Après Goldstone, un certain « Rapport Schabas »

On ne sait pas de quoi le terrain juridique de l’après-Gaza sera fait, mais, pour avoir su tirer les leçons du rapport Goldstone et de la commission Turkel, Israël est mieux préparé que jamais.

Après Goldstone, un certain « Rapport Schabas » (photo credit: FACEBOOK)
Après Goldstone, un certain « Rapport Schabas »
(photo credit: FACEBOOK)
Chaque fois qu’Israël utilise les forces terrestres, au lieu de se contenter de frappes aériennes, l’ONU réplique, au minimum par un nouveau rapport et une enquête du type Goldstone, déclare un ancien haut responsable de Tsahal au Jerusalem Post.
En raison de l’atmosphère juridique actuelle et de l’utilisation systématique de boucliers humains et d’environnement urbain par le Hamas, afin de maximiser la mort de civils de son propre côté, ces enquêtes de l’ONU sont inévitables, affirme cette source.
Mais quelle est donc la différence entre la frappe aérienne et l’intervention des forces terrestres ? Tant que la récente guerre de Gaza n’impliquait que l’aviation, quelques plaintes se sont élevées dans certains secteurs, mais la critique était limitée et n’émanait sûrement pas de solides alliés comme les Etats-Unis.
Les frappes aériennes ne sont peut-être pas l’idéal, mais elles sont beaucoup plus précises en termes de technologie et de munitions que les tirs d’artillerie, qui, guerre après guerre, ont conduit à des erreurs coûteuses.
Un grand nombre de frappes aériennes sont en outre contrôlées et souvent approuvées par la division de droit international hautement spécialisée de l’armée israélienne, avec des avocats présents à la fois dans la salle de guerre au siège de Tsahal et au quartier général avancé, parfois même en temps réel.
Les bombardements, en revanche, sont souvent une réponse immédiate aux tirs de roquettes ou à une attaque contre les forces terrestres.
Certainement pas le temps de consulter des avocats dans de telles instances, ni parfois même les généraux au quartier général avancé.
La plupart des dommages causés à des cibles civiles sensibles proviennent de ces bombardements, parfois reconnus comme des tirs destinés à frapper les agents du Hamas à proximité qui ont manqué leur but.
La « procédure Hannibal », controversée et agressive, de tirs ressemblant au feu de couverture de l’artillerie, utilisée semble-t-il par Tsahal pour tenter de sauver le soldat que l’on croyait avoir été enlevé (ou au moins tuer ses ravisseurs), ne pourrait probablement pas être mise en place sans l’appui des forces terrestres. (Ou dans le cas extrêmement rare d’un appareil endommagé dont le pilote aurait été éjecté et capturé). La flambée de la critique internationale et la censure sévère des Etats-Unis sont apparues suite aux tirs d’artillerie.
Vers une condamnation internationale ?
Ce gouffre qui sépare les réactions aux actions de Tsahal est également visible dans le traitement de l’opération Pilier de défense de 2012, où les forces terrestres n’ont pas été utilisées, et celles essuyées par l’opération Plomb durci de 2008-2009 et Bordure protectrice de cet été.
Plomb durci a débouché sur le rapport Goldstone, et une lutte harassante de trois ans pour amener les soldats israéliens devant la Cour internationale de justice. Bordure protectrice semble vouloir suivre le même chemin avec un certain « Rapport Schabas », et une nouvelle tentative de traduire Israël devant la susdite Cour.
Pilier de défense n’a fait l’objet que d’une condamnation beaucoup plus modérée, sans commission d’enquête similaire de l’ONU (malgré de nombreux rapports de moindre impact), aucun effort sérieux en direction de la Cour internationale de justice et pratiquement pas de critique de la part des Etats-Unis.
Les seules statistiques publiées par l’armée israélienne sur Pilier de défense datent du 11 avril 2013, et notent que l’armée a clôturé l’enquête initiale dans 65 cas sur 80, sans ouverture d’une enquête pénale complète.
D’après des révélations exclusives, les statistiques sur la guerre de Gaza de 2012 montrent qu’il y a eu moins d’enquêtes criminelles approfondies que les cinq déjà ouvertes deux semaines après la fin de Bordure protectrice.
Quel que soit l’angle choisi, toute décision future du gouvernement d’utiliser les forces terrestres au combat se heurte à des enjeux juridiques internationaux beaucoup plus élevés.
C’est en partie la raison pour laquelle, selon certains, le Premier ministre Binyamin Netanyahou s’est montré réticent et a résisté aux injonctions de son aile droite d’élargir l’invasion au sol.
