Les nababs de Palestine

Ils sont quelques-uns à vivre dans la plus grande opulence. Qui sont ces magnats palestiniens qui ont su faire fortune, en dépit d’une économie qui peine à décoller ?

Nababs de Palestine (photo credit: Reuters)
Nababs de Palestine
(photo credit: Reuters)

Si l’économie israélienne se caractérise par une poignée defamilles qui entretiennent des liens étroits avec le gouvernement, l’économiepalestinienne, si congrue soit-elle, est dominée par un seul clan : la familleAl-Masri de Naplouse. Selon l’Institut Passia basé à Jérusalem Est et qui recense les Palestiniensles plus influents, onze membres de la famille Al-Masri figurent en tête deliste, soit plus qu’aucune autre famille, excepté les Al-Husseini de Jérusalem. Les descendants de la famille Al-Masri proviennent d’Egypte, probablement del’époque de l’Empire ottoman. Au cours des récentes années, le clan a produit un Premier ministre jordanien,Taher Al-Masri, six ministres de gouvernements palestiniens et jordaniens, deuxmaires de Naplouse, et une longue liste d’hommes d’affaires et d’hommesd’influence appartenant à la sphère publique.

Aujourd’hui, le plus important membre de la famille est le milliardaire MunibAl-Masri qui s’est construit un palais au luxe éclatant, sur le Mont Guerizim,à Naplouse. Sa demeure est l’exacte copie d’une villa italienne du 16e siècle.Elle contient de nombreux jardins et une piscine. On y trouve également desoeuvres d’art, un Picasso d’origine, une tapisserie de Raphaël, et un trône enor, de l’époque antique égyptienne. Al-Masri, 78 ans, a étudié la géologie aux Etats-Unis, et a bâti sa fortunegrâce au pétrole en Algérie et dans le Golfe. Son patrimoine est estimé à 1,5milliard de dollars. En 1970, il a servi comme ministre dans le gouvernement Jordanien. Avant dedevenir un soutien et un ami du leader palestinien Yasser Arafat. Il le suivraen Judée- Samarie, et à Gaza, et l’aidera à mettre en place les fondements del’économie palestinienne pour jeter les bases d’un futur Etat palestinien. Lasociété d’Al-Masri, Padico Holding, contrôle plus d’un quart de l’économiepalestinienne.
A son actif : des agences de biens immobiliers dans les Territoires, àJérusalem-Est, mais aussi, Jawwal, le prospère réseau des téléphones mobiles.La société est également présente dans le tourisme et dans les hôtels deJérusalem- Est, Bethléem et Ramallah. Elle est associée à des usines deplastique, d’électronique, d’équipements médicaux, ainsi que partie prenante desociétés de Naplouse cotées en Bourse. Mais Al-Masri ne se contente pas d’être un homme d’affaires. Il s’investit en politique et sert de médiateur entre le Hamas et le Fatah. Sonnom sera même pressenti pour occuper le poste de chef de gouvernement. Aplusieurs reprises, il s’est exprimé en faveur de la paix entre Israël et lesPalestiniens. Ainsi, a-t-il toujours maintenu des relations cordiales avec despoliticiens de haut niveau et des hommes d’affaires israéliens.
Une dynastie de bonne fortune 

En deuxième position dans la famille Al-Masri,figure Bashar Al-Masri, qui occupe également un rôle-clé dans l’économiepalestinienne. A 51 ans, il affiche une génération de moins que son aîné Munib. En 1978, alorsencore étudiant à Naplouse, il est arrêté par Tsahal pour avoir jeté despierres contre des soldats lors de manifestations. Après avoir terminé soncycle d’études à Naplouse, il entame des études aux Etats-Unis, où il obtientun diplôme de chimiste. De là, il émigre en Arabie Saoudite, et fait fortune. Avec la création de l’Autorité palestinienne, en 1994, Bashar retourne chez luiet s’investit à plein régime dans l’économie palestinienne. C’est lui qui fondele quotidien Al-Ayyam, imprimé à Ramallah, et structure les premièrescompagnies de nouvelles technologies qui fournissent des services aux banques,à l’Autorité palestinienne, ainsi même qu’à des compagnies israéliennes et àd’autres sociétés de l’étranger.
Et c’est lui, surtout, qui initie la construction de la ville palestinienne deRawabi, adjacente à Ramallah, un projet ambitieux de plusieurs millions dedollars essentiellement financé par les princes Qatari, qui lui vaut uneattention internationale et devrait voir le jour d’ici peu. Sur place, le siteprogresse. Les infrastructures sont établies et les premières maisons prêtes àsortir de terre. Bashar avait également à dessein d’acheter une compagnie israélienne pourcommencer la construction d’habitations dans le quartier Jabel Mukaber, àJérusalem-Est,le long du quartier juif de Armon Hanatsiv. Mais il a dûs’interrompre pour raisons financières. Les entrepreneurs israéliens avaienttenté de l’en dissuader, arguant que le terrain était semé d’embûches,notamment politiques. Mais Bashar voyait là une opportunité de résoudre le problème de logementrencontré par la population palestinienne à Jérusalem-Est. Dans la famille Al-Masri, je demande le discret Sabih.
Installé à Amman, la capitale jordanienne, cet autre membre influent du clan ainvesti dans bon nombre d’affaires situées en Judée et Samarie, et possède unedemeure à Ramallah. Contrairement à Munib et Bashar qui n’hésitent pas à afficher leur richesse,Sabih garde profil bas, se méfie des caméras et fait rarement des apparitionsen public. Il est, sans aucun doute, le plus riche d’entre eux. Son capitalprovient de l’agriculture et de ses fermes en Arabie Saoudite et en Jordaniequi fournissent en denrées alimentaires les pays du Golfe. Il a très certainement grandement contribué à nourrir les forces américaineslorsqu’elles étaient basées en Irak et dans la région du Golfe. Sabih possèdeaussi des hôtels à Akaba, la cité balnéaire du côté de la Jordanie le long dela mer Morte, où il passe le plus clair de son temps, et à Aman.
Des pierres qui valent de l’or 

