain de tension et des menaces sécuritaires pour Israël.
« Nous sommes dans une situation de crise dans la vallée du Jourdain où il n’y a pratiquement pas d’eau potable, tout comme à Gaza qui fait face à un grave déficit hydrique. En Jordanie également la situation est potentiellement explosive, d’autant plus avec l’arrivée de quelque deux millions de réfugiés syriens. Aujourd’hui en Judée-Samarie et en Jordanie la population ne dispose pas d’eau potable tous les jours, parfois seulement une fois par mois. A Gaza c’est encore pire », explique Gidon Bromberg.
Le système de canalisation déficient en Judée-Samarie et à Gaza contamine les sources et les rivières. Les égouts de Djénine polluent la rivière Kishon, les eaux usées de Baka al-Sharkiya se déversent dans la rivière Hadera, et celles de Tulkarem et de Naplouse se mêlent à la rivière Alexander. A Jérusalem-Est (sous autorité israélienne), les égouts se déversent dans la rivière Kidron et à Gaza, les eaux usées polluent le sous-sol et la mer. A deux reprises cette année, l’usine de dessalement d’Ashkelon a été fermée à cause de la pollution venant de l’enclave palestinienne. Gidon Bromberg souligne que certains dirigeants politiques israéliens profitent de cette situation en évoquant cyniquement une « Intifada des égouts », au lieu de s’atteler à surmonter ce problème.
« Grâce aux progrès technologiques, il y a un excédent d’eau en Israël. Nous pouvons dessaler 650 millions de mètres cubes par an, et ne sommes plus dépendants ni de la pluviométrie ni des réserves naturelles. Nous disposons par ailleurs d’un réseau de distribution d’eau performant. La question qui se pose désormais, est de savoir comment utiliser ces avancées technologiques pour progresser sur le plan diplomatique », relève le responsable d’Ecopeace.
Le cercle vicieux de la surexploitation
L’eau est un thème incontournable du conflit israélo-palestinien. Les questions du prélèvement des eaux et de l’accès aux ressources hydriques pour les Palestiniens ont été longuement discutées lors des accords d’Oslo. L’article 40 de ces derniers accorde, dans certaines limites, le contrôle à l’Autorité palestinienne du pompage et de l’exploitation de ses eaux souterraines. De nombreux points ont toutefois été laissés en suspens, et devaient être définis lors des négociations finales qui n’ont jamais eu lieu.
La répartition de l’eau est également très inégale au sein des territoires palestiniens, ce qui ajoute à la complexité de la situation. Certaines zones sont mieux loties comme Ramallah, qui profite de ressources plus abondantes et d’un système de canalisations mieux entretenu. Ses habitants sont ainsi favorisés par rapport à ceux de Naplouse, Djénine, Bethléem et Yatta, qui ne disposent que de 30 litres par personne et par jour, ce qui est très peu. A titre de comparaison, les Israéliens utilisent en moyenne 220 litres d’eau par personne et par jour, et les Californiens 500 litres.
Les Palestiniens sont en outre largement dépendants des Israéliens pour la distribution en eau. « La Judée-Samarie dispose seulement de ressources aquifères (formation géologique suffisamment poreuse qui contient des réserves en eau), ce qui est insuffisant par rapport aux besoins de sa population. L’accord actuel limite l’accès et la quantité que les Palestiniens peuvent pomper. Jusqu’à encore récemment, si vous vouliez changer une canalisation à Ramallah, vous aviez besoin de l’accord du Joint Water Committee (un comité mixte composé d’Israéliens et de Palestiniens). Mais de nouvelles négociations ont permis de simplifier le processus : désormais, l’autorisation d’Israël n’est plus nécessaire pour pomper l’eau dans les zones A et B (sous contrôle civil palestinien) », explique Bromberg.
Jawad Hasan Shoqeir, responsable du département des sciences hydrologiques à l’université palestinienne al-Qods de Jérusalem et membre de l’institut de recherche Arava (un centre d’études et d’expertise sur l’environnement installé dans le Néguev), estime que sans un accord sur les ressources en eau, la paix n’aura jamais lieu. Il affirme que lors des négociations d’Oslo, les Palestiniens manquaient d’informations afin d’évaluer leurs besoins en eau, et qu’ils étaient d’abord soucieux de progresser sur les autres sujets. « Selon ces accords, Israël doit distribuer à Gaza et en Cisjordanie 100 à 130 millions de mètres cubes d’eau par an. Cette quantité était raisonnable au moment de la signature en 1994, seulement les Palestiniens n’avaient pas pris en compte l’augmentation de leur population. Aujourd’hui nous sommes donc contraints d’acheter chaque année un complément de 50 à 55 millions de mètres cubes. Cette pénurie affecte nos capacités industrielles et notre agriculture », explique Jawad Hasan Shoqeir. Outre cette pénurie, l’eau est également détournée illégalement, ce qui cause des dégâts à l’ensemble du système. Shoqeir reproche aux Israéliens de ne rien faire pour améliorer la situation dans les territoires palestiniens. « Si les Palestiniens n’ont pas suffisamment d’eau, ils n’ont pas de travail, et si leur situation socio-économique continue de se dégrader, Israël va en souffrir. Il y a eu des gouvernements de droite et de gauche, et rien n’a changé. Nous avons besoin de trouver une solution globale », souligne-t-il.
