Vers une 3e intifada ?

Jérusalem, à feu et à sang, semble devenue le nouvel épicentre du conflit israélo-palestinien. Intifada ou guerre de religion ?

« Une culture de la haine et du djihad contre les juifs » (photo credit: MARC ISRAEL SELLEM)
« Une culture de la haine et du djihad contre les juifs »
(photo credit: MARC ISRAEL SELLEM)
Les troubles de ces derniers jours à Jérusalem semblent spontanés. Ce serait l’attentat commis par Abdel Rahmane Al-Shalodi, qui a lancé sa voiture sur un arrêt du tramway de Jérusalem, blessant 7 Israéliens et tuant un bébé de 3 mois, Haya Zissel Braun, et une jeune Equatorienne de 20 ans qui aurait mis le feu aux poudres. Le terroriste, reconnu pour être un membre du Hamas, a été abattu alors qu’il tentait de prendre la fuite. Depuis, des heurts, qualifiés de « mouvements de résistance », ont éclaté entre Palestiniens et forces de l’ordre dans plusieurs quartiers de Jérusalem-Est notamment Issawiya ; des dizaines de Palestiniens ont bloqué une route dans le quartier d’Abou Tor. A Silwan, ces émeutes ont été ensanglantées par la mort de Orwa Hammad, un Américano-Palestinien tué par les forces de police israéliennes lors des affrontements.
Nouvelle intifada ou émeutes urbaines ? Ces troubles ne seraient-ils pas que la partie émergée d’une guerre que se livrent le Fatah et le Hamas avec en toile de fond des œillades appuyées aux dollars qataris. Sans oublier que le Moyen-Orient est en proie à une guerre de pouvoir entre l’Etat islamique et les sunnites modérés. Le conflit israélo-palestinien ne serait donc plus qu’un épiphénomène instrumentalisé à des fins politiques dans une lutte pour l’hégémonie régionale et le djihad ? Pour l’heure, des centaines de policiers ont été déployés dans la capitale pour procéder à des arrestations et tenter de restaurer le calme.
Nombre d’ONG voient volontiers les frustrations de la population arabe israélienne, la pauvreté et le chômage, comme étant à l’origine des tensions. « La pauvreté n’est pas un argument », rétorque Manfred Gerstenfeld, membre du conseil d’administration du Aentre des affaires publiques de Jérusalem. « La pauvreté dans ces populations est un problème lié à la corruption qui est la norme au sein de ces sociétés ; les richesses sont concentrées dans quelques mains qui laissent la population largement démunie », insiste-t-il.
Intifada
ou délinquance urbaine
« Les Palestiniens avaient planifié la 2e intifida au plus haut niveau. Arafat n’attendait que l’occasion de la déclencher, occasion qui s’est présentée avec Ariel Sharon, lorsqu’il s’est rendu sur le mont du Temple », rappelle Manfred Gerstenfeld. « L’incompétence du gouvernement israélien leur avait permis de faire croire qu’elle était spontanée. Il n’en était rien. Aujourd’hui, la situation est plus complexe et changeante. Mais il ne s’agit pas d’une décision stratégique. Majoritairement, la population de Jérusalem veut la tranquillité. D’ailleurs, ces 5 dernières années nous avons été tranquilles. »
Pour Bassem Eid, militant pour les droits de l’homme et analyste politique spécialisé en politique intérieure israélienne, il ne s’agit pas d’une intifada non plus. Il témoigne de ce que nombre de citoyens arabes israéliens, habitants de ces quartiers, ont appelé les autorités à faire cesser ces violences. « Je pense que les émeutiers ne sont pas descendus dans les rues pour des raisons nationalistes, mais plutôt pour s’en prendre aux autorités israéliennes, la police bien sûr, mais surtout la municipalité. Nir Barkat, le maire, reproche aux forces de police d’être incompétentes, mais c’est lui le responsable de la situation. C’est à la municipalité de résoudre le problème, pas à la police », explique-t-il.
Selon lui, ces émeutiers risquent de voir leur maison démolie par manque de permis de construire, doivent de l’argent à la municipalité par manque de quoi payer leurs impôts locaux, ou bien leur permis de conduire leur a été confisqué, et ils saisissent cette opportunité pour exprimer leurs frustrations et leur colère. Sans nier le fait que certains ont intérêt aux violences. « Abbas n’a rien contre l’idée de voir Jérusalem en flammes, dès lors que ça lui permet de faire pression sur Israël pour en tirer bénéfice lors de futures négociations », souligne-t-il.
