Le chaud soutien du Grand Nord Le Canada, cet ami venu du froid.

Sans doute le meilleur allié d’Israël à l’heure actuelle. Voilà ce qu’est venu déclarer John Baird, son ministre des Affaires étrangères.

Chaud soutien du grand nord (photo credit: Reuters)
Chaud soutien du grand nord
(photo credit: Reuters)

Au programme des discussions : l’Iran, le processus de paixet les dangers de l’antisémitisme The Hill Times est un hebdomadaire politiquecanadien. Il a récemment publié son classement annuel des 100 hommes politiquesles plus influents du pays. John Baird, 42 ans et ministre conservateur desAffaires étrangères, y figure en troisième position.

Parmi les questions qui lui ont été posées par le magazine : “Si vous n’étiezpas en politique, qu’aimeriez-vous faire ?”. Baird a alors fourni une réponsemémorable : “Probablement travailler dans un kibboutz en Israël.”
Mais une telle réponse ne surprendra pas ceux qui ont déjà eu l’opportunitéd’entendre Baird tant lors de conversations privées que d’apparitionspubliques, comme fin janvier à la Conférence d’Herzliya. L’homme, en postedepuis mai 2011, ne cache pas son amour pour la Terre sainte.
Et il n’est pas le seul. Depuis l’arrivée au pouvoir de Stephen Harper en 2006,le est passé du statut d’ami modéré d’Israël, quelque part entre les Etats-Unis etl’Union européenne, à celui de meilleur ami de l’Etat juif. Pour l’heure, aucungouvernement n’est aussi favorable à Jérusalem que celui que dirige Harper.
Et cet amour est réciproque. Selon un Baird disponible et informel (il sort del’ascenseur à notre rencontre dans un hôtel de Tel-Aviv, sans gardes du corps,se présentant tout simplement comme “John”, en bras de chemise et ressemblant àn’importe quel touriste), une des frustrations de la vie politique est lemanque de reconnaissance.
“La chaleur de la réception des officiels canadiens en Israël est justeincroyable”, s’extasie-t-il. “On m’en avait parlé auparavant, mais c’est unvrai plaisir, parce que bien souvent vous faites des choses pour vosadministrés sans recevoir beaucoup de reconnaissance en retour. Mais ici,diable, ce n’est pas le cas.” Extraits.
Vous avez déclaré lors de votre discours à Herzliya qu’Israël n’a pas demeilleur ami que le .D’où cela vient-il ? Du Premier ministre Harper ? De vous ? Du peuple canadien? Ça n’a pourtant pas toujours été le cas.

Tout d’abord, cela s’inscrit dans la direction impulsée par le Premierministre. Il n’y a pas d’ambiguïté morale, il n’est pas du genre à croire aurelativisme moral. Il tient une position ferme sur ce point. Et il existe,d’autre part, certains ministres, moi y compris, qui sont des passionnésd’Israël.
Je me rappelle venir ici [il y a un certain nombre d’années] et parler àl’ambassadeur du ,lui demandant pourquoi notre pays est tellement contre Israël. “Que voulez vousdire ?” m’a-t-il répondu. “Toutes ces résolutions à l’ONU”, insistai-je. Quandil me dit qu’elles ne veulent rien dire, ma réponse fut : “Si elles ne veulentrien dire, pourquoi voter en leur faveur ?” Sur quoi l’ambassadeur conclut :“Oh, cela se passe comme ça tous les ans.”
Beaucoup de Canadiens sont d’accord avec nous, d’autres non. Mais M. Harper afait savoir, comme moi à de nombreuses reprises, que trop souvent de par lepassé la politique étrangère du a été de “s’entendre pour s’entendre”. C’était plus facile ainsi. Faire commeauparavant ou suivre le consensus régnant chez nos alliés. Mais maintenant nousbasons notre politique étrangère sur des valeurs et des principes.
Est-ce que cette position du Premier ministre trouve dans des motifs religieux ?

Non, je nepense pas. De même pour moi. Après la Shoah, il est d’une importance capitalequ’il y ait une patrie pour les Juifs, un Etat juif qui soit un lieu de refuge.Dans cette région aujourd’hui, il n’y a qu’une démocratie libérale, qu’unendroit qui donne de la valeur et respecte la démocratie, les droits de l’Hommeet l’Etat de droit. Et c’est notre allié.