Une situation potentiellement explosive
« La Cisjordanie est une bombe à retardement », poursuit Shoqeir. « L’Autorité palestinienne et les Israéliens pensent tout contrôler mais ils se trompent. C’est une cocotte-minute qui va exploser. Les Israéliens ont mis du temps à comprendre que les difficultés des Palestiniens à s’approvisionner en eau rejailliraient sur eux. Le jeu des accusations continue et sur le terrain la situation empire. Je ne dis pas qu’il est facile de se sortir de ce confit politique, mais il faut d’abord une volonté commune », explique le chercheur.
Sur le plan strictement sanitaire, le Dr Mahmoud Thaher, spécialiste de santé publique et responsable du bureau de l’OMS à Gaza, tire la sonnette d’alarme. « L’eau à Gaza est bien souvent contaminée. Les habitants en achètent auprès d’unités de dessalement privées qui ne sont pas contrôlées, et qui distribuent parfois de l’eau polluée. Le résultat est que les maladies infectieuses, les hépatites, les pathologies gastriques, etc. se développent. Si nous ne trouvons pas rapidement une solution en construisant par exemple une nouvelle usine de dessalement, les conséquences seront désastreuses », craint-il. Et de prévenir que les Israéliens seront également affectés, car les infections et les virus ne s’arrêtent pas aux frontières. « Au nord de la bande de Gaza, le virus de la polio est de nouveau actif en raison de mauvaises conditions sanitaires. Nous ne voulons voir une telle épidémie, ni à Gaza ni en Israël. Et que fait le Hamas ? », se demande ce médecin.
« Israël, l’Autorité palestinienne et le Hamas portent chacun une part de responsabilité. Les Israéliens doivent ouvrir les points de passage à Gaza pour permettre la construction d’un système de distribution d’eau plus performant. Nous comprenons les inquiétudes des Israéliens à propos de la sécurité, mais les droits des Palestiniens doivent être également respectés. L’AP doit développer ce système, fournir les services sanitaires adéquats et le gouvernement à Gaza doit collaborer et autoriser ces installations », ajoute-t-il.
Toutefois, les rivalités internes et les détournements d’eau compliquent la mise en place d’une solution, souligne un des dirigeants de la compagnie palestinienne de distribution d’eau, Rebhi El-Sheikh. « A Gaza notre capacité est limitée (55-60 millions de mètres cubes annuels). Ce qui veut dire que pour conserver la bonne qualité de l’eau, on ne devrait pas pomper d’eau au-delà de cette quantité. Mais la demande autant domestique qu’agricole et industrielle est largement supérieure, ce qui nous amène à en extraire 200 millions de mètres cubes par an. Les nappes souterraines et phréatiques sont donc surexploitées : c’est désormais de l’eau de mer qui coule dans notre sous-sol, explique l’officiel palestinien.
Si Israël a récemment consenti à augmenter ses livraisons d’eau à Gaza, selon El-Sheikh le problème n’est pas résolu pour autant. Il faut faire davantage pour éviter de continuer à puiser exagérément dans les ressources naturelles. « Nous avons élaboré des projets pour la construction de trois grandes usines de dessalement. La plus importante, financée par l’Union européenne, est déjà en activité, mais en raison des coupures d’électricité, elle ne fonctionne pas à sa pleine capacité », relate-t-il.
« Depuis que Gaza est sous blocus, les projets sont retardés. En 2012, une étude de l’ONU avait établi que des améliorations au niveau du réseau de distribution d’eau devaient intervenir rapidement, sans quoi tout le sous-sol de Gaza se trouverait pollué de manière irréversible en 2020. Nous nous approchons d’une catastrophe humanitaire et Israël doit s’en préoccuper », ajoute El-Sheikh.
Une répartition plus équitable
Bien évidemment, les Israéliens n’ont pas la même vision de la situation à Gaza. Selon le Pr Gvirtzman, les plaintes des Palestiniens sont largement exagérées. « Gaza et la Judée-Samarie ont suffisamment d’eau pour leur usage domestique », dit-il, accusant les Palestiniens de se lamenter sans cesse. « Ils veulent davantage d’eau pour l’agriculture, mais leur situation est satisfaisante. Israël est une superpuissance en termes d’eau et ses voisins en profitent. Les Palestiniens peuvent se plaindre autant qu’ils veulent, leur situation est bien meilleure que dans la plupart des pays d’Asie et d’Afrique, qu’en Iran, en Egypte et en Turquie par exemple », assure l’ingénieur israélien, ajoutant que les Palestiniens « disent tout simplement n’importe quoi ».
Il fait par ailleurs remarquer que ces derniers ne paient pas pour l’eau qu’ils consomment. « Les utilisateurs de ces ressources doivent payer, c’est la règle partout dans le monde. Mais il se trouve que Mekorot (Compagnie nationale des eaux d’Israël) est payée par le gouvernement israélien pour fournir de l’eau aux Palestiniens. L’AP devrait demander aux consommateurs de payer, ce qui leur permettrait notamment de rénover leur système d’égouts qui est digne d’un pays du tiers-monde. Ils créent une situation de crise et reprochent ensuite au monde entier de ne pas les aider », souligne-t-il.
Youval Steinitz, ministre des Infrastructures, de l’Energie et de l’Eau, est plus nuancé sur la question de la responsabilité que Gvirtzman. En septembre 2016, la compagnie publique Mekorot a proposé au gouvernement un plan à long terme  : selon celui-ci, les Israéliens devaient recevoir 100 mètres cubes d’eau par an et les Palestiniens 60. Steinitz a rejeté ce projet, estimant que la même quantité d’eau devait être distribuée aux deux populations, et qu’une telle discrimination violerait les conventions internationales. Le ministre aurait depuis demandé à Mekorot de préparer un autre plan. Pour éviter sans doute à une hypothétique paix, de se noyer dans un verre d’eau…
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