Le jour où la Palestine est devenue membre à l'ONU

138 Etats ont voté en faveur d’une adhésion palestinienne à l’Assemblée générale.

P5 0512 521 (photo credit: Reuters)
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65 ans plus tard, jour pour jour. Alors quele 29 novembre 1947, l’ONU avait voté pour le plan de partage de la Palestinemandataire en deux Etats - résolution acceptée par les Juifs et rejetée par lesPalestiniens -, le même corps a approuvé l’adhésion de la Palestine à sonAssemblée générale en tant que membre observateur permanent, le 29 novembre2012. 138 Etats ont voté pour, 9 ont voté contre et 41 se sont abstenus.
« Le temps est venu pour que la communauté internationale dise clairement : nonà l’agression, les implantations et l’occupation », a lancé le chef del’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas devant la salle comble de l’Assembléegénérale de l’ONU. « Nous ne sommes pas là pour délégitimer un Etat établivoilà des années, à savoir Israël, mais au contraire pour affirmer lalégitimité d’un Etat qui doit aujourd’hui parvenir à son indépendance, à savoirla Palestine », a-t-il déclaré.
Et de continuer : « Nos efforts ne sont pas destinés à achever ce qui resteaujourd’hui des négociations de paix, qui ont perdu leur objectivité et leurcrédibilité, mais plutôt à essayer d’insuffler un nouveau souffle au processuset le consolider à la base, grâce aux résolutions internationales, afin que lesnégociations aboutissent ».
Selon Abbas, les Palestiniens n’accepteront rien de moins que « l’indépendancede la Palestine, avec Jérusalem-Est pour capitale, sur tous les territoirespalestiniens occupés en 1967 et une solution pour les réfugiés sur la base dela Résolution 194, afin de vivre en paix et en sécurité aux côtés de l’Etatd’Israël ».
Le Premier ministre Binyamin Netanyahou a condamné la violente charge d’Abbascontre Israël, la qualifiant d’« hostile et empoisonnée » et de « faussepropagande ». « Je n’entends pas les propos d’un homme qui souhaite la paix »,a rétorqué Netanyahou dans un communiqué. Le dirigeant palestinien n’a en effetpas manqué de réitérer ses accusations de crimes de guerre, nettoyage ethniqueet dépossession de biens envers l’Etat hébreu.
Les 8 pays opposés à la démarche palestinienne étaient : les Etats-Unis,Israël, le Canada, la République tchèque, les îles Palaos, la Micronésie, laRépublique de Nauru, le Panama et les Iles Marshall. 
Une défaite pour ladiplomatie israélienne 
Le vote signe l’isolement de Jérusalem sur la scèneinternationale. Analyse.
Ce n’est pas une surprise. Mais cela n’en demeure pasmoins une cuisante défaite pour Israël. Cuisante parce que Jérusalem avaitnotoirement tenté de faire échouer la démarche palestinienne. Des membres dugouvernement avaient même évoqué un bloc de 40 à 50 Etats, composé des «démocraties dites de qualité », qui auraient accepté de s’abstenir, voire devoter contre l’initiative.
Si l’Etat hébreu avait adopté, il y a plusieurs mois, la ligne établie troisjours avant le vote, qui consistait à minimiser la manoeuvre en la faisantpasser pour inutile, la défaite aurait été moins lourde. Mais plus grandes sontles attentes et plus dure est la chute. En l’occurrence, il y avait l’espoirque l’Union européenne, en tant que bloc, s’abstienne et que d’autres grandesnations telles que le Japon et la Corée du Sud – voire même l’Australie - selaissent convaincre de voter contre.
C’était plus qu’un espoir. Le Premier ministre Binyamin Netanyahou et leministre des Affaires étrangères Avigdor Liberman ont ardemment plaidé leurcause au cours des derniers mois. Bibi a appelé plusieurs de ses homologuespour leur demander de ne pas soutenir l’initiative palestinienne, tandis queLiberman a sillonné les capitales étrangères pour tenter de bâtir ce que leministre adjoint aux Affaires étrangères Danny Ayalon avait un jour surnommé «une minorité morale ».
Renforcer Mahmoud Abbas 
Que ces efforts aient échoué soulèvent une seule etunique question : pourquoi ? Réponse : pour deux raisons principales. Lapremière a trait avec le récent conflit armé à Gaza et la seconde avec lesimplantations et la stagnation du processus de paix en général. ConcernantGaza, l’opération et « Pilier de défense » et le fait que Mahmoud Abbas soitapparu comme le grand perdant de cette crise ont contribué à convaincre lesgrandes démocraties de voter en faveur de l’adhésion palestinienne.
L’UE, qui soutient Abbas et l’Autorité palestinienne à raison de milliardsd’euros, ne peut pas rester sans rien faire face au déclin de Ramallah. Lesdirigeants européens répètent depuis des années que davantage doit être faitpour soutenir le leader palestinien, et ces appels se sont fait plus pressantsencore après la campagne à Gaza. Abbas y est en effet apparu comme sur le pointde tomber dans l’insignifiance. L’UE, voulant lui redonner une stature, s’estdit qu’une victoire à l’ONU pourrait précisément atteindre l’effet recherché.
Car si le dirigeant palestinien s’était heurté à la résistance des grandespuissances à l’ONU, il serait rentré tête basse à Ramallah. Le Hamas a claméune victoire militaire après « Pilier de défense », mais après le 29 novembre,le Fatah peut, lui, revendiquer une victoire diplomatique. Certes, ces deuxsuccès sont illusoires car un Etat « perçu » virtuel n’est pas véritablement unEtat. Un Etat véritable a de vraies frontières, une vraie autorité et une vraiesouveraineté.
Lassitude européenne 
Mais la défaite d’Israël est ailleurs. Après avoirsystématiquement repoussé les demandes de l’EU, l’Etat hébreu s’attendaitpourtant à obtenir le soutien de ses membres. Or, l’Europe a récemment pris ladécision stratégique de s’opposer avec force, cris et vociférations à toutenouvelle construction dans les implantations, y compris dans les quartierspost-1967 de Jérusalem, tels que Ramot, Guilo et Pisgat Zeev.
En réponse, l’Etat juif a délibérément choisi d’ignorer ces protestations. Unestratégie payante jusqu’à un certain point : le moment où Israël a eu besoin del’Europe.
On peut débattre de la légitimité de l’attitude israélienne face aux requêteseuropéennes, mais on ne peut certainement pas s’étonner que l’EU n’apporte plusson soutien à Jérusalem en des échéances comme celles-ci. La construction desimplantations et l’absence d’initiative diplomatique israélienne a érodé lesoutien d’Israël à un point que certains ne font que réaliser à présent.
Ce qui ne signifie pas pour autant que, s’il n’y avait pas de construction dansles implantions et que Netanyahou avait fait une offre généreuse auxPalestiniens, l’Europe aurait répondu présente. Israël serait bien mal avisé decompter sur des Etats tels que l’Irlande, le Luxembourg, l’Espagne, lePortugal, la Belgique, l’Autriche ou encore la Suède dans ses bataillesdiplomatiques. Mais que l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas ou la Bulgarie nesoutiennent plus l’Etat hébreu devrait tirer la sonnette d’alarme.