L’histoire yéménite en images

Une nouvelle exposition chronique la vie des Juifs du Yémen dans l’Israël d’avant 1948

yemen (photo credit: © DR)
yemen
(photo credit: © DR)
Les clichés de Juifs yéménites sont parmi les images les plus iconiques de la Palestine pré-étatique. On peut ainsi trouver d’impressionnantes photographies d’individus de tous âges, généralement en peyot et habits traditionnels, dans tous les livres sur l’histoire d’Eretz Israël. Mais il semble que personne n’ait encore réuni des témoignages de la présence yéménite antérieure dans la région. C’est désormais chose faite avec l’exposition “Un portrait yéménite : photographie et mémoire 1881-1948”, inaugurée début janvier au Musée Eretz Israël à Ramat Aviv.
Un projet personnel du conservateur Guy Raz, qui se présente comme chercheur en histoire de la photographie locale. Il y a travaillé pendant 8 ans, passant de longues heures à chercher du matériel d’archives. Au total, il a réussi à dénicher plus de dix mille clichés, pris par les photographes les plus éminents de l’époque pré-étatique.
Comme Avraham Soskin, connu pour ses photos des premières années de Tel-Aviv. Ou Ephraïm Moshé Lilien, lui aussi très actif au début du 20e siècle. Plus tard, les Européens débarquent en Terre promise.Tels le Hongrois Zoltan Kluger ou le Français Helmar Lerski, qui vivra en Palestine de 1932 à 1948 avant de s’installer en Suisse.
Le pouvoir de la photographie
L’exposition comprend plus de 100 clichés, répartis en deux sections chronologiques : de 1881 à 1930 et de 1930 à 1948. Selon Raz, “les photographes de la première période sont tous originaires de Russie et de Pologne, et les seconds principalement d’Allemagne et d’Autriche”, ajoutant que les deux groupes ont approché leur sujet de façon très différente. “Tous les travaux exposés sont le fruit du travail de photographes ashkénazes européens.C’est donc une sorte de rencontre entre deux mondes.
Jusqu’en 1930, les artistes qui venaient ici avaient émigré de Russie et de Pologne, forts de leur approche romantique et orientale. Puis les Allemands et Autrichiens ont apporté avec eux un angle plus moderne et artistique, en particulier en ce qui concerne leur travail avec les Juifs yéménites”, explique le conservateur.
C’est très certainement son talent de chercheur qui lui a permis de mettre l’exposition sur pied : “La plupart des clichés proviennent des propres archives des photographes”, dit-il. “Je ne pouvais pas compter sur les albumsphotos des membres de la communauté yéménite. Il n’y a rien sur les premières années. L’archivage a surtout commencé après la création d’Israël. Donc à part les clichés conservés par certaines familles, la plupart ont été perdus”.
Raz a ainsi investi beaucoup d’énergie dans la recherche.Mais, ajoute-il, ces images ont une valeur ajoutée. “Il n’est pas impossible que des membres de la communauté yéménite qui viendraient au Musée puissent contempler des photos de famille dont ils ignoraient l’existence. Ce serait très réjouissant et émouvant si cela pouvait se produire. C’est le pouvoir de la photographie”.
Quand le politique se cache derrière la photo
Qu’y aura-t-il dans cette exposition que le public ne connaisse pas déjà ? “Chaque photographe a sa propre approche, et a immortalisé des choses différentes, de façon différente”, explique Raz. “Certains travaillaient à Jérusalem, d’autres à Tel-Aviv ou à Hadera, et tous utilisaient des techniques variées. Certaines images présentées sont des photos de studio, posées, d’autres, instantanées, ont été prises sur le vif”.
Des questions socio-politiques émergent aussi chez certains des artistes exposés. “Une des séries, par exemple, comprend 12 photos, dont 9 représentent les Yéménites du Kinneret”, note Raz faisant référence à un sombre incident du début des années 1930. Des Yéménites vivant au bord du lac de Tibériade ont été chassés par un groupe de kibboutzim du Kinneret. Pourtant, les premiers avaient investi les lieux un an plus tôt que les seconds.
“On voit très clairement à quel point ces Yéménites étaient pauvres, vêtus de haillons et vivaient dans des maisons miteuses”. Le conservateur admet une pensée politique derrière son projet “ Tout artiste, y compris les photographes, et j’en suis un, s’intéressent aux questions politiques et sociales à travers leur travail. Cela fait intégralement partie de ce que nous faisons. Il m’a donc semblé logique de monter une exposition qui permette de réfléchir sur ces sujets également”.
Outre les quelque 100 clichés présentés au public, l’installation comprend également deux courts documentaires.
Le premier date de 1913 et montre des étudiants de l’école d’arts Bezalel peignant et sculptant un modèle yéménite, le fondateur de l’institution Boris Schatz, à leurs côtés. Le second, réalisé par le père de l’industrie cinématographique en Israël, Natan Axelrod, en 1940, dépeint la vie des Juifs yéménites en Palestine.
Selon Raz, de nombreux clichés de la communauté yéménite existent encore. “L’histoire de la photographie s’est vraiment mise à évoluer ces 10 dernières années. Je pense que nous pourrons ouvrir d’autres expositions sur les Yéménites dans les années à venir”.