Le fabuleux destin de Szymon Persky

Du Shtetl au Yichouv, une vie au service d’Israël

Szymon Persky, 11 ans, en Pologne, avant l’aliya (photo credit: GPO FLICKR)
Szymon Persky, 11 ans, en Pologne, avant l’aliya
(photo credit: GPO FLICKR)
Personne n’aura servi Israël aussi longtemps que Shimon Peres. A tel point qu’on peut légitimement affirmer que l’histoire de l’homme se confond avec celle du pays. Avec une carrière au sommet pendant plus de 70 ans, cet infatigable bâtisseur a été intimement impliqué dans chaque étape de la construction de l’Etat.
Né Szymon Perski le 2 août 1923 à Wiszniewo en Pologne, Shimon Peres immigre en Palestine avec sa famille à l’âge de onze ans. Il grandit à Tel-Aviv où il fréquente l’école Balfour puis Gueoula, avant de poursuivre ses études au lycée agricole de Ben Shemen. Il passe ensuite plusieurs années au kibboutz Geva, avant de fonder, avec d’autres, le kibboutz Aloumot.
Ses premiers pas en politique datent de 1943 lorsqu’il est élu secrétaire du mouvement de jeunesse travailliste sioniste. Par la suite, à l’âge de 24 ans, il travaille avec David Ben Gourion et Levi Eshkol au commandement de la Hagana, en tant que responsable des effectifs et des armes. La nuit du 29 novembre 1947, quand L’ONU vote le Plan de partage de la Palestine, Peres, assis aux côtés de Ben Gourion, l’entend prédire : « Aujourd’hui, ils dansent, demain, ils pleureront. » Quand éclate la guerre d’Indépendance, il est aux commandes des forces navales.
Au long des 48 années passées sur les bancs de la Knesset – depuis la 4e assemblée en 1959 jusqu’à la 17e en 2007 – Shimon Peres a fait partie de différents groupes parlementaires incluant le Mapai, Rafi, le Parti travailliste, l’Alignement, Israël Ehad, Travaillistes-Meimad, Travaillistes-Meimad-Am Ehad et Kadima, et a également été président du Parti travailliste.
Peres a occupé de très nombreux postes clés au sein de l’exécutif. Premier ministre à deux reprises – de 1984 à 1986, à la tête du gouvernement de rotation, puis durant sept mois en 1995 et 1996 à la suite de l’assassinat d’Yitzhak Rabin –, il s’est également vu confier des portefeuilles prestigieux – Défense, Affaires étrangères, Finance, Transports, Information, Communications, Affaires internes, Affaires religieuses et Coopération régionale – et a été plusieurs fois vice-Premier ministre.
Ironie de l’histoire, malgré sa candidature à cinq reprises entre 1977 et 1996, Peres n’a jamais remporté d’élection nationale. Une malchance qui lui a longtemps valu le surnom de « looser ». Pourtant, Shimon Peres a toujours su se relever de ses échecs. Là où d’autres ne voyaient que des défaites, lui décelait de nouvelles opportunités. Et n’a jamais abandonné.
Des rôles clés
C’est en 1952 que Peres rejoint le ministère de la Défense avant d’en être nommé un an plus tard directeur général – le plus jeune de toute l’histoire d’Israël. A ce poste, il jouera un rôle particulièrement déterminant dans le développement de l’industrie militaire israélienne ainsi que dans celui de l’industrie aérospatiale. Il est également à l’origine de l’étroite collaboration avec la France qui culminera avec une coopération stratégique lors de la campagne du Sinaï en 1956, et aboutira à la mise en place du programme nucléaire israélien.
Les trois années suivant la guerre de Kippour, Peres joue de nouveau un rôle central dans la sécurité du pays quand il prend les rênes du ministère de la Défense. Il sera l’artisan de la revitalisation et du renforcement de Tsahal et se trouvera impliqué dans les négociations de désengagement avec l’Egypte qui aboutiront à l’accord intérimaire signé avec Le Caire en 1975. C’est lui encore qui sera l’un des planificateurs de l’opération Entebbe en 1976.
De novembre 1988 jusqu’à la dissolution du gouvernement d’union nationale en 1990, Peres est à la tête du ministère des Finances. Il va dès lors focaliser toute son énergie sur le redressement économique du pays, alors qu’Israël se trouve dans une situation complexe depuis le déclenchement de la guerre du Liban en 1982. Peres parvient ainsi à réduire le taux d’inflation annuel de 400 % à 16 %. Il fait aussi partie de ceux qui ont œuvré au désengagement des troupes du Liban et à l’établissement d’une zone tampon frontalière.
Partisan infatigable de la paix
Après le retour au pouvoir du parti travailliste en 1992, Peres prend de nouveau le portefeuille des Affaires étrangères. Il conduit les négociations en vue de la signature des accords d’Oslo, qui lui vaudront, avec Yitzhak Rabin et Yasser Arafat, le prix Nobel de la Paix en 1994. Devenu Premier ministre après l’assassinat d’Yitzhak Rabin (4 novembre 1995) à la faveur d’un vote du Parti travailliste, puis du vote de soutien des députés de la Knesset, et donné largement favori aux élections législatives de mai 1996, il perdra finalement le scrutin face à Benjamin Netanyahou avec seulement 30 000 voix d’écart.
En octobre 1997, ce lutteur infatigable pour la coexistence crée le Centre Peres pour la paix dans le but de promouvoir des initiatives conjointes entre Juifs et Arabes. Sa carrière semble désormais achevée, mais cet auteur inspiré, qui a rédigé une douzaine d’ouvrages, accepte un dernier mandat prestigieux à la fin de sa vie, le seul qui lui manquait, en devenant, le 15 juillet 2007, le 9e président de l’Etat d’Israël.
Shimon Peres avait survécu à son épouse Sonia décédée en 2011. Le couple a eu trois enfants, huit petits-enfants et de très nombreux arrière-petits-enfants. Plus qu’un homme politique ou qu’un leader, Shimon Peres était le dernier survivant de la génération des bâtisseurs de l’Etat. Avec sa disparition, c’est une page de l’histoire d’Israël qui se tourne.
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