A gauche, rien de nouveau

La “question juive/israélienne”, en général sujet de prédilection dans le débat public en France, est demeurée relativement peu présente dans la campagne présidentielle

Francois Hollande (photo credit: Reuters)
Francois Hollande
(photo credit: Reuters)
Cette fois, le thème de préoccupation majeur des affaires étrangères n’est autre que “La crise”, étroitement liée aux impératifs économiques et sociaux de l’Hexagone : la globalisation, l’Europe, la dette, les incertitudes quant à l’avenir de la zone euro... On pourrait donc parler d’Affaires étrangères/intérieures.
Certes, il y a eu en mars l’affaire de Toulouse et avec elle, l’intrusion dans la campagne des termes sécurité, terrorisme, immigration, identité. Mais seule la candidate du Front National Marine Le Pen en a rappelé l’existence, mardi, dans son meeting final au Zénith de Paris, où elle s’est prononcée contre “la politique d’immigration massive pratiquée par tous les présidents de la République depuis Giscard d’Estaing (1974-1981), qui a permis l’installation sur notre territoire en 35 ans de 15 millions d’étrangers dont 12 millions d’extra-Européens”.
Devant un océan de drapeaux bleu-blanc-rouge, elle a harangué la foule de milliers d’adhérents en extase : “C’est parce que vous êtes chez vous que vous avez le droit de ne pas vouloir de ces Franco- Algériens comme Merah”. Prenant la parole peu avant elle, son président de comité de soutien, Me Gilbert Collard, avait dit : “Il faut que des malheureux Musulmans et Juifs soient tués pour qu’on se rende compte qu’il y a des terroristes en France”.
Sur la question israélo-arabe, Marine Le Pen a déclaré durant la campagne : “Si nous soutenons la formation d’un Etat palestinien, il n’en demeure pas moins qu’Israël doit être assuré d’une existence indiscutable et d’une sécurité garantie”.
Mais en règle générale, les candidats se sont maintenus à la position traditionnelle de leurs partis respectifs quant au conflit israélo-palestinien.
Le président sortant et candidat de l’UMP Nicolas Sarkozy a, lui, promis le 6 mars sur France 2 que s’il était réélu, il mettrait en place une initiative de la France et de “toute l’Europe” pour la paix, et que sa première visite à l’étranger de chef d’Etat serait réservée à notre région.
Pour rappel : en septembre 2011, il avait défendu à l’ONU “la reconnaissance mutuelle de deux Etatsnations pour deux peuples, établis sur la base des lignes de 1967 avec des échanges de territoires agréés et équivalents”. Et pour y arriver, il plaide aujourd’hui un “changement de méthode, (...) une relance rapide, crédible de la négociation, avec un calendrier précis, un mécanisme de suivi”.
Généralement perçu comme un ami d’Israël, le président, qui s’en est encore pris vendredi à Saint- Maurice, dans le val de Marne, à “la pensée unique”, avait malgré tout surpris, en octobre dernier, en soutenant l’adhésion de la Palestine à l’Unesco.
La Gauche, fidèle à elle-même
De l’autre côté, son challenger et candidat du parti socialiste François Hollande, favori des sondages, s’engage à prendre des initiatives pour favoriser, par de nouvelles négociations, la paix et la sécurité entre Israël et la Palestine”. “Je soutiendrai la reconnaissance internationale de l’Etat palestinien”, promet-il. Le Bureau national du PS avait d’ailleurs réaffirmé sa position en faveur de la reconnaissance mutuelle de deux Etats.
Au centre, l’engagement de François Bayrou envers Israël et la paix au Proche-Orient est bien connu, mais là où les problèmes commencent, c’est bien à gauche, à l’extrême gauche, où l’engagement est tout aussi ferme, mais cette fois en faveur du camp palestinien.
“Et la mer est la même mer”, disait l’ancien Premier ministre israélien Itzhak Shamir. Le paraphrasant volontiers, on pourrait dire : “la gauche est la même gauche”, et elle demeure concernée principalement par les Palestiniens et le sens que ceux-ci donnent à l’idée de la paix.
Ancien du PS et mitterrandiste inconditionnel, Jean-Luc Mélenchon, du Front de gauche, n’abonde probablement pas dans ce sens, et jeudi soir, dans sa finale du Parc des Expositions à la porte de Vincennes, il n’a pas dit mot sur la question, face à quelques dizaines de milliers de militants brandissant un nombre impressionnant de drapeaux rouges.
Normal, direz-vous, pour une formation qui comprend essentiellement les communistes du vieux PCF (parti communiste français), des anti-israéliens de toujours.
Le Front de Gauche, Europe Ecologie-Les Verts d’Eva Joly et le nouveau parti anti-capitaliste de Philippe Poutou (successeur d’un anti-israélien féroce, Olivier Besancenot, et l’héritier du fondateur historique, le Juif trotskyste Alain Krivine) prônent avant tout la “reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France et par l’UE”.
Quant au candidat Nicolas Dupont-Aignan, il se soucie, lui, du sort de Jérusalem : “Une fois de plus, la France devrait rappeler la base des résolutions de l’ONU, le droit d’Israël à vivre en sécurité et en paix, le droit des Palestiniens d’avoir un Etat qui corresponde à leur peuple et à leur nation, un compromis enfin sur Jérusalem qui appartient à l’humanité tout entière.”
Et le plus “petit” des candidats, qui n’espère que 0,5 % des voix, Jacques Cheminade, lui, se contente de mettre en doute le 11 septembre 2001...
Contre l’identification avec l’Etat hébreu
En clair, il existe une variable immuable, aujourd’hui encore : la gauche persiste et “signe”, dans son identification contre l’Etat hébreu.
La candidate franco-norvégienne Eva Joly, que le directeur du Point Franz Olivier-Giesbert n’hésite pas à qualifier d’“erreur de casting” pour expliquer son très faible score dans les pronostics (1 à 2 %), se rapproche de Nathalie Arthaud, tête de file de Lutte Ouvrière (un autre mouvement se référant de la 3e Internationale), qui compare les territoires palestiniens, en particulier Gaza, à des “camps de concentration à ciel ouvert” : “Les camps de concentration ne sont pas une spécialité de l’Allemagne nazie... Camps de concentration et prison à ciel ouvert, c’est synonyme. C’est une catastrophe ce qui se passe à Gaza”.
Pour éviter la polémique, Eva Joly a elle tenté d’atténuer ses propos : “A aucun moment je n’ai envisagé de comparer une situation actuelle dans le monde, à l’horreur de la Shoah et des camps d’extermination lors de la Seconde Guerre mondiale. Se battre pour le droit des Palestiniens, ce n’est pas tomber dans l’outrance”.
Le 8 janvier 2009 déjà, on pouvait entendre Jean-Marie Le Pen du Front National et père de Marine, déclarer sur TF1 à propos de Plomb durci : “L’opération militaire... contre une population civile concentrée dans ce qui est un véritable ghetto, un véritable camp de concentration, me paraît choquante.
Il n’y a pas monopole des camps de concentration... C’est, en Afrique du Sud, les Anglais qui ont fait les premiers”. Une certaine frange de la France semble avoir définitivement oublié le passé.