Recrutement sous haute surveillance

Intégrer l’unité de reconnaissance des blindés de Tsahal n’est pas chose aisée. Pour devenir les yeux et les oreilles de l’armée, seuls les meilleurs seront sélectionnés

Recrutement sous haute surveillance (photo credit: DR)
Recrutement sous haute surveillance
(photo credit: DR)
« Il y a une semaine et demie, ces hommes étaient de simples citoyens, pas des soldats. Maintenant, ils sont à l’armée et l’on peut voir à quel point ils sont prêts à se donner à fond », explique le lieutenant-colonel Itsik Raviv. Son uniforme vert, légèrement froissé et poussiéreux, luit au soleil du désert de l’après-midi, tandis qu’il scrute les 130 hommes en compétition pour intégrer l’unité d’élite Palsar, du corps de blindés de Tsahal.
Trois fois par an, cet avocat de Tel-Aviv, père de deux enfants, prend congé de son travail pour rejoindre cette base du fin fond du désert, afin de diriger trois jours d’entraînement intensif avec un groupe de réservistes qui partagent tous une même vision : faire en sorte qu’Israël reçoive les meilleures recrues possibles, appelées à devenir les yeux et les oreilles de son corps de blindés.
La 460e brigade blindée, autour de la base d’entraînement de Shizafon, est l’unité principale qui participe à leur formation. Cette base relativement nouvelle et moderne, est encombrée de chars, sur fond de désert aride, à moins d’une heure de route d’Eilat. En été, les températures extrêmes atteignent plus de 40 degrés, mais en hiver, elles tournent autour de 27.
Trois fois par an, le corps de blindés reçoit de nouveaux appelés.
Parmi ces jeunes de 18 ans, certains souhaitent s’enrôler dans l’unité de reconnaissance spéciale Palsar.
« Nous avons commencé hier et déjà 13 d’entre eux ont abandonné, pour des raisons diverses. La nuit dernière, ils ont fait des sprints et une randonnée de 3 km. Aujourd’hui les épreuves physiques ont véritablement commencé », explique Raviv, alors que nous passons la journée à observer les sélections ardues de l’unité.
Scrutés à la loupe
L’unité Palsar n’est pas une unité blindée traditionnelle. « Nous sommes une unité de reconnaissance, qui sort en tête des chars pour recueillir des informations sur le champ de bataille », précise l’un des réservistes.
Hézi, habitant de Neveh Tzouf en Judée-Samarie, qui a servi au sein de Palsar pendant près de trois ans, explique en quoi l’unité est unique. « Notre travail consiste à nous faufiler en territoire ennemi, derrière leurs lignes, à nous mettre en place dans une maison ou dans le feuillage et à camoufler notre position. Nous devons être totalement autonomes sur le terrain. Equipés de jumelles, nous travaillons en étroite collaboration avec les autres unités de l’armée israélienne et coordonnons le feu et les tirs d’artillerie. »
Les hommes en uniforme vert olive sont coiffés de chapeaux bleus tombants, pour protéger leurs visages du soleil. Chaque chapeau porte un numéro afin que les instructeurs puissent garder la trace des performances de chacun. Les tâches quotidiennes les plus simples sont analysées dans leurs moindres détails. Par exemple, les soldats doivent monter une tente de l’armée pour la première fois.
L’objectif n’est pas juste de voir s’ils peuvent y parvenir, mais s’ils sont capables de travailler en équipe.
« L’idée est de vérifier comment ils travaillent sous pression et dans des situations de stress intense. Et s’ils ont les capacités physiques suffisantes », explique Raviv. Cette unité est formée de soldats de toutes les tranches de la population d’Israël, remarque-t-il, aussi bien de kibboutznikim, que de moshavnikim, citadins et harédim.
Raviv est fier de ce mélange socio-économique. « Ce qui compte c’est l’uniforme : dès qu’ils l’ont sur le dos, ils sont tous pareils.
Peu importe d’où ils viennent, personne n’y accorde de l’importance. C’est leur motivation et leur objectif qui comptent. Quand on a devant soi 130 hommes venus de partout pour passer les sélections et que l’on voit un gars avec des péot (papillotes chez les religieux) assis côte à côte avec un autre totalement laïque, cela fait chaud au cœur. »
Nuages de poussière
Raviv occupe son poste actuel depuis quatre ans. La plupart de ses collègues réservistes, chacun avec le mot « Guide » imprimé sur sa chemise noire, pensent que leur expérience de dizaines d’années dans le corps des blindés leur donne un œil sûr pour distinguer les meilleurs hommes et détecter les plus aptes à intégrer l’unité.
Raviv a servi pendant l’opération Bordure protectrice à Gaza l’été dernier. Il a pu constater sur le terrain comment le processus de sélection s’est montré payant au niveau des hautes performances de l’unité. « Cela repose sur nos épaules. Si nous sélectionnons de mauvaises recrues, cela risque fort de se retourner contre nous », souligne-t-il.
