Après le printemps, l’hiver

Entre poussée islamiste et instauration de zones de non-droit, le Printemps arabe a compliqué l’approche d’Israël face à ses voisins de la région

Printemps arabe (photo credit: Reuters)
Printemps arabe
(photo credit: Reuters)

Il y a un an, Muhammad Bouazzi, vendeur de rue tunisien,s’immolait pour protester contre les injustices politiques et sociales de sonpays. Les flammes qu’il allume se répandent alors comme une traînée de poudredans tout le Moyen-Orient arabe, terres brûlées par la dictature, la censure,une extrême inégalité, la brutalité et la peur.

Pour tous ces foyers de colère, la technologie a constitué un précieuxcombustible. Les jours où les régimes arabes pouvaient monopoliserl’information et diffuser leur propagande sur une unique chaîne de télévisionsous contrôle de l’Etat sont révolus.
Aujourd’hui, chaque citoyen doté d’un Smartphone et d’une connexion Internetpeut devenir son propre correspondant ou expert. En 2011, le navire del’information contrôlé par le gouvernement a heurté un iceberg. Avant desombrer.
Peu de temps après, c’était au tour des dirigeants de Tunisie, d’Egypte, deLybie, et du Yémen de tomber comme des dominos. Le régime alaouite du présidentsyrien Bashar Assad a, lui, massacré des milliers de Sunnites tout enréussissant - pour l’heure - à se maintenir en place. Des conflits sectairesont déchiré Bahreïn. Et l’Irak, privé de la présence américaine, pourrait nepas survivre sans heurts l’année prochaine. La région se trouve sur des cheminsde traverses.
De par le monde, les champions de la démocratie libérale applaudissent demanière impulsive. Mais en Israël cependant, les claps se font plus rares. Nonpas parce que les Israéliens ne souhaitent pas voir leurs voisins arabes vivreen démocratie dans des sociétés prospères, mais plutôt l’inverse.
La montée en puissance des forces islamistes

Pour être au coeur du Moyen-Orient, Israël est familier avec la marée fondamentaliste qui a progressivementenvahi la région.

De nombreux observateurs israéliens savent que des changements trop brusques etanarchiques ne permettent généralement pas de libérer les forces modérées etdémocratiques. Mais déclenchent plutôt des mouvements et idéologies fanatiques,comme ceux qui couvent depuis des décennies au sein des Etats arabes.
Sans surprise, le Printemps arabe est en train de devenir un sombre hiver. Lepays le plus important qu’est l’Egypte vient juste de terminer deux des troisétapes électorales en accueillant au pouvoir le mouvement islamiste etfaussement pragmatique des Frères musulmans. Le parti salafiste encore plusintransigeant de Al- Nour occupe une solide seconde place. Quant aux libérauxlaïcs et de gauche, ils ne constituent qu’un minuscule spot sur l’écran radar.
Conclusion : Israël doit maintenant se préparer à une Egypte gouvernée par lesFrères musulmans, ceux-là mêmes qui ont mis en place le Hamas à la tête d’unrégime de infesté par le terrorisme.
Les forces militaires égyptiennes, aussi impopulaires qu’elles puissent être,sont la seule organisation qui puisse freiner le nouveau gouvernementislamiste. Et si l’armée - qui tient bon pour rester au pouvoir - devaitdisparaître de la scène en tant que force politique, le traité de paix avecl’Egypte pourrait bien se voir rétrograder jusqu’à une trêve difficile dans lemeilleur des cas.
Même si considérablement moins plausible, un scénario identique est aussienvisageable en Jordanie. La cour royale des Hachémites bénéficie d’unepopularité jamais égalée par Hosni Moubarak. Mais comme l’a montré 2011, il estimpossible de savoir de quoi demain sera fait. A noter que les islamistes ontégalement accédé au pouvoir en Tunisie.
Remise en cause de l’ordre dans la région

Outre la prise du pouvoir des régimesislamistes, l’effondrement de l’ancien ordre dans la région a engendrél’apparition de zones libres de tout gouvernement souverain. Un phénomènesurtout notable dans la péninsule du Sinaï.

Là, des organisations terroristes du Jihad tirent tous les avantages de larupture entre lois et ordre pour installer les bases de leur fonctionnement.
A savoir, trafic d’armes et complots en vue d’attaques.
Au nord, un ennemi traditionnellement problématique qu’est la Syrie implosedans un état de guerre civile. Israël doit avant tout garder un oeil surl’arsenal d’armes de Damas, lequel comprend des missiles chimiques, qui aupremier signe pourrait être transféré aux mains du Hezbollah.
D’une perspective israélienne, l’effondrement du régime d’Assad apporterait desrésultats mitigés. La bonne nouvelle serait qu’un allié pro-iranien et unsponsor clé du Hezbollah disparaîtrait de la scène.
La capacité de l’Iran à transférer des armes vers ses Chiites dans le sud duLiban en serait gravement endommagée et la force d’appui de Téhéran dans l’estde la Méditerranée serait minimalisée.
Mais la mauvaise nouvelle serait qu’un gouvernement islamiste sunnite pourraitremplacer Assad et allier ses forces avec d’autres nouveaux gouvernementssunnites tels que l’Egypte.
Peut-être que le plus frustrant est encore l’échec de la ferveur du Printempsarabe à atteindre l’Iran où l’opposition panse toujours ses blessures aprèsavoir été ravagée par les hommes de main de l’ayatollah Ali Khamenei en 2009.
En outre, au milieu de ce désarroi, l’Iran continue sa course à l’armementnucléaire. Le temps est compté pour Israël afin de prendre une décision sur lamanière de procéder. Dans un environnement aussi instable, l’option d’unefrappe sur le programme nucléaire iranien devient bien plus compliquée.