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Les pierres de Lakish n’ont pas fini de révéler leurs secrets. Dans ces ruines se cache l’histoire de douloureux combats

L'ancien puits de Lakish (photo credit: SHMUEL BAR-AM)
L'ancien puits de Lakish
(photo credit: SHMUEL BAR-AM)
Lorsque Jérémie, Daniel et d’autres personnages bibliques mentionnent une rampe d’assaut, de quoi parlent-ils ? Où le roi David était-il assis lorsqu’il attendait des nouvelles de son fils rebelle Absalom ? Et pourquoi, dans une lettre à son commandant, un officier déplore-t-il le fait qu’il n’y a aucun signe de la forteresse d’Azeka ?
Le meilleur moyen pour appréhender l’histoire biblique et répondre à toutes ces questions est incontestablement de se rendre sur place, à l’endroit même où se sont déroulés les événements : à Lakish.
Avant de prendre la route, il est important de savoir qu’il n’y a pas grand-chose à voir sur la colline elle-même. La majeure partie du site doit encore être mise au jour par les archéologues. Mais l’état actuel des fouilles, avec ses quelques restaurations, est à la fois passionnant et émouvant. Une simple visite à Lakish permet non seulement de clarifier des centaines de passages bibliques, mais également de toucher du doigt le lieu même où les archéologues ont découvert plus d’une douzaine de lettres écrites dans les dernières années de l’existence de la ville antique.
Lakish est aujourd’hui un parc national, appelé à devenir un site plus officiel. Mais pour le moment il n’y a ni heures de visite fixes, ni frais d’entrée, ni toilettes. La colline est, en outre, envahie de feuillages et de belles fleurs sauvages. Le premier à arriver le matin ouvre la barrière.
La double chute de Lakish
Josué conquiert Lakish après que son roi cananéen se soit allié à quatre autres monarques pour attaquer un allié d’Israël. Désertée pendant plusieurs centaines d’années, la ville est reconstruite après la mort du roi Salomon, et la division de son empire en deux parties – Israël et le royaume de Juda.
Son emplacement est stratégique, car elle surplombe les routes qui mènent de la côte et des plaines à l’intérieur du pays. Les rois de Judée ont donc fortifié Lakish en l’entourant de solides remparts et de formidables murailles, y ont érigé un palais pour le gouverneur du district appointé par le roi et ajouté des quartiers pour une grande compagnie de soldats. La ville a été tellement bien fortifiée que, lorsqu’une rébellion éclate à Jérusalem, le roi Amatsia trouve refuge à Lakish (II Rois XIV, 19).
Un demi-siècle plus tard, le roi Ezéchias refuse de payer son tribut annuel au monarque assyrien Sennachérib, souverain de tout l’ancien Orient. L’Assyrie avait déjà conquis le royaume du Nord d’Israël et exilé sa population plusieurs décennies auparavant. En 701 avant notre ère, l’impressionnante armée assyrienne s’empare donc de la ville judéenne de Lakish. Sennachérib aurait bien voulu, dans la foulée, prendre également Jérusalem, mais les excellentes fortifications du roi Ezéchias – et la main de Dieu – lui rendent la tâche impossible.
Les habitants de Lakish sont alors sortis des décombres et emmenés en captivité, un départ tragique de leurs maisons que les artistes de Sennachérib représentent en détail sur des bas-reliefs d’albâtre.
A l’ombre des arbres au pied de la colline, on peut se faire une idée de ce qui s’est passé en ce lieu historique. Regardez d’abord derrière vous, du côté du moshav : en 701 et en 586 avant notre ère, c’est ici que les armées les plus puissantes du monde ont établi leur camp. Et c’est de là qu’ils ont assiégé la ville (« Plus tard, quand Sennachérib, roi d’Assyrie et toutes ses armées assiégeaient Lakish… » II Chroniques XXXII, 9). Sennachérib avait divisé son immense armée entre Jérusalem et Lakish. Il est vraisemblablement resté avec les forces stationnées ici, derrière vous, et a pris part à la bataille pour s’emparer de la ville.
