Bouillon de culture à Jérusalem

Pour la 5e année consécutive, le collectif “Manofim” organise son événement annuel. Au programme : une semaine consacrée à l’Art. Dans tous les quartiers de Jérusalem, les artistes s’exposent gratuitement du 25 octobre au 1er novembre.

2410JFR19 521 (photo credit: Espace 10)
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Bien décidée à tenir tête à sa grande concurrente Tel-Aviv, la capitale se remue côté art, et offre à ses habitants et visiteurs un large panel d’expériences artistiques. “Manofim” est le fruit de deux créatrices du “Studio des artistes” dans le quartier de Yemin Moshé à Jérusalem. Lee He Shulov et Rinat Edelstein ont l’intention de changer la donne artistique israélienne, pour avoir, un jour, été frappées du manque de communication artistique dans la Ville sainte.
Eclairées par leurs congénères artistes, elles ont pris en main leur sort en 2008 et contacté toutes les institutions concernées de près ou de loin : musées d’art, municipalité, ministères, galeries, artistes en tous genres. Ne laissant rien de côté, elles ont mis en place un parcours “pédagogique” à travers la ville, invitant les passants à visiter les galeries et leur permettant d’assister à des conférences, animations, lectures de poésie ou chants, le tout relié par une navette gratuite.
Malgré le peu de fonds obtenus, Lee He Shulov précise que ce qui fait la magie de l’événement est cette union spontanée et générale de tous les artistes hiérosolomytains impliqués dans l’expérience. La capitale concentre un nombre inconsidéré d’artistes, qui pourtant peinent à se faire connaître du public. Shulov s’indigne : “Aucune structure n’existait avant Manofim pour dévoiler les artistes et leur travail”. Les habitants de la ville ne connaissent pas toutes ces galeries qui vivent à cent à l’heure toute l’année. Ces expositions permettent aussi la promotion des jeunes artistes diplômés de l’école d’Art de Jérusalem, Betsalel.”
L’an passé, pour l’ouverture du festival, la Tour de David avait été le lieu de rendez-vous. “Cette année”, explique la jeune artiste, “notre ambition a été plus grande, et nous avons eu la grande surprise de voir notre demande acceptée. Aussi la soirée d’inauguration s’achève par une ‘promenade’ au musée Rockefeller. S’il s’agit d’un musée d’archéologie, le travail exercé sur place, entendons par là la mise en valeur, la décoration, les expositions, par des artistes de la ville est incroyable ! Manofim donne l’opportunité de faire de ce lieu un art à part entière”.
L’art comme ligne d’échange 
De Mousrara à Rockefeller en passant par Agrippas et Hadassa, la navette conduira les visiteurs partout dans Jérusalem, pour un voyage dans l’espace et dans le temps, bercé par un flot artistique incessant. Quel art est exposé à Manofim ? La musique, la peinture, la photographie, la littérature, la sculpture, l’architecture, le cinéma, le théâtre, la poésie... La parole est donnée à tous les genres.
Outre ce tour de la ville nocturne, en guise de soirée d’ouverture, chaque jour sera dédié à un nouveau quartier.
D’abord Talpiot, le lendemain, les alentours de la ville, dimanche rendez-vous à Mishkenot Shaananim, puis Yaffo, Jérusalem-Est, Mousrara, et pour finir en beauté : Nachlaot le jeudi 1er novembre.
Manofim permet aussi de porter un autre regard sur Jérusalem-Est. Le quartier se visite comme lieu de la culture. Car le festival veut rassembler, unir tous les habitants de la ville autour d’un art collectif. La route d’Hébron, mieux connue sous le nom de route 60 qui traverse la Judée Samarie et s’étend plus exactement de Nazareth à Beersheva, est un des lieux de l’exposition.
L’art trace ici une ligne d’échange. L’exposition examine les points de rencontre et de séparation : “zones géographiques de suture”, selon les mots de l’artiste.
Les visiteurs découvrent notamment un art qui se place entre culture et nature, ou assistent à une “culturalisation de la nature” avec une exposition à l’observatoire pour oiseaux au Gan Sacher. La vallée du Jourdain et sa vie sauvage sont vues par l’oeil des artistes.
Entre autres, la question des réfugiés et des migrants dans la sphère mondialisée est “exposée”, ainsi que leur devenir au sein de l’identité collective israélienne.
Manofim se meut dans l’espace et dans le temps, puisqu’on réalise un retour dans les années 1990 en Ouganda avec une exposition inspirée du film Twin Peaks de David Lynch, qui reprend son univers loufoque entre rêve et réalité, horreur et beauté.
En outre, le projet s’annonce cosmopolite : les artistes de Jérusalem viennent du monde entier.
Occuper l’espace public 
Focus sur une galerie française, “Espace 10”, inscrit dans le programme de “Nachlaot” qui accueille les oeuvres de Betina Schnaid, d’origine brésilienne. Son art est qualifié par certains de “naïf”, mélangeant le graphisme et la peinture contemporaine, les formes et les idées, composé de couleurs très vives et d’un tracé d’une grande précision.
Une exposition rue Beersheva le 1er novembre à 18 heures qui accueillera la conférence d’Yvonne Libai “Transitions” ou “Comment la communication non verbale rend possible la pénétration de cultures non familières par le travail de l’art”. Vous pourrez aussi parler “art” en français avec les tenantes de la galerie.
Ici et là, la rue se dresse comme espace artistique. “Black Box”, par exemple, est une exposition étonnante qui amène à redécouvrir la ville. Selon les mots des organisatrices, il s’agit d’“une initiative pour occuper l’espace public”. Pendant dix jours, les panneaux commerciaux de la ville seront remplacés par des créations originales.
A cela s’ajoutent performances de danse, photos insolites, et même un concert de musique à Mousrara.
Plus classique, la maison du docteur Ticho est ouverte et gratuite et propose un voyage aux côtés d’Anna Ticho dans la Vienne du 19e siècle. Le festival permet de rencontrer les artistes, de parler de leur art et des techniques, et de participer à des ateliers.
L’aide de toutes ces institutions, de la mairie, mais aussi de toutes les instances culturelles de la ville, comme la fondation de Jérusalem ou l’institut français Romain Gary, donne beaucoup d’espoir, et permet à ces artistes hiérosolomytains un optimisme nouveau quant à la renaissance artistique de la ville.
Manofim, qui signifie “les grues” en hébreu, parle d’une construction, brique après brique, de Jérusalem comme terrain fertile à l’épanouissement artistique. Les brigades de l’art sont prêtes à passer à l’action ! Les organisatrices préparent un magazine bimensuel du nom de Harama, annonce Lee He Shulov. Axe de communication, pas uniquement par la parole mais les sens, et éveil de la ville, cette semaine de parcours divers et insolites est à ne pas manquer.
Le guide est téléchargeable sur Internet, et disponible aussi en version papier dans les galeries, musées et office de tourisme.
www.manofim.org Du 25.10.12 au 1.11.12. à Jérusalem