Il semblerait que la tendance d’Abbas soit à verser de l’huile sur le feu. Ses déclarations à l’ONU accusant Israël de génocide à Gaza et ses propos teintés d’antisémitisme virulent marquent un tournant dans sa rhétorique. Le modéré tombe le masque et l’irrédentisme d’Abbas se révèle au grand jour. Ses appels répétés à ne pas laisser les juifs souiller l’esplanade des mosquées donnent au conflit des relents de guerre de religion. Nul doute que le terroriste auteur de l’attentat du tramway est passé à l’acte, influencé d’une façon ou d’une autre par ces incitations à la haine.
L’enjeu de Jérusalem
Une intifada serait plutôt contre-productive pour l’Autorité palestinienne, son objectif étant la reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien et de convaincre l’Occident de la viabilité d’un tel Etat. Mais le Hamas s’est empressé de qualifier ces troubles d’intifada et s’est publiquement félicité de l’attentat qu’il a célébré sur Internet, faisant l’apologie du meurtre de civils israéliens. Le Shehab, son agence de communication, a posté sur sa page Facebook la photo d’un chargeur de munitions, en guise de pédale de voiture, avec la légende suivante : « L’accélérateur est une arme ». Pour autant le Hamas est-il le commanditaire de ces émeutes ?
On se souvient du Shin Bet l’été dernier, au plus fort de l’opération Bordure protectrice, qui avait révélé l’existence d’un complot du Hamas visant à renverser Mahmoud Abbas dans le but de faire main basse sur les territoires administrés par l’Autorité palestinienne. Des cellules terroristes dormantes du Hamas n’attendaient qu’un signal pour passer à l’action. L’attentat du tramway pourrait en être le sinistre résultat. L’objectif du Hamas étant de déstabiliser Abbas et le décrédibiliser à la fois auprès des Palestiniens et sur la scène internationale, en vue bien sûr de s’emparer de la rue, puis du pouvoir dans les Territoires.
Durant les deux intifadas précédentes, Jérusalem était exclue de la sphère du conflit. Aujourd’hui, la situation est inverse : Gaza et les Territoires sont calmes. Pour l’heure, le centre de gravité du conflit, principalement territorial qui tournait autour des frontières, semble se déplacer vers la capitale, alimenté par un appel à la Guerre Sainte pour la libération de Jérusalem. Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, a appelé à défendre Jérusalem et la mosquée al-Aqsa. « Du point de vue du Hamas, la question de Jérusalem pourrait donner aux Palestiniens une place centrale dans la révolution qui se déroule dans le monde arabe, et le réveil des musulmans d’Europe et appeler les fidèles à converger sur Jérusalem ».
Le Fatah essaye de se joindre à cette campagne pour al-Aqsa, dans le sillage du fondamentaliste Qatari, craignant peut-être une prise de contrôle de Ramallah par les mouvements islamistes radicaux.
Le conflit israélo-palestinien sur l’échiquier du djihad
Aujourd’hui, les djihadistes musulmans lancent la campagne « Sauvez Jérusalem ». Objectif : fédérer des millions de musulmans et les inciter à fomenter des troubles à Jérusalem et dans les rues européennes. Une marche internationale partant du Liban et devant converger sur Jérusalem est ainsi prévue pour le mois de décembre. « La détérioration de la situation sécuritaire à Jérusalem est indissociablement liée au chaos au Moyen-Orient et à la lutte que se livrent les régimes sunnites modérés et les Frères musulmans, qui visent à faire de la question de Jérusalem, le slogan de ralliement d’une « tempête arabe », affirme Pinhas Inbari, analyste spécialisé dans le monde arabe pour le Centre des affaires publiques de Jérusalem. La stratégie de la confrérie des Frères musulmans, évincés du pouvoir en Egypte, serait de fédérer tous les mouvements islamiques de la région autour de l’idée d’un califat musulman uni avec la mosquée al-Aqsa comme plaque tournante », martèle l’expert.
Il est également évident que la Syrie et le Qatar ont financé des groupes terroristes mettant Jérusalem au cœur de leurs préoccupations, entre autres les brigades « al-Aqsa ». L’utilisation de la question de Jérusalem pour fédérer le monde arabe a également considérablement augmenté la pression sur la Jordanie, chargée de l’administration du site appelé par les musulmans « l’esplanade des mosquées ».
« Je le dis et je le répète, je ne vois pas là d’intifada », a répété Itzhak Aharonovitch après l’attaque terroriste. « Il n’y a pas, et il n’y a jamais eu, de culture de la paix au sein de l’Autorité palestinienne, mais plutôt une culture de la haine et du djihad contre les juifs », a déclaré le ministre de la Défense Moshé Yaalon à Washington. Une culture de la haine qui se conjugue à une guerre de religion. Un cocktail explosif ? Le gouvernement israélien veut mettre tout en œuvre pour qu’il n’en soit rien, bien que le contexte géopolitique ne lui rende pas la tâche aisée.
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