Lakish sera finalement reconstruite, non pas dans son ancienne grandeur, mais atteindra toutefois le même niveau d’importance qu’avant. Puis, en 586 avant notre ère, le royaume de Juda est de nouveau attaqué, cette fois par la puissante armée babylonienne de Nabuchodonosor II. Les villes tombent les unes après les autres aux mains des Babyloniens : Lakish et Jérusalem sont du nombre.
Aux portes de la ville
Lakish était entourée sur trois côtés par des rivières et de profonds ravins, ce qui rendait l’attaque de la ville difficile. Malheureusement, il n’y avait pas d’obstacles naturels sur son quatrième flan, le coin sud-est, depuis lequel les Assyriens, puis les Babyloniens ont donné l’assaut.
La seule rampe d’assaut assyrienne (incontestée) découverte à ce jour en Israël, couvre une grande partie de la colline de haut en bas. Elle est composée de plus de 15 000 tonnes de pierres ramassées sur le terrain qui entoure la ville et « collées » à la colline à l’aide de mortier. C’est à ce genre de rampe de siège que Jérémie fait allusion quand, au verset VI, 6, il cite le Seigneur en disant : « coupe les arbres et construit des rampes de siège contre Jérusalem ».
Avez-vous remarqué que des pierres manquent à la rampe ? James Starkey, le premier archéologue à creuser sur le site, n’avait aucune idée de ce qu’il avait trouvé. Il a simplement enlevé certaines pierres. Starkey n’aura pas l’occasion de publier ses conclusions. En route pour l’inauguration du musée Rockefeller, le 10 janvier 1938, il est assassiné par des agresseurs arabes.
Voyez-vous que l’entrée de la ville a été construite en angle ? On en franchit le seuil avec l’entrée sur la droite. La raison en est simple : s’il est droitier, un soldat ennemi qui s’apprêterait à attaquer, aurait du mal à sortir son arme.
Le mot « porte » est mentionné plus de 300 fois dans la Bible. A l’époque, une porte n’était pas juste une entrée comme aujourd’hui. Les mots « porte » et « porte de la ville », dans la Bible, représentent un complexe formé de deux entrées fortifiées séparées par une cour. L’entrée extérieure se trouvait en dehors des murs de la ville, flanquée de tours massives. L’accès à la ville elle-même se faisait à travers un passage entre de hautes tours et d’épaisses murailles.
Après l’entrée extérieure, on se retrouve dans une très grande cour. C’est là que les magistrats de l’époque biblique, les prophètes et les « anciens de la ville » s’installaient pour juger, prophétiser ou tout simplement bavarder. « Ceux qui siègent aux portes parlent de moi », lit-on dans les Psaumes (LXIX, 13). Et dans la Meguilat Ruth (IV, 1), on apprend que Boaz « monta à la porte, et siégea là-bas ».
Les lettres de Lakish
Avant de franchir le seuil, entrez dans une petite pièce – probablement à l’intérieur d’une tour – sur votre droite. L’endroit est connu comme la « Chambre des lettres ». Starkey y a découvert des documents datant de l’époque biblique : 22 fragments de vases d’argile portant des inscriptions en hébreu ancien. 18 d’entre eux sont aujourd’hui exposés au British Museum, 5 au musée Rockefeller et un seul figure au sein de l’exposition Les rives de Babylone au musée des Pays de la Bible.
Les « Lettres de Lakish » ont été composées juste avant, et peut-être même pendant l’assaut final de Babylone sur la Judée. La plupart des villes de Juda étaient déjà tombées devant l’armée babylonienne et, selon Jérémie (XXXIV, 6), en dehors de Jérusalem, Lakish et Azeka sont les seules villes fortifiées à être restées debout.