Mis à part le clan Al-Masri, il existe deuxautres familles influentes sur l’économie palestinienne et arabe. La plusancienne est la famille Shoman, originaire du village de Beit Hanina, au nordde Jérusalem. A son origine : Abdoul Hamid Shoman. C’est lui, qui en 1930,allait fonder la première banque arabe de Jérusalem. Au fil des ans, la banquedu clan Shoman va prospérer et se développer pour devenir l’un des principauxétablissements bancaires du monde arabe, fort de dizaines d’agences en Europeet aux Etats-Unis. La banque de la famille Shoman est aussi implantée en Judée-Samarie et à Gaza,mais ses investissements au sein de l’économie palestinienne restent toutefoisassez limités.
Autre acteur-clé de l’économie palestinienne : Nasser Nasser, un self-made-mande 60 ans qui a réussi à s’imposer pour incarner l’une des plus bellesréussites de la région. Né dans un village rural pauvre des environs de Yatta,au sud d’Hébron, il aide son père dès l’âge de 12 ans dans une petite affaired’extraction de pierres calcaires. Quelques années plus tard, il parvient àacheter sa propre usine d’extraction près de Bethléem. Un commerce modeste maisqui va vite profiter de la frénésie qui s’empare du marché de la construction :dans ces années qui suivent la guerre de Kippour en 1973, Nasser a sudévelopper son commerce de pierres pour les vendre aux promoteurs israéliens. Puis de 1973 à 1983, les pays du Golfe connaissent la “riche décennie dupétrole”. Nasser saisit cette embellie économique au bond pour vendre de lapierre taillée aux pays arabes avoisinants devenant ainsi le plus grosproducteur de la région. Aujourd’hui, il possède une dizaine de carrières etdes usines de taillerie en Judée- Samarie, en Jordanie et dans le Golfe. Il a tiré profit des richesses naturelles de la zone en exploitant à bonescient le calcaire pour la construction. Si bien que cette pierre souvent appelée “le pétrole de Judée et de Samarie”est également vendue en Europe et aux Etats-Unis.
Le potentiel palestinien 

Mais malgré ces quelques puissants magnatspalestiniens, l’économie palestinienne reste peu développée, et souffre destagnation - en comparaison avec celle d’Israël. Le revenu moyen par personne(Produit Intérieur Brut) dans les Territoires palestiniens varie entre 3 000dollars et 4 000 dollars par an alors qu’en Israël et en Europe, il flirte avecles 30 000 dollars par an. Le taux de chômage dans les Territoires est élevé : il atteint les 17 % enJudée-Samarie et quelque 30 % à Gaza. Pour essayer de remédier à cette situation de crise, les pays du monde entierdonnent de l’argent aux Palestiniens, créant ainsi une dépendance desTerritoires quant au budget alloué à l’éducation, la santé et la protectionsociale, qui provient essentiellement de donations étrangères. En d’autrestermes, l’économie palestinienne vit de charité. Presque tous les biens destinés à la Judée-Samarie et à Gaza doivent transiterpar Israël. Ces conditions sont mentionnées dans les Accords d’Oslo qui ontstatué sur une “enveloppe douanière” pour les Territoires et Israël.
Les douanes israéliennes collectent les devises destinées à Gaza et à laJudée-Samarie, en entreposant les biens dans les ports israéliens, pour ensuitetransférer l’argent à l’Autorité palestinienne. Aujourd’hui, près de 60 000 Palestiniens travaillent en Israël et dans lesimplantations juives de Judée et Samarie, soit presque deux fois plus que dansles Territoires palestiniens. Enfin, les récentes années, relativement calmes sur le plan sécuritaire depuis2008, ont conduit à un regain de l’économie palestinienne. En tant de paix, l’économie palestinienne a un fort potentiel. Le niveaud’éducation des Palestiniens est élevé, a fortiori quand il est comparé auxpays arabes avoisinants. Leur proximité avec les Israéliens rend possible defuturs développements et partenariats technologiques.
Comme autour du tourisme chrétien et musulman en Terre promise, qui constitueune source de revenus importants. En clair, une paix durable entre Israël et l’Autorité palestinienne pourraitconduire cette dernière sur la voie d’une croissance réelle à laquelle leshabitants de Gaza et Judée-Samarie sont de plus en plus nombreux à aspirer.