Mon grand-père a combattu en 1942 ; le grand combat de son temps n’était autreque le fascisme puis le communisme. Celui de notre génération c’est de lutter contrele terrorisme. Trop souvent Israël y est sur la ligne de front et il est doncd’une importance cruciale de prendre position et de soutenir ouvertement notreallié et ami.
Qu’en pense-t-on au ?

Nous ne faisons pas cela en vue d’obtenir des gains électoraux. La politiqueétrangère ne fait pas vraiment débat dans la vie politique canadienne.

Qu’en est-il du vote juif ?

Regardez, on dénombre 2 800 Juifs dans macirconscription d’Ottawa, pour 11 500 Musulmans et Arabes.

Donc là encore les considérations électorales ne rentrent pas en ligne decompte. Evidemment, nous avons obtenu le soutien de la communauté juive du , maiscela ne s’est pas fait dans une optique électorale.
Est-ce que ça pourrait être à l’inverse un obstacle en termes politiques ?

Quand vous défendez des valeurs et défendez une juste cause, vous n’êtes jamaishandicapé.

Et dans le monde ? Est-ce que l’influence du en a diminué du fait de son soutien àIsraël ?

Si, en tant que ministre des Affaires étrangères, mon travail était deme lever le matin en me demandant comment être populaire, je ne choisiraissûrement pas ces prises de position. Mais Israël n’est pas non plus un fardeau.Certains ne partagent pas notre point de vue, ne sont pas d’accord avec notreintervention débridée dans les forums internationaux. J’étais dans le Golfe[persique] cinq jours durant fin novembre et un des journalistes canadiensprésent a déclaré : “Baird va dans le Golfe. Son soutien à Israël sera pour luicomme une épine dans le pied cinq jours durant”. Mais personne n’a soulevécette question. Pas un.

Des gens peuvent ne pas être d’accord avec nos prises de positions mais ilsrespectent nos différences.
Qu’en est-il de l’Europe ?

Il est vrai que le Premier ministre Harper a dûbatailler ferme pour obtenir une déclaration équilibrée sur la question duconflit israélo-palestinien lors du G-8 [en mai dernier en France, le Canada aété crucial quand il s’est agi d’éviter toute mention aux lignes d’armisticesd’avant juin 1967 comme base d’un accord de paix]. Bien sûr il serait plus aiséque le Canada se taise, s’assoit dans un coin et ne cause aucun débat lors detelles rencontres. Mais notre courage nous a valu le soutien du président Obamasur ce point par exemple.

Pour autant, n’est-ce pas un poids pour votre stature dans le monde ?N’avez-vous pas perdu un vote d’acception au Conseil de sécurité de l’ONU en2010 [le siège de membre temporaire étant finalement remporté par le ] dufait de votre position proisraélienne ? Evidemment, cela ne nous a pas aidéspour le Conseil de sécurité. Je ne pense pas qu’il y ait une raison unique àcet échec, mais Israël en fait sûrement partie, certes.
Que pouvez-vous nous dire sur vos liens avec ? Quand il y avait des tensionsconsidérables entre Obama et Netanyahou, est-ce que le a jouéun rôle d’intermédiaire ?

J’espère que le Premier ministre d’Israël n’aurajamais besoin de l’intermédiaire du Canada pour contacter Washington.

Si le Canada est le meilleur ami d’Israël, où se situent les Etats-Unis ?

LesEtats-Unis sont un bon ami, j’aime à penser que nous sommes meilleurs.

Comment cela se manifeste-il ?

Prenez l’exemple du communiqué du G-8. Il faitréférence au discours d’Obama. Mais si nous poussons dans les détails enparlant des “frontières de 1967”, alors parlons d’Israël comme Etat juif.Parlons d’un futur Etat palestinien démilitarisé. Si vous voulez rester dansles généralités c’est possible, si vous devenez spécifique, alors il faut quedes éléments en faveur d’Israël soient inclus dans la déclaration.

Donc vous vous êtes opposés aux Etats-Unis sur ce point ?

Oui, et au final leprésident Obama a été très favorable.

Au sujet du processus diplomatique avec les Palestiniens, sommes-nous bloqués? Nous essayons la même chose encore et encore depuis , sans faire de progrès. Que recommanderiez-vous pour faire avancer les choses ?

