Et Dieu nous sauve de leurs mains

La période de Pessah pour commettre leurs pires infamies

pessah (photo credit: @DR)
pessah
(photo credit: @DR)

Vendredi soir au moment du Seder, nous lirons dans laHaggada qu’“à chaque génération chacun doit se considérer comme s’il étaitluimême sorti d’Egypte, comme s’il faisait partie des Hébreux esclaves et commeeux a été libéré de la servitude.”

Pourquoi doit-on nous considérer comme ayant été libérés du joug égyptien si cen’est pour avoir bien ancrée en nous la notion de liberté. Si ce n’est pourclamer haut et fort que la souffrance, que les persécutions ne tueront pas ennous l’ardent souhait de ne pas nous plier aux desiderata et aux contraintes,aux idéologies destructrices et à la haine de tous ceux qui de par le monde veulentnous enfermer dans une sorte de fatalité, de tous ceux qui n’ont pas saisi laportée du premier des Dix Commandements : “Je suis l’Eternel Ton Dieu qui t’aifait sortir du pays d’Egypte, de la maison de l’esclavage” (Exode, 20, 2). Cesmêmes termes “à chaque génération”, nous les retrouvons dans un autre passagequi tel un film défilant dans notre esprit nous faire revivre ce dont nousJuifs pendant vingt siècles avons été victimes, que ce soit au temps descroisades ou de l’Inquisition, des pogromes ou des chambres à gaz.
“Vehi Sheamda” à chaque génération, on s’est dressé contre nous pour nousanéantir. Il est curieux de constater que les antisémites de tous bords,descendants d’Essav ou d’Ishmaël, choisissaient presque toujours la période dePessah pour commettre leurs pires infamies. Tout se passe comme s’ils voulaienten donnant la préférence à cette période, détruire chez le peuple juif lecaractère sacré de préserver la vie, la valeur suprême de défendre la liberté,et cela pendant deux millénaires. Comme pour se dédouaner du sang versé, ilsnous ont accusés, comble de l’ironie, de meurtre rituel à Kiev au Moyen Age ouen Arabie Saoudite ces dernières années par exemple, dans le but de nous servirdu sang d’enfants pour la fabrication des matsot. A l’approche de Pessah, c’esttoujours l’incertitude, ou plutôt la certitude que des Juifs quelque part dansle monde se trouveront aux prises avec cette hydre malfaisante décidémentimmortelle, qui comme cette année à Toulouse a arraché à la vie trois jeunesenfants et un père de famille.
Sublimer la vie

Depuis ce drame atroce, nous revient à l’esprit cette phraseque nous récitons tous les matins : “Al tigueou bimeshihai”, ne touchez pas àmes oints, ne faites pas de mal à mes prophètes (I Chroniques, 16, 22). Lecommentaire talmudique de cette injonction prononcée par Dieu est d’unetroublante actualité : “mes oints”, ce sont les enfants qui étudient la Torah ;“mes prophètes”, ce sont leurs maîtres.

Les cieux et la terre, disent nos sages, ne subsistent que grâce au souffle desenfants qui apprennent les textes sacrés. Et ils ajoutent : “nous n’avons pasle droit d’interrompre ou de suspendre l’étude donnée aux enfants, fut-ce pourreconstruire le Temple.”
Yoheved eut l’immense privilège d’être la mère de Moshé, d’Aharon et de Myriam,car c’est elle, Shifra, qui était avec Myriam la sage-femme contrevenant auxordres de Pharaon lui ayant intimé de tuer les nourrissons mâles. Dieu, nousdit le texte, l’en récompensa en faisant d’elle la fondatrice de troisdynasties : à partir de Moshé, la famille des Lévites, avec Aharon celle des Cohanim, et avecMyriam qui épousa Caleb de la tribu de Juda, la dynastie du roi David, ancêtredu Mashiah.
L’acte courageux, voire héroïque, de Yoheved qui a mis sa vie en danger poursauver des enfants lui valut d’être appelée la cinquième mère succédant auxquatre matriarches Sarah, Rivka, Rahel et Léa auxquelles nous faisons allusionà la fin de la Haggada en entonnant le “Ehad mi yodea”. Nous sommes fiers decompter parmi les descendants de Yoheved qui sublime la vie, contrairement aumonstre de Toulouse dont le seul regret avant de mourir était de n’avoir pas puajouter à ces sept victimes encore d’autres morts.
Il faut croire que l’esclavage en Egypte a finalement permis de façonner chezle peuple juif cette force de caractère pour surmonter toutes les oppressionset vaincre toutes les morts, de même que la sortie d’Egypte était nécessairepour arriver à la conclusion que la victoire sur l’adversité est au bout du chemin.Le midrash à ce propos s’interroge sur la raison pour laquelle dans le Sedernous faisons la brakha et mangeons d’abord la matsa symbole de liberté, ensuiteseulement les herbes amères, symbole de l’esclavage, le maror avec sabénédiction, alors que c’est l’ordre inverse qui logiquement devrait s’imposer.
Il explique : aussi longtemps que les Hébreux ne voyaient pas la fin de leursouffrance, la lumière au bout du tunnel, ils ne percevaient pas l’amertume deleur sort. Mais aussitôt que Moshé leur a parlé de leur prochaine libération,ils ressentirent l’amertume de l’esclavage. En effet, des esclaves ou desprisonniers ne prennent conscience de la dureté de leur situation qu’aprèss’être retrouvés proches de leur libération.
Les quatre coupes de vin que nous buvons tout au long du Seder sont bien pourmarquer la joie que provoque en nous le sentiment de liberté.
“L’heure” prochaine à Jérusalem

La règle veut d’autre part que nous soyons à cemomentlà accoudés, compte tenu qu’être accoudés signifie être bien installés,bien enracinés, et que seul l’enracinement peut permettre à un homme comme à unpeuple de prospérer et de se développer intellectuellement et économiquement.

Le peuple juif qui pendant très longtemps a été déraciné, ballotté de part etd’autre, comme en témoigne notre histoire : “Ils allaient de nation en nation,d’un royaume vers d’autres peuples” (I Chroniques, 16, 20), n’avait que lesdeux soirs de Seder pour s’accouder et feindre d’être un peuple comme lesautres, bien installé dans l’un des pays de ses pérégrinations.
Aujourd’hui, grâce au Tout-puissant, une partie du peuple juif est installé surune partie d’une terre juive. Il est impérativement de notre devoir deconsolider cette installation.
La seule manière pour la diaspora d’y parvenir est de transformer en projetréel le voeu formulé en fin de Seder : “Leshana habaa biyeroushalayim”.Pourquoi ne pas remplacer le “noun” de leshana en “ayin” pour souhaiter plusrapidement l’“heure” prochaine à Jérusalem.
Cette année, une fois n’est pas coutume, le soir de Pessah tombe un Shabbat.Ces deux solennités, Yom Tov et Shabbat, uniront leurs forces dans la saintetéafin que doublement soit exaucée dans “Ashkivenou” la brakha : “Tu es source debénédiction Ô Eternel étends une tente de paix sur nous, sur tout Ton peupleIsraël et sur Jérusalem.” Amen.