Que signifie pour vous être juif ?

Avec tous les problèmes actuels, une vision positive et avenante de ce que signifie être un Juif s’impose

Bougies (photo credit: DR)
Bougies
(photo credit: DR)
Pour beaucoup, être juif c’est avoir hérité de laShoah, d’innombrables pogroms, d’épreuves infinies de haine et souffrance.Comme si cela ne suffisait pas, le traumatisme du passé est intimement lié ànos peurs de l’avenir, sur fond de menaces militaires, d’isolement de plus enplus manifeste de l’Etat d’Israël et d’une hausse des actes antisémites dans lemonde entier.
Mais notre inquiétude ne doit pas nous entraîner dans le piège du pessimisme.Car il n’appartient pas à nos ennemis de façonner notre identité juive. Hanoukaest la fête par excellence qui rappelle à quel point il fait bon d’être juif.
Deux grands miracles ont eu lieu, voilà quelque 2 200 ans, lorsque le puissantEmpire grec était vaincu par la rébellion des Maccabées - les prêtres du . Le premierconsiste en la victoire militaire peu probable de ce groupe de prêtres et deleurs disciples, sur une superpuissance mondiale. Le second est conu pour êtrele miracle de l’huile. Lorsque les Maccabées sont entrés dans le Temple, commeil est relaté dans le Talmud, ils n’ont trouvé qu’un seul flacon d’huiled’olive pure pour allumer la Menora, censé se consumer en un jour. Mais lesbougies brûleront miraculeusement pendant 8 longues journées, temps nécessairepour rapatrier d’autres fioles d’huile.
Lorsque nous allumons des bougies de Hanouka, nous célébrons le second miracleet non le premier. Bizarre, non ? Sur une échelle de valeurs, la défaite d’unempire mondial face à un groupe de prêtres n’est-elle pas plus impressionnante,et d’importance historique plus marquante, que le nombre de jours où une huilea brûlé ? Pourquoi, alors, célébrer ce miracle en apparence plus minime ? SelonRabbi Meir Simha Hakohen de Dvinsk (1843- 1926) et son commentaire sur leHoumash, nos Sages ont modelé Hanouka sur le prototype des autres fêtes juives: ne pas mettre l’accent sur la défaite d’autrui, mais plutôt sur les objectifspositifs atteints par le peuple juif. Ainsi, Pessah est appelée “ZmanHerouteinou”, le temps de notre liberté, et non “le temps de la chute del’Égypte”.
“Es iz shver tsu zayn a Yid”
De la même façon, Hanouka ne commémore pas ladéfaite des Grecs, mais plutôt la restauration du Temple et, surtout, celle laMenora, symbole de la lumière des valeurs Torah.
Et ce, pour une raison morale très simple : célébrer la souffrance d’autrui estune preuve d’insensibilité. Selon le Midrash, alors que l’armée égyptienneapeurée se noyait en mer Rouge, les anges ont voulu chanter des louanges. MaisDieu les a réprimandés : comment pouvaient-ils chanter quand Ses proprescréations dépérissaient ? Autre explication, d’ordre existentiel : Hanouka necélèbre pas la bataille remportée sur nos ennemis, mais l’allumage des flammesdes valeurs de la Torah à travers le monde. La bataille des Maccabées n’est passimplement une lutte face à des ennemis jurés, voués à la destruction de notrepeuple, mais un combat pour la Torah et ses lois.
Hanouka nous enseigne donc que l’identité juive ne doit pas être définie par lecombat avec nos ennemis, mais plutôt par la vision morale et les valeursinstituées par Dieu.
La souffrance et l’antisémitisme ne doivent pas sculpter l’identité juive, etce, pour trois raisons : ne pas donner trop d’importance à nos ennemis,auxquels on octroierait alors le privilège de nous définir. Ensuite, ne pascréer une identité enracinée dans la négativité et la douleur, car ce genre dejudéité n’est pas durable : qui voudrait se lier à une telle destinée ? Commel’a si bien dit le Rav Moshé Feinstein, une expression en yiddish illustreparfaitement la disparition des valeurs juives chez la première génération deJuifs américains : “es iz shver tsu zayn a Yid”, il est difficile d’être juif.
Troisièmement, enfin, nous définir par un passé de souffrances renforce l’idéeque notre existence n’est qu’une question de survie. Contrairement aux animaux,les êtres humains ont été créés, non seulement pour survivre, mais pour vivreavec le but suprême d’une Mission divine, une vocation que nous portons dansnotre âme.
Retrouver nos véritables valeurs morales
Pour trop de nos coreligionnaires, dessiècles de pogroms et d’oppression ont défini leur judaïsme. Si la Halakha nousordonne de nous souvenir et d’honorer les victimes de l’antisémitisme, depleurer les épreuves et destructions les jours de jeûne ou les jours de deuilnational, la douleur ne saurait dominer notre essence.
Elle s’encastre dans un ensemble beaucoup plus vaste et positif.
Les Maccabées, les prêtres fidèles et dévoués du , ont combattu pour la liberté parceque leur vision était fondée sur les valeurs juives authentiques de notreTorah. Lorsque nous allumons les bougies de Hanouka, nous fêtons le privilèged’avoir un système de valeur, représenté par les flammes rougeoyantes de laMenora, qui illuminent ce monde obscur.
Ces valeurs nous dictent nos responsabilités morales et nous orientent sur lafaçon d’être un bon parent, un enfant respectueux, un conjoint aimantdéfinissent l’honnêteté, l’intégrité, la générosité et la compassion ; nousenseignent comment faire fonctionner un gouvernement et l’économie d’un pays,comment établir des tribunaux et ce qu’est la justice, comment se connecteravec Dieu, comment prier et apprendre ; comment pratiquer la médecine et ledroit, comment comprendre la science, la psychologie et l’histoire ; commentêtre éthique dans les affaires et généreux dans les bonnes oeuvres, et commentvivre une existence remplie de sens, selon la volonté de Dieu.
Et c’est justement ce modèle d’identité juive positive qui est la clé de notreavenir. Le sionisme doit se libérer de l’aspect négatif de l’antisémitisme.Certes, Théodore Herzl a exploité l’idée d’un Etat juif après avoir été témoinde l’affaire Dreyfus. Il s’agissait pour lui d’un moyen de mettre fin àl’antisémitisme. Mais l’Etat d’Israël ne peut avoir pour seule essence la fuitede la haine.
Amère ironie de l’histoire, Israël est pourtant bien devenu un paratonnerreface à l’antisémitisme mondial.
Et cette bénédiction d’une patrie juive, qui fait office de refuge, ne sauraitêtre sous-estimée. Aucun pays n’était prêt à accepter les Juifs fuyant Hitler.Pour autant, le sionisme ne peut simplement se réduire à une question desurvie. Il doit également s’exercer comme l’accomplissement de notre divine.

Avec tous les problèmes actuels, une vision positive et avenante de ce quesignifie être un Juif s’impose. Et elle se trouve uniquement à la lumière de laMenora.
La seule forme d’identité juive qui a perduré, nourri et inspiré desgénérations de Juifs, depuis des milliers d’années, est une identité enracinéedans la Torah. C’est du moins ce que l’histoire a prouvé.
Réunis autour des bougies de Hanouka, observons les lumières et intériorisonsce qu’elles représentent : la lumière de nos valeurs, notre sens et notre but,l’accomplissement d’une mission noble et divine et le privilège et la joie denotre patrimoine juif.

L’auteur est le Grand Rabbin d’Afrique du Sud.