Je ne dirais pas quenous n’avons pas avancé depuis . J’ai visité Ramallah et il y a une Autorité palestinienne avec un président etun premier ministre. Leur capacité en termes de sécurité s’est beaucoupaméliorée ces dernières années.


Mais tout le paradigme selon lequel nous pouvons négocier une solution...
Je ne pense pas qu’il y ait d’alternative. C’est peut-être peu séduisant, maisc’est notre meilleure et seule solution. Je ne vois pas comment qui que ce soit peut imposer la paix, je ne vois pascomment qui que ce soit peut imposer la sécurité. Au final on veut un accord etune solution, mais aussi être capable de se serrer la main et de vivre en paixet en harmonie. Je ne vois pas comment le faire sans négociations.
Il y a deux ans le a coupé son soutien financier à l’UNRWA.
Certains à l’ONU traitaient le comme un distributeur automatique : nous sommes la 17e plus grande économiemais le 7e contributeur [à l’ONU].

Mais est-ce que ce changement dans votre politique envers l’UNRWA illustrel’idée selon laquelle il est temps de trouver une solution définitive pour lesréfugiés palestiniens et ne plus les laisser dans des camps ?

Je ne vais pasm’aventurer dans ce champ de mines. J’étais à Davos il y a peu où j’ai discutélonguement avec un de mes prédécesseurs d’un autre parti, John Manley. Il afait quelques déclarations à ce sujet et son effigie a été brulée à Ramallah.Donc je choisirais très soigneusement mes mots sur cette question. [En 2001,Manley avait déclaré que le était prêt à accepter sur son territoire des réfugiés palestiniens dans lecadre d’un accord de paix et à participer au financement d’un fonds consacré àleur réinstallation.]

J’ai récemment rencontré un diplomate européen quipense que pour obliger les Palestiniens à négocier il faut jouer avec l’aidefinancière. Mais l’opinion publique ne l’acceptera jamais selon lui. Qu’enpensez-vous ? Nous avons un partenariat d’aide au développement de 300 millionsde dollars avec l’AP. Cet argent va pour l’essentiel à l’accroissement descapacités palestiniennes en termes de sécurité, police et justice. Ce sont, selonmoi, des éléments positifs, non seulement pour le peuple palestinien maiségalement pour les Israéliens. Nous voulons un Etat [palestinien] vivant,prospère et sûr.

Je pense que le coeur de nos investissements permet d’accomplir de grandeschoses. Je pense que le gouvernement Fayyad réalise une success storysilencieuse. La sécurité s’est améliorée de façon tout à fait considérable enCisjordanie. L’économie aussi, même si de façon irrégulière. Bien sûr, sur la question de l’adhésion à l’ONU nous avons des points de vuedivergents. Mais je ne pense pas que les menaces soient le meilleurencouragement possible.
Mais si vous ne menacez pas les parties, comment comptez-vous les ramener àla table des négociations ?

Regardez ce qui s’est passé fin 2000 [à la suitedes négociations de camp David]. Il y avait une grosse pression extérieure pourarriver à un accord et quand tout s’est effondré, les conséquences sur leterrain n’ont pas été très jolies [le déclenchement de la seconde Intifada]. Jepense que les encouragements peuvent être efficaces, et moins risqués.

Dans votre discours d’Herzliya, vous citez Winston Churchill sur les dangersd’apaiser le fascisme.L’Occident n’apaise-t-il pas le terrorisme aujourd’hui ?

Le terrorisme est unfléau qui requiert un leadership pour l’affronter. Il n’y a pas de place àl’ambiguïté morale. C’est le grand combat de notre génération. Je suis descendu à Sderot plus tôtdans la journée. Le terrorisme ne se limite pas au décompte des morts et desblessés. Que peut dire une mère à son enfant qui ne peut s’endormir la nuittant il a peur ? Il y a des enseignants qui apprennent par jeu à leurs élèvesque faire en 15 secondes [pour arriver aux abris]. Il règne là-bas une culturede la peur à cause du terrorisme et de la menace du terrorisme. C’est difficileà quantifier, contrairement aux victimes physiques.

L’Occident a-t-il fait tout ce qui est en son pouvoir pour affronter leterrorisme ?

Je pense qu’en ce qui concerne le oui. Nous sommes très clairs: le Hamas est sur la liste des entités terroristes et nous n’avons aucuncontact avec lui. Je pense que c’est la bonne chose à faire.