Israël au-dessus de tout soupçon
La possibilité de futurs recours aux forces terrestres mise à part, quelles sont les perspectives d’Israël pour défendre ses dernières opérations ? Tout dépend de qui on interroge.
Selon toute une brochette d’organisations de défense des droits de l’homme (Betselem, Yesh Din, Human Rights Watch, Amnesty International et probablement l’enquête du Conseil des droits de l’homme des Nations unies dirigée par William Schabas), la situation d’Israël au regard de la justice internationale est des plus sombres. Ces dernières affirment que l’Etat hébreu ne respecte pas les normes internationales en matière d’enquête sur son propre compte, et a ignoré les recommandations de sa propre commission, la commission Turkel quasi indépendante, qui avait énoncé 18 recommandations sur la façon dont Israël pourrait améliorer ses propres enquêtes (tout en attribuant une note somme toute passable aux enquêtes de Tsahal). Pour ces organisations, la seule solution est de faire passer les soldats israéliens devant la Cour internationale de justice.
Les responsables israéliens de tous bords semblent, étonnamment, beaucoup plus calmes et confiants quant à leurs chances de se sortir de cette situation sans aucune intervention de la Cour de justice qu’après la guerre de Gaza de 2008-2009.
Selon eux, l’Etat hébreu a tiré les leçons de son combat contre le rapport Goldstone : il a fait d’énormes progrès dans ses investigations, mis en œuvre presque toutes les recommandations Turkel, et ne laissera ainsi aucune raison à la Cour internationale de justice d’intervenir, car elle n’intervient que si un Etat ne mène pas sa propre enquête selon les normes en vigueur.
Certains désaccords concernent la structure des enquêtes elles-mêmes.
L’armée israélienne a dévoilé une nouvelle mission d’information composée d’équipes dotées d’une formation juridique et militaire, dont aucun membre n’a été impliqué dans les opérations en cours d’investigation. Les membres se concentrent sur la collecte d’informations au service de l’avocat supérieur de Tsahal, afin de pouvoir prendre une décision beaucoup plus rapide qu’à l’accoutumée sur l’opportunité d’ouvrir une enquête criminelle complète suite à une plainte pour crimes de guerre.
La nuit et le jour par rapport aux décisions passées beaucoup plus lentes à mettre en œuvre, et cette façon de faire repose moins sur les comptes rendus opérationnels des officiers impliqués dans les incidents, attentifs uniquement à la façon d’améliorer les opérations militaires.
Mais même si les comptes rendus opérationnels – menés en parallèle des enquêtes d’information plus axées sur l’aspect légal – ne ralentissent pas la prise de décisions, ils entachent la véracité des témoignages en laissant les soldats adapter leurs récits.
Israël répond à cela que son nouveau système est le plus avancé au monde de par son indépendance et son impartialité. Plus efficace même que le système d’enquête australien – tant loué par la commission Turkel – puisque l’Etat hébreu consacre beaucoup plus de ressources humaines en vue de décisions rapides.
Les paris sont ouverts
Certains désaccords touchent à l’interprétation des principes de base de la loi du conflit armé. Tsahal peut-elle effectuer une frappe aérienne ou bombarder une résidence civile avec des habitants à l’intérieur, si un terroriste du Hamas est également sur place et utilise la maison comme centre de commandement officieux ?
Non, répondent les critiques, arguant que l’armée doit envoyer des soldats pour faire le tri individuellement afin de savoir qui est un civil et qui est un combattant.
Oui, répond l’armée israélienne : si l’avantage militaire de frapper le terroriste du Hamas est plus grand que le mal anticipé pour les civils, alors attaquer par air ou par artillerie est permis, surtout à la lumière de la stratégie systématique de maisons piégées du Hamas.
Le procureur de la Cour internationale de justice, Fatou Bensouda, a signalé être prête à prendre un cas présenté par la « Palestine », si les Palestiniens décident de joindre ladite cour.
Mais elle n’a pas le dernier mot. Il peut être fait appel de toute décision qu’elle prendrait d’enquêter sur Israël auprès d’une chambre préliminaire de la Cour de justice – sans même entrer dans les nombreux autres obstacles juridiques et diplomatiques pour amener les Israéliens devant la Cour.
En somme, les paris sont ouverts.
Israël n’a pas de garanties quant à l’avenir et les Palestiniens ont probablement surmonté certains obstacles juridiques pour parvenir à la Cour de justice, mais l’institution juridique de l’Etat hébreu n’a jamais été aussi à la pointe, et mieux préparée au combat. 
 © Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite