L’union fait la gauche

Les partis de centre gauche Bonnet blanc et Blanc bonnet pourront-ils faire preuve d’intelligence et s’unir ?

Shelly, Livni 370 (photo credit: Facebook)
Shelly, Livni 370
(photo credit: Facebook)
La campagne électorale tourne au vinaigre et le Premier ministreisraélien Binyamin Netanyahou, en tant que Premier ministre sortant, reste lacible principale. Pour preuve les deux grands slogans du mouvement Hatenouah deTzipi Livni : « Bibi-Liberman : Danger ; Livni : Espoir » et « Bibi-Liberman :Excommunication internationale ; Livni : Accord de paix ». Les Travaillistesrenchérissent : « Bibi, c’est bon pour les riches, Shelly, c’est bon pour moi».
Yesh Atid s’avère un tantinet moins hostile avec son « Nous sommes là pour unchangement ».
Et ce, même si Yaïr Lapid a déclaré : « Netanyahou prélèvera davantage d’impôtssur la classe moyenne israélienne et ne pratiquera aucune coupe dans [lesallocations] à destination des ultra-orthodoxes, des habitants desimplantations, ou des grands syndicats ».
Dans cette compilation de médisance, les trois principaux partis decentre-gauche mettent bien en relief leur position anti- Bibi, sans vraiment sedémarquer les uns des autres.
Le parti A promet de « relancer le processus de paix », de faire pression pourune « justice sociale », de protéger l’environnement, d’instaurer le « servicemilitaire/national/ communautaire pour tous », et d’exiger un « pluralismereligieux ».
Le parti B, lui, s’engage à réformer le « système politique », à réviser « lesystème éducatif », à créer un système plus équitable pour les jeunesIsraéliens qui servent leur pays », à relancer l’économie en offrant une « aideaux petites entreprises pour la classe moyenne », et à fournir « des options delogement pour les anciens combattants de Tsahal et les jeunes couples ».
Le Parti C revient sur les services de base tels qu’une éducation de qualité,des soins de santé abordables, mais non moins excellents, des moyens detransport fiables, un bon salaire pour un dur labeur, un logement et desproduits de consommation moins chers, une concurrence loyale et une fiscalitééquitable.
Ces programmes pas-vraimentcontradictoires rappellent la remarque dujournaliste américain William Allen White comparant Theodore Roosevelt etWoodrow Wilson en 1912 : tout ce qu’il voyait « était cet imaginaire gouffrefantastique qui a toujours existé entre Bonnet blanc et Blanc bonnet ».
1 + 1 = 1 
Il existe tout de même quelques différences. Le parti A se positionneen matière de politique étrangère.
Le parti B est plus créatif, précis et capitaliste. Le C prétend qu’il n’a nulbesoin de politique étrangère et se montre plus ouvert au socialisme. Parailleurs, la leader du Parti A – Livni – ne peut supporter Netanyahou, maispourrait bien faire équipe avec lui, le chef du parti B – Lapid ] semble lemoins méprisant envers lui, et le parti C – le Parti travailliste deYachimovich – a clairement fait part de son refus de siéger dans une éventuellecoalition Likoud-Beitenou.
Mais pourquoi ces trois sosies politiques ne s’uniraient-ils pas.
Leurs visions idéologiques se ressemblent assez pour opérer une fusion. Tousveulent mettre fin à la mainmise haredi sur les questions religieuses et lebudget de l’Etat, tous veulent un pays plus humain, productif et idéaliste. Ilsredoutent une coalition menée par Netanyahou avec pour statu quo : indolence,déviation vers la droite, aliénation des Américains, manque de solutionscréatives et de courage. Ces politiciens gagneraient à coopérer, mais, jusqu’àprésent, ils ne voient pas bien comment. Ils craignent une alchimiemathématique toxique, où 1 + 1 est souvent égal à 1 – l’alliance de Netanyahouavec le parti d’Avigdor Liberman l’a prouvé une fois de plus.
De plus, malheureusement, tout est aussi question d’ego. Shelly Yachimovich estpersuadée qu’elle doit diriger le pays : selon elle, les deux autres partissont construits à partir de rien, autour de la célébrité d’un candidat, alorsque sa formation est réelle, ancrée dans l’histoire d’Israël, et la pluspopulaire des trois.
Tzipi Livni pense être celle qui doit gouverner : selon elle, les deux autressont des novices en politique, alors qu’elle a servi comme ministre de laJustice et ministre des Affaires étrangères.
Yaïr Lapid reste le plus modeste, le moins présomptueux.
Du sordide au sublime
 Imaginez un instant que ces trois politiciens – et leurspartis, qui regorgent de personnes de qualité comme les travaillistes IsaacHerzog et Avishai Braverman, ou Elazar Stern et Alon Tal de Hatenouah, et enfinDov Lipman et Ruth Calderon de Yesh Atid – fassent le choix de se préoccuper deprincipes et non de leurs petites personnes. Et que les trois fassent frontcommun pour gagner le pouvoir.
Ils souhaitent tous mettre un terme à l’exemption du service militaire pour lesultra-orthodoxes, encourager le pluralisme religieux, rendre le coût de la vieplus abordable, et promouvoir le processus de paix sans être des « freiers »,des pigeons. Pourquoi ne pas hausser la barre, définir leur vision sionistemoderne, et énoncer des principes de base en lieu et place de simplesdéclarations politiques ? Et laisser les autres choisir parmi eux trois leleader naturel pour un parti commun. Le moyen de sortir de ce dilemme est lescrutin anonyme. Peut-être alors, un chef de file pourrait-il émerger.
Hélas, un tel altruisme est aussi probable que les régimes utopiques évoquéspar John Lennon dans Imagine. Pendant trop longtemps, la politique israéliennea fonctionné comme des sables mouvants, noyant les réputations et les espoirs,et salissant tous ses acteurs. Fidèle à son habitude, le sommet des trois chefsdu centre-gauche s’est clôturé sur des accusations en chassé-croisé, Lapid etYachimovich blâmant Livni de se pâmer de son ancienneté et se comporter commetous les autres rustres de la Knesset, gâtés, intrigants et experts au jeudouble.
Le sens politique est l’art d’élever cette discipline du sordide au sublime. Peut-êtreTzipi Livni, Yaïr Lapid, et Shelly Yachimovich pourraient-ils mettre en communleur courage et leur clairvoyance, forger une coalition puissante fondée sur devrais principes, et enthousiasmer les démocrates du monde entier en donnant unbel exemple de vision sioniste moderne.
Ainsi, nous pourrons associer Livni avec « espoir », et non carriérisme, croireque Yachimovich « c’est bon » pour Israël, et nous réjouir du « changement »optimiste, tourné vers l’avenir, promis par Lapid et les autres – et dont nousavons tant besoin.