Géraldine Nakache : « L’humour m’a toujours permis de dire les choses »

A 33 ans, cette surdouée de la comédie tourne pour la première fois en Israël. Et se livre avec pudeur sur sa famille et son travail.

P21 JFR 370 (photo credit: DR)
P21 JFR 370
(photo credit: DR)

Actrice,réalisatrice et scénariste à ses heures, Géraldine Nakache estincontestablement l’une des étoiles montantes du cinéma français. Ses premièresheures de gloire, elle les doit au succès de son film aîné Tout ce qui brille,sorti en 2009, trois ans après le début de sa carrière de comédienne. Succèscritique et commercial, l’opus sera nommé au César du Meilleur Film 2011 etvaudra le Meilleur Espoir féminin à Leïla Bekhti, qui partage l’affiche avecNakache. Deux années plus tard, Géraldine signera un nouveau long-métrage, NousYork. L’histoire d’une bande d’amis partis à la découverte de la Grande Pomme quine séduira pas autant que son premier opus. Mais le public a une vraieaffection pour cette actrice naturelle et pétillante. En 2006, la jeune femmede 26 ans est productrice sur la chaîne Comédie ! après être passéepar Canal+. Un hasard de casting et elle se retrouve sur Comme t’y es belle deLisa Azuelos, en compagnie de Michèle Laroque, Valérie Benguigui et Aure Atika.Le film fera un carton. Depuis, elle a parcouru un long chemin, qui l’a menéejusqu’en Israël.

Dans le premierlong-métrage de Shirel Amitay, Atlit (nom de travail), Géraldine Nakacheincarne Cali, une jeune femme qui revient dans l’Etat hébreu après le décès desa mère, pour y régler une histoire de succession avec ses deux sœurs. Le film,dont le scénario reste encore jalousement gardé, n’est pas loin du huis-clos.Il se déroule dans la maison maternelle, où une série d’aventures vont menerles trois femmes à se poser bien plus de questions que celles, tristes etclassiques, revenant habituellement à la famille d’un défunt.

Des comédiespêchues que l’actrice semble particulièrement affectionner, Géraldine Nakachepasse donc à un genre différent, un registre qu’elle explore pour la premièrefois au cinéma, à 33 ans. Celui du drame, de l’introspection profonde, sur le« sujet de la famille et de la place qu’on peut y avoir ». Lafamille, justement, semble être ce qui tient le plus au cœur de l’actrice…

Elle nous a faitpartager son univers, le temps d’une brève interview sur le tournage d’Atlit.Une réelle effervescence se dégage du jardin de la maison où sont tournées lesdernières scènes du film. Demain, l’équipe aura fait ses malles et tout auradisparu. Pour cet ultime jour de travail en Israël, le temps de l’actrice estcompté. Elle arrive, souriante, décontractée, mais pressée. C’est doncseulement à grands traits que nous brosserons son portrait.

L’humour enbandoulière

De son propreaveu, c’est sa famille qui fait avancer Géraldine Nakache. En rentrant à Paris,jure-t-elle, elle va « casser la gueule à ses neveux et réserver le mêmetraitement à son père pour son anniversaire ». Devant notre air incertain,l’actrice s’empresse de préciser : « casser la gueule de joie, biensûr ». Paris ne lui manque pas, mais ses proches beaucoup. Elle le dit àsa manière, avec l’humour familial : « A la maison, nous sommes trèspudiques. L’humour nous a toujours permis de dire les choses. C’est notrebouclier depuis que je suis petite. » Un humour qui a porté ses fruitspuisqu’en plus de Géraldine, la famille Nakache a aussi donné naissance àOlivier, connu pour avoir cosigné Intouchables avec Eric Toledano, un film quia fait plus de 50 millions d’entrées dans le monde…

Une joyeuse tribujuive d’où la comédienne tire sa force, donc, sans pour autant que ces racinesl’attachent particulièrement à l’Etat hébreu. « Bien sûr que j’ai un lienavec Israël, je suis juive, mais ce pays n’est pas dans mon histoire proche. Jesuis venue quelques fois pour des événements familiaux, jamais seule… »Elle qui se dit désormais « addict au houmous » évite ainsi de seprononcer sur des sujets d’actualité, le rapport à l’Etat hébreu et autresquestions politiques incontournables. Une attitude que l’on retrouve chez uncertain nombre de personnalités juives dans l’Hexagone, imprégnées des valeursde la laïcité républicaine, mais aussi des lois non écrites de l’industrieshow-biz où l’identité communautaire reste à manier avec des pincettes. Même sielle admet : « Jouer en Israël m’influence naturellement. Je pose mesyeux partout et c’est particulier de changer de culture. » Avantd’ajouter : « D’ailleurs, j’ai dorénavant une bonne raison pourrevenir : les gens que j’aime. J’ai fait de magnifiques rencontres, dontmes deux sœurs dans le film qui sont devenues comme mes vraies sœurs »,confie-t-elle.

L’affect et lafraternité, encore. Décidément, Géraldine Nakache est une instinctive.D’ailleurs, en s’entendant dire qu’elle est devenue une référence, enparticulier pour les jeunes, elle répond, gênée : « Merci, mais je necrois pas ». Réfutant le statut, elle balaye également de la main l’idéed’un parcours : « Mais qui pense à une carrière en 2013 ?Personne ! Tout peut s’arrêter du jour au lendemain… » Et decontinuer, très génération Y : « Moi, j’ai simplement envie d’être heureuse.J’ai de la chance, je peux choisir ce à quoi je donne mon temps. C’est un vrailuxe. Et l’amour gratuit que tu reçois des gens dans la rue est extraordinaire…Rien ne vaut les rencontres et les amitiés. » Enfin, conclut-elle,« l’important, c’est de continuer à fabriquer tant que tu as des trucs àdire ».

« Fabriquer »,dans son cas, c’est se mettre à l’écriture d’un nouveau scénario, dès l’annéeprochaine. Voilà un an qu’elle « fait l’actrice sans avoir écrit que déjàl’envie revient au galop ». « Actrice et réalisatrice, ce n’est pasdu tout le même boulot, ça me plaît d’être devant les caméras, mais ça me donneencore plus envie de retourner derrière, d’écrire », décrypte-t-elle. Uneinspiration qu’elle a aussi puisée chez la réalisatrice d’Atlit, Shirel Amitay.« C’est une bord-génie », s’enthousiasme-t-elle.

Sur quel sujet sefocalisera cette fois-ci son concentré de joie de vivre ? Parions que cene sera pas (encore ?) sur ses racines. Quand on l’interroge une dernièrefois sur Leila Behkti, sa collègue et meilleure amie d’origine algérienne ouencore son ex-mari réunionnais catholique, l’animateur et humoriste Manu Payet,elle ne cache pas son agacement. « Le jour où l’on ne se posera plus laquestion de savoir d’où la personne vient, on aura peut-être moins de tensionsau Proche-Orient », tranche-t-elle. Géraldine Nakache, ou l’humain avanttout.

© Jerusalem Post Edition Française – Reproduction interdite