Quel a été votre message en direction des dirigeants palestiniens lors devotre rencontre avec eux ?

Ecoutez, il y a beaucoup de domaines pour lesquelsnous sommes d’accord, d’autres où nos différences d’approche sontsubstantielles. Je pense que beaucoup d’entre nous, Occidentaux, sontimpressionnés par les talents d’administrateur de Salam Fayyad. C’est un leaderbon, fort, qui obtient des résultats.

Quant au président Abbas, je l’ai trouvé honnête et droit, ce qui estrafraîchissant.
Quelle serait la politique du si Abbas formait un gouvernement avec le Hamas ? Nous sommes opposés auterrorisme. Telle est notre politique, elle est d’une clarté cristalline.

Romperiez-vous le contact avec l’AP ?

Nous ne travaillerons pas avec desterroristes.

Qu’en est-il d’Israël ? Que souhaiteriez-vous obtenir de Netanyahou ?

J’ai euun entretien intéressant avec le Premier ministre. Nous avons eu un échange excellent. Je pense que des bons amis doivent avoirdes conversations honnêtes. Ça été le cas de façon réciproque, mais celarestera privé.

Souhaitez-vous un gel des constructions dans les implantations ?

Je pense queles mesures unilatérales n’aident pas. Je ne me rappelle pas avoir vu desrésultats fantastiques la dernière fois qu’un tel gel a été imposé pendant dixmois, ou quand Israël s’est retiré de ou du Sud-Liban. Je pense qu’il faut négocier sans conditions, et arrêter,comme l’a dit Netanyahou lors de son discours à l’ONU, de négocier desnégociations.

Au sujet de l’Iran, que savons-nous exactement de ce qui se passe là-bas ?

Ceque nous savons, c’est que le régime au pouvoir enrichit de l’uranium etdispose d’un programme d’armement nucléaire en cours. C’est indiscutable. Nousconnaissons également le soutien de l’Iran envers des organisations terroristesde la région, que ce soit le Hamas, le Hezbollah ou le Djihad palestinien. Etinutile de rappeler l’état honteux des droits de l’Homme d’un point de vueinterne, qui se dégrade un peu plus encore.

Que faudrait-il faire pour lutter contre ces problèmes ?

Nous devons prendretoute mesure diplomatique qui contraindrait le régime à changer de politique,notre premier choix étant bien évidemment de voir le peuple iranien réaliserces changements par lui-même.

L’Occident aurait-il commis une erreur en 2009 en s’abstenant de souteniractivement le mouvement protestataire iranien ?

Je n’étais pas ministre desAffaires étrangères à l’époque, donc je n’ai pas suivi d’assez près l’évolutionde la situation pour vous donner une réponse conséquente. Le changement esttoujours meilleur venu de l’intérieur, comme nous l’avons vu en Libye. Maisl’Iran est la préoccupation numéro un en relations internationales aujourd’hui.

Que voulez-vous dire ?

Avec la Syrie, ce sont les deux pays dont vous pouvezêtre sûrs qu’ils seront au menu de n’importe quelle rencontre, n’importe quelforum. C’est une menace énorme pour le monde. Nous ne craignons pas simplementun nucléarisé ou que cela entraîne une course aux armements de la part de sesrivaux. Je crains que ces armes soient utilisées. Trop souvent, ces armes sont fournies à des alliés, et l’Iran a le pire cercled’amis dans le monde aujourd’hui. Ils sont incroyablement dangereux, cela nefait aucun doute.

Craignez-vous un retour de bâton contre les Juifs si le baril de pétroledevait monter à 150 dollars du fait des sanctions contre l’Iran ?

Je ne voispas de corrélation. Longtemps j’ai considéré l’Iran comme une menace pourIsraël. Mais c’est une menace pour le monde arabe, pour le Canada, pour la paixet la sécurité internationales dans leur ensemble.

En quoi est-ce une menace pour le Canada ?

C’est le propre d’une course auxarmes nucléaires. Et si elles sont utilisées contre un ami, un allié, c’estinimaginable. Je pense que nous observons l’émergence d’un nouvel antisémitisme dans le mondeà travers la délégitimisation de l’Etat d’Israël. Au , cela s’est manifesté par lasemaine de l’apartheid israélien dans des universités.