La femme aux 1 000 buts

Celle qui est membre du club de l’Assa Tel-Aviv peut cependant se targuer de 1 000 buts à son actif

foot (photo credit: silvi jean)
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(photo credit: silvi jean)

Elle est la meilleure joueuse de football du pays. En inscrivant son 1 000e but, Silvi Jean a rejoint le rang des plus grandssportifs, à l’instar des célèbres brésiliens Pelé et Romario. “Je suistellement heureuse !”, confiait la star du ballon rond le mois dernier. “C’estun moment incroyable, dont j’ai rêvé depuis que j’ai commencé à jouer”.

A l’issue du match qui lui a permis d’atteindre son objectif, Jean déborded’enthousiasme et d’adrénaline.
Après avoir marqué son but épique, elle retire son T-shirt, pour en révéler unautre en dessous, avec les mots imprimés : “Mille mercis Dieu”.
“C’est un sentiment merveilleux ! J’ai désormais accompli tout ce que jem’étais fixé”, s’est exclamée la sportive resplendissante. Avant la rencontre,elle avait clairement annoncé sa volonté d’atteindre les 1 000 buts.
Et de rappeler que, lorsqu’elle avait temporairement quitté le football, quatreans plus tôt, elle en avait déjà cumulé 844. A son retour sur le terrain en2009, elle a pris sur elle d’accomplir ce que seuls quelques tireurs dans lemonde avaient réussi avant elle.
Silvi Jean a aujourd’hui 38 ans. Née à Netanya, elle est la plus jeune dequatre enfants. Très tôt, elle dévoile un véritable talent pour le jeu que sesformateurs et entraîneurs remarquent rapidement. Il n’existe cependant àl’époque aucun groupe de football féminin. La petite fille ne peut s’exercerqu’à l’école et pendant son temps libre.
Son entraîneur, Alon Shrayer, ne baisse pas les bras pour autant. Il refuse queles compétences de Jean ne se perdent. Il a repéré la qualité de son jeu àl’école et l’invite à rejoindre l’équipe de garçons. Mais une jeune fille n’estpas autorisée à jouer dans une ligue, et cette offre ne peut donc pas la menertrès loin.
Finalement, Shrayer dirige Jean vers la Norvège, qui compte la meilleure liguede football féminine du moment. A 22 ans, l’Israélienne joueprofessionnellement pour la première fois. Et pendant quatre ans, elle seperfectionne, jusqu’à devenir la reine des buts que l’on connaît aujourd’hui.
Sa vie norvégienne reste un excellent souvenir, qu’elle se remémore en destermes positifs. Sa carrière, comparée à celle qu’elle a connue en Israëldepuis, était beaucoup plus professionnelle, les conditions pour les femmesétaient meilleures et l’ensemble des joueurs recevaient plus d’encouragementset d’attention de la part des médias. “Si je vivais dans un autre pays, onaurait déroulé le tapis rouge pour mon 1 000e but”, remarque-t-elle enplaisantant à moitié de la situation.
Un défi à l’israélienne

C’est en apprenant la grave maladie de son père queJean refait ses valises.

La joueuse rentre à la maison, où son géniteur décède peu après. Sa mère étaitmorte quelques années plus tôt, avant son départ pour la Norvège. Une douleurtelle qui explique aussi son désir d’évasion et son besoin de s’éloigner unmoment.
Mais après le décès de son père, Jean prend le parti de ne plus quitter le paysde nouveau, en dépit des offres alléchantes des Etats-Unis, de la Suède et del’Allemagne qui l’appellent à rejoindre leurs équipes respectives. Elle reprendsa carrière de footballeuse dans l’Hapoël de Tel-Aviv, où elle reste trois ans.C’est là qu’elle remporte le “double”, soit le championnat de la Ligue et lacoupe nationale la même année. Elle rejoint ensuite le Maccabi Holon, qui setransforme d’une “équipe moyenne” en “équipe gagnante”, en l’espace de cinqans, et remporte le “double” une année, et le championnat la suivante.
En 2007, la sportive décide de raccrocher ses baskets.
“Je m’ennuyais, je n’avais plus de défis à relever”, explique-t-elle.
“J’avais gagné des trophées et des coupes, j’avais tout ce que je voulais.”
Pendant deux ans, Jean prend du temps pour elle-même et se plaît à coacherl’équipe féminine de l’Assa Tel-Aviv.
Les joueuses n’avaient pas remporté de championnat ou de coupe nationale depuisdes années et se contentaient de la deuxième place. Jean leur propose son aide: un nouveau challenge prend forme pour l’infatigable footballeuse. Depuis,l’équipe a remporté le “double” et un autre championnat.
Bien dans ses baskets

Si au début de sa carrière, les femmes étaient absentesdes terrains, Israël a, depuis, parcouru un long chemin. La star du ballon ronden convient, mais note que l’évolution positive s’est pourtant infléchie cesderniers temps. “Les groupes devraient être davantage ouverts aux filles, àl’école et dans les ligues. Les joueuses devraient être davantage encouragées àjouer. Il y en a certes quelques-unes de bon niveau, mais cela ne suffit pas”,souligne-t-elle.

“Ma génération vieillit, une nouvelle arrive, et c’est à elle de prendre lerelais.” Deux raisons expliquent, selon elle, la pénurie de filles qui guetteles terrains. “Toutes les mères ne souhaitent pas voir leurs filles jouer aufootball.
Parfois les fillettes le voudraient, mais elles sont freinées dans leur élanpar leurs parents.”
“En outre, poursuit-elle, de nombreuses jeunes filles préfèrent courir lesgarçons et privilégient leur vie sociale.
Tout le monde ne peut pas renoncer à ces choses-là”, reconnaît-elle ensouriant. “Le football occupe beaucoup de place dans une vie.”
Mais Jean aime son sport, a priori masculin, depuis sa plus tendre enfance.Elle a beaucoup sacrifié pour sa passion. “C’est un grand amour dans ma vie, etje savoure chaque minute”, fait-elle valoir.
Etre une superstar féminine nationale ne lui est toutefois pas monté à la tête.Jean s’enthousiasme toujours autant et ne semble pas blasée par l’idéed’entraîner un groupe de joueuses, quels que soient leur âge ou leur niveau.Elle apprécie, au contraire, voir des filles profiter des bienfaits du sport etpercevoir le football comme un divertissement, sans subir la pression et lacompétitivité engendrées par le monde professionnel. Son plaisir ? Distribuerdes conseils, et transmettre ce qu’elle a acquis au fil des années.