Un messager spécial arrive alors. Imaginez Yaosh, le commandant de l’armée de Lakish, debout ici près de la porte. Un soldat lui tend une missive d’Hoshaiah, officier d’une base proche. On y lit : « … Et que mon seigneur sache que nous suivons les signaux de feu (massouot) de Lakish… car nous ne pouvons pas voir [ou il n’y a aucun signe d’]Azeka ».
Imaginez la réaction de Yaosh. Qu’est ce que cela signifie ? Pourquoi n’y a-t-il pas de signal ? Azeka a-t-elle fini par tomber devant l’ennemi ? Lakish sera-t-elle la prochaine à devoir se rendre ?
Pénétrez dans la ville et regardez à gauche. Aux temps anciens, chaque culture possédait son agencement propre pour les portes de la ville. Les Israélites construisaient leurs portes avec des salles de garde de chaque côté. Parfois, celles-ci comptaient quatre cellules, mais le plus souvent elles en avaient six, comme décrit dans Ezéchiel XL, 21 : « Et les alcôves de la porte étaient trois sur ce côté et trois de l’autre ».
Après avoir examiné les trois cellules encore debout, suivez le chemin vers une légère pente rocailleuse sur votre droite. Grimpez jusqu’au sommet. Regardez les rochers autour de vous. Alors que la terrible armée assyrienne s’affaire à l’édification de sa rampe d’assaut en contrebas, préparant une « route » afin que les béliers puissent atteindre le sommet, les habitants de la ville assiégée, pris de panique, se mettent à construire leur propre rampe.
Hommes, femmes et enfants quittent les faubourgs de la ville pour rejoindre en son centre les soldats et les familles qui résident à l’intérieur des murs. Ensemble, ils creusent le sol et extraient des pierres pour fabriquer une rampe plus haute que celle de l’ennemi. Leur contre-rampe, une arme défensive inconnue partout ailleurs dans le monde, est en effet plus haute et presque deux fois plus large que celle des Assyriens. Néanmoins, elle n’empêchera pas la conquête de la ville.
L’acropole, la dent et le puits
Profitez de la vue panoramique, puis descendez sur le chemin. Devant vous se dresse une immense plate-forme que les archéologues appellent l’acropole de la ville, un terme emprunté aux Grecs qui s’installeront plus tard dans la région.
L’acropole de Lakish est la plus importante découverte faite à ce jour en Judée. Elle comprenait un palais fortifié qui abritait le gouverneur nommé par le roi, des casernes pour les soldats, une salle d’archives, des écuries, des chariots et des entrepôts.
Admirez la beauté symétrique de sa construction, puis gravissez les marches qui mènent au sommet. Observez les champs fertiles dans la vallée. Car la plupart des habitants de Lakish étaient des agriculteurs et vivaient à l’extérieur de la ville. Qui vivait donc à l’intérieur des murs ? Probablement l’élite : officiers de l’armée, propriétaires d’échoppes, greffiers, juges, scribes et prêtres.
Traversez le sommet de l’acropole, depuis laquelle vous avez une vue extraordinaire des portes de la ville, et descendez en suivant le sentier. Au bout de quelques instants, vous apercevrez une structure de pierres en saillie sur le côté de la colline, sur votre gauche. C’est l’une des nombreuses « dents » destinées, tels des renforts, à empêcher l’effondrement des murs de la ville. Sous les pierres, une nouvelle butte : lors de ses fouilles, Starkey jetait les débris en contrebas.
A la fourche, prenez à gauche. Vous avez choisi le « long chemin ». Vous y découvrirez de nouvelles fouilles près du mur de la ville, qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Puis, en face du seul jujubier de la colline, quelques marches mènent à un puits tapissé de pierres. Vieux de quelques milliers d’années, avec ses 44 mètres de profondeur, c’est à ce jour le seul point d’eau découvert sur le site.
Montez et continuez le long du sentier. Au bout, tournez à gauche et regagnez votre véhicule.
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