Engagé au départ en 1994, il a servi dans la bande de Gaza durant l’opération Plomb durci en 2009. Puis a également été appelé lors de l’opération Pilier de défense en 2012. Il se souvient alors être resté assis à la frontière de Gaza, dans l’attente des ordres pour pénétrer dans la bande, ordres qui ne sont jamais venus.
Après avoir terminé les trois jours d’essai, les soldats sont interrogés individuellement par des formateurs du corps des blindés. Le résultat des entretiens est alors comparé aux notes obtenues lors des tests physiques et comportementaux. Au cours de la sélection finale, 36 seront retenus sur les 130 du départ.
Alors que le soleil baisse à l’horizon, les hommes sont conduits dans une grande vallée, en forme de U. La poussière est palpable dans l’air, tandis que se forment des groupes de 20 qui vont devoir remplir de terre des sacs en plastique. A eux, ensuite, de monter et descendre une colline avec ces sacs de 9 kg. Le but est de voir qui sera le plus rapide, et si certains vont échouer.
« Nous essayons de les désorienter au maximum, de façon à ce qu’ils ne sachent jamais ce qui les attend ensuite », explique un instructeur.
« Nous repérons vite qui a des qualités de leader naturel, au cours de ces exercices. Par exemple, quand ils construisent une tente, il est facile de repérer celui qui indique aux autres ce qu’ils doivent faire, celui qui organise l’équipement de manière efficace. »
L’entraide, clé du succès
Les évaluateurs plaisantent entre eux : « Pour nous, c’était plus difficile ». Le programme établi par Raviv, de faire appel à des réservistes compétents, vétérans de l’unité, pour conduire les essais, a prouvé son efficacité quant aux compétences des nouvelles recrues ces dernières années. Les réservistes – vendeurs d’assurance, avocats ou exerçant d’autres professions libérales dans le civil – semblent ici dans leur élément. Ils ont tous hâte de revenir trois fois par an prendre part à ce processus.
La plupart des hommes ont une étincelle dans le regard et montrent un intérêt presque adolescent à l’évocation du nouveau film de Brad Pitt, Fury, situé en 1945, qui suit une escouade d’hommes dans un tank Sherman. Mais les évaluateurs comme Hézi, qui ont servi pendant l’opération Bordure protectrice, notent que les défis auxquels ils sont confrontés aujourd’hui sont différents de ceux de la Seconde Guerre mondiale.
Il décrit comment chacune des deux unités Palsar, l’une liée à la 7e brigade blindée et l’autre à la 401e brigade, est composée de 50 à 60 combattants et compte également 40 hommes en cours de qualification ainsi que des mécaniciens et du personnel de communication.
Les essais marquent juste le début de plus d’une année d’entraînement pour ces hommes, avant d’être pleinement acceptés comme « combattants » dans cette unité de reconnaissance.
« Nous voulons voir comment ils s’entraident », souligne Hézi, tandis que les conscrits sont occupés à creuser des tranchées dans le dur sable du désert. « Est-ce que l’un soutient l’autre lorsque celui qui creuse montre des signes de fatigue ? »
Plus tard, l’instructeur demande aux stagiaires potentiels d’essayer de dormir, recroquevillés en position fœtale, dans les petits trous qu’ils ont creusés. « Un homme ne peut pas survivre seul. Pendant la guerre, chacun doit aider l’autre – et c’est ce que nous recherchons. »
Hommes du collectif
Pour la plupart des hommes interrogés, y compris les réservistes, entrer dans une unité spéciale est quelque chose dont ils rêvaient depuis leur plus jeune âge. Ils viennent tous de communautés où tout le monde a fait partie d’unités combattantes ou de forces spéciales.
Un stagiaire nommé Nadav, le visage maculé de poussière et de sueur, souhaitait faire cela depuis des années. « C’est mieux que de rester assis dans un tank. Je viens d’un moshav du Nord où nous intégrons seulement les meilleures unités. »
Croit-il qu’il va passer la sélection ? « C’est difficile, les tests cognitifs étaient durs, mais je pense avoir une bonne chance de réussir. Je crois aux qualités du travail en équipe, et je n’abandonnerai jamais. »
Raviv insiste sur les origines diverses des membres de l’unité. A l’origine pourtant, Palsar et le corps blindé comptaient beaucoup de soldats issus du milieu des kibboutzim et moshavim. C’est seulement récemment que l’unité a commencé à attirer des soldats sionistes religieux.
Un autre instructeur, German, d’Afoula, visait initialement l’armée de l’air en 2011. Mais après avoir échoué aux tests d’admission, il a été transféré à la reconnaissance dans les blindés.
« L’entraînement a été dur, mais il nous a préparés à cette récente guerre. Personne n’a été tué dans notre unité Palsar, même si nous avons eu un blessé. Tout s’est passé exactement comme prévu. »
Il décrit leur présence à Gaza et les combats auxquels ils se sont trouvés confrontés. En observant la vallée couverte de jeunes hommes épuisés dans le soleil couchant, il se souvient : « Je n’ai jamais pensé me sentir proche des hommes de mon unité, mais cette dernière guerre nous a fortement liés et c’est bien là la question essentielle. »
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