Le blues des élections

Pas de débat idéologique. Pas de plateforme électorale. La campagne se concentre sur des gimmicks. Et même la menace iranienne est tournée en dérision

Le blues des élections (photo credit: ELI NEEMAN)
Le blues des élections
(photo credit: ELI NEEMAN)
Si un extraterrestre débarquait en Israël et qu’on lui demandait, sur la base de ses observations, quel est le thème central de ces élections, il répondrait certainement : le recyclage des bouteilles. Cela pourrait être drôle, si ce n’était pas si triste.
Netanyahou n’est pas le premier leader à devoir faire face à l’attitude controversée de son épouse. Il n’y a pas si longtemps, Itzhak Rabin était forcé de démissionner – après recommandation de l’ancien procureur général Aharon Barak – du poste de Premier ministre, à cause d’un compte privé appartenant à son épouse, souvenir de l’époque où il était ambassadeur d’Israël à Washington.
Dans un pays normal, avec des normes sociales établies et un système de régulation qui surveille la conduite des personnages publics, cette affaire de bouteilles n’aurait jamais fait la une des journaux, et la campagne électorale aurait pu se concentrer sur des sujets plus essentiels.
Malheureusement, même quand les vrais sujets sont abordés, le public n’a accès qu’à une information tronquée. Demandez pourquoi le discours de Netanyahou au Congrès suscite la polémique, et vous aurez le choix entre deux réponses. Le camp des « Bibi rentre à la maison » dira que Netanyahou place sa réélection avant les intérêts de la nation et les relations d’Israël avec son principal allié, en s’ingérant au sein de la politique interne américaine et en apportant son soutien aux Républicains. Les partisans du Premier ministre, eux, vous expliqueront que le chef du gouvernement place la question iranienne et la sécurité de l’Etat au-dessus de tout débat.
Ce que personne ne dit, à l’exception de Netanyahou lui-même, c’est que le programme nucléaire iranien représente une réelle menace pour l’Etat hébreu. Même un Iran non nucléaire, qui soutient les ennemis les plus féroces d’Israël en armes et en argent, pose un problème de taille. Je ne comprends pas pourquoi les candidats du Camp sioniste ne saisissent pas toutes les tribunes auxquelles ils sont conviés, pour dire haut et fort qu’ils sont absolument d’accord avec Netanyahou sur ce point, que l’Iran menace Israël, et que la politique des Etats-Unis et de l’Union européenne vis-à-vis des mollahs –au sujet de la capacité nucléaire qu’ils seront autorisés à conserver ou de l’allégement des sanctions économiques à leur encontre – risque de conduire les pourparlers à un échec. Le leader travailliste Itzhak Herzog et le candidat du Camp sioniste au poste de ministre de la Défense, le général de réserve Amos Yadlin, préfèrent critiquer le Premier ministre et tournent la question iranienne en dérision.
Même la diplomatie a ses limites
Et pourtant, le premier à avoir tiré la sonnette d’alarme sur le danger iranien était bien le général de brigade Ephraïm Sneh, ancien député travailliste et vice-ministre de la Défense dans le gouvernement d’Ehoud Barak en 1992. Ehoud Barak lui-même prenait la question iranienne très au sérieux et était sur la même longueur d’ondes que Netanyahou, quand il était ministre de la Défense au sein de son gouvernement. Il avait même envisagé d’attaquer les équipements iraniens. Mais à la différence de Netanyahou, Barak savait qu’il ne pouvait être seul dans ce dossier. Qu’il ne pouvait se mettre les Etats-Unis à dos.
Le discours au Congrès est une erreur d’un point de vue tactique. Pas parce qu’il sert les intérêts électoraux de Netanyahou, mais parce qu’il joue le jeu des Républicains anti-Obama, qui dans les faits, ne prennent aucune décision, et dont les agissements ne font qu’affaiblir la position de ceux au sein des membres Démocrates du Congrès qui soutiennent le durcissement des sanctions contre Téhéran. Quelle alternative ? Un seul mot-clé : diplomatie. Mais même la voie diplomatique a ses limites et ne peut fonctionner que s’il y a un interlocuteur prêt à écouter en face de vous. Or Netanyahou a réussi à s’aliéner la plupart des dirigeants mondiaux, au point qu’ils refusent de prendre en compte ses paroles, même si ce qu’il dit est criant de vérité.
Le plus grave au sujet de cette campagne, c’est donc qu’au lieu de discuter des réels défis que le pays doit relever, que ce soit la menace iranienne, la cherté de la vie ou l’accès au logement pour tous, les candidats concentrent leurs efforts sur des gimmicks. Les hommes politiques ont oublié de présenter leurs plateformes et se sont lancés corps et âme dans une quête inassouvie, celle du soutien de l’opinion publique. Et dans cette guéguerre, tous les moyens sont bons, même si c’est au prix de l’idéologie et du sens commun. 
L’auteure, titulaire d’un doctorat en relations internationales, a enseigné à l’Université hébraïque de Jérusalem et travaillé pour la Knesset.
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