Tous égaux ?

Renaud Camus, écrivain et président du parti In-nocence, revient chahuter sur le thème du “Grand Remplacement” dans son ouvrage éponyme paru aux Editions David Reinharc

RCamus (photo credit: Caroline Duffaut)
RCamus
(photo credit: Caroline Duffaut)

Le titre du livre de Renaud Camus, Le Grand Remplacement, nepeut pas être plus explicite.

Selon l’auteur, les Français sont devenus “remplaçables”.
Autrement dit, ils perdent peu à peu leur identité. “On est françaisessentiellement par la naissance et par les aïeux, par la famille.” DanielReinharc, son éditeur, adhère à cette idée de grand remplacement à l’œuvredans l’Hexagone. Issu d’une famille juive ashkénaze déportée à Auschwitz, la question de remplacer un peuple par unautre le touche tout particulièrement.
“Pour les nazis, l’homme était remplaçable. Les détenus étaient tatoués,n’étaient plus qu’un matricule”.
Or dans le judaïsme, partie intégrante de l’ADN de la petite maison d’édition,il faut défendre le nom propre.
Reinharc ajoute que dans une civilisation, la voix des morts, les rites, lesconvictions se font toujours ressentir.
“Je suis sensible à l’anecdote du couteau de Lichtenberg chez Camus : ‘onchange le manche, puis la lame, mais c’est toujours le même couteau.’” Non,répondent Camus et Reinharc. “Je n’arrive pas à concevoir que l’homme puisseêtre remplacé.”
Israël, par exemple. Si le gouvernement concède aux Palestiniens le “droit auretour”, le peuple changera. Israël sera-t-il toujours un État juif ? Reinharcva plus loin encore dans la comparaison. “S’il existe une interchangeabilitédes peuples, cela sous-entend une égalité entre ces peuples.”
Pourtant, le prix de la vie n’est pas le même selon les cultures. Par exemple,les Palestiniens n’hésitent pas à échanger 100, 200 de leurs citoyens contre unseul Israélien, explique l’éditeur. Il fait sienne une phrase de son amiécrivain : “Si j’étais Palestinien, j’insisterais pour un échange équitable, uncontre un.” Outre son respect pour Camus, “monstre sacré de la littérature”qu’il est honoré d’éditer, c’est également pour réfléchir à la transposition dela thèse du grand remplacement à Israël que Reinharc a décidé de publier cepamphlet camusien.
Du Grand Remplacement à la stigmatisation

Le peuple juif défend son identiténationale à l’heure où le monde prône l’abandon des frontières et un corpsplanétaire. Poser la question de la disparition de la différence entre lescorps et les âmes dérange. Et Reinharc souhaite remuer les consciences.Toutefois, Renaud Camus tend à stigmatiser une partie de la populationfrançaise : les Musulmans pratiquants. Qui nous “colonisent” et participent àla Déculturation de la France, autre thème cher à l’auteur. L’écrivain sulfureuxa d’ailleurs récemment fait part de son soutien à Marine Le Pen.

Car pour Renaud Camus, le danger qui guette la France, c’est “l’islamisationgrandissante du pays.” De la thèse du remplacement à l’incitation à la haine,il n’y a qu’un pas. L’auteur s’attaque à grands coups de plume aux“remplacistes”, qui autorisent et encouragent l’immigration.
Et abîment la culture et l’histoire de l’Hexagone.
La France“n’est pas une terre d’islam, par exemple, et, s’il ne tenait qu’à moi, ellerefuserait absolument de le devenir.”
Il suggère par conséquent aux pratiquants de s’en retourner vers des contréesplus accueillantes. “Pour un Musulman très pieux, très attaché aux ritesextérieurs et collectifs de sa religion, et à plus forte raison s’il s’agitd’un intégriste, se fixer [en France]ne devrait en aucune façon constituer un objectif raisonnable.”
Si David Reinharc a encouragé son ami à se présenter à la présidentielle sousl’étiquette du parti In-nocence (créé par Camus en 2002), il se désolidarise decette dernière prise de position et de son soutien au FN. Et rappelle que leséditions Reinharc ont publié l’ouvrage d’Yves Azéroual et Najwa El Haïtéintitulé L’arnaque, le programme du Front National enfin décrypté.
Questionner le “rêve du triomphe d’un corps planétaire et de la fin de ladifférence entre les âmes” selon les mots de l’éditeur, et par là déranger ledébat endormi de la présidentielle, certes. Mais rejeter la faute d’unedésintégration de la société française, de sa perdition - si tant est qu’ellesexistent - n’est certainement pas la solution.

Entretien avec un auteur aux idées bien arrêtées qui sont loin de fairel’unanimité.

Vous écrivez que la civilisation française brille tout particulièrement. Enquoi ?

Oh, je ne crois pas avoir écrit tout particulièrement. Je ne suis paschauvin pour deux sous. Je ne pense pas que la civilisation française brilleplus que l’anglaise ou que l’italienne, pour en nommer deux qui me sontparticulièrement chères et si tant est que le terme de civilisation soit bienapproprié ; ou que la civilisation d’Athènes au Ve siècle avant J.-C. ou deBagdad au Xe après ; ou que la civilisation juive éternelle, avec sa passionpour l’étude.

Je pense que la civilisation française compte, à ces meilleurs moments, parmiles plus précieuses que la terre ait portées et qu’il est dommage de la voirs’effondrer si piteusement. Pour dire en quoi elle fut particulièrementbrillante, il faudrait un livre. Il est d’usage de citer comme unique sonrapport aux femmes, j’y ajouterai son rapport à la littérature. Les deuxprocèdent de l’art de vivre, et l’entretiennent.
Selon vous, que veut dire être français aujourd’hui ?

C’est toute la question.Dans mon livre Du sens j’ai opposé, par référence au Cratyle de Platon, laconception hermogénienne de mots, et par exemple de celui-ci, français, à laconception cratylienne. Hermogène veut que leur sens soit une convention pure,une décision administrative en somme, bien qu’il n’en parle pas. Pour Cratyle,au contraire, le sens des mots est lié à l’origine, à l’histoire, àl’étymologie, aux ancêtres, aux morts. Pour ce qui est du mot français, laconception hermogénienne l’a complètement emporté, officiellement. J’entendaisl’autre soir un Français d’origine maghrébine dire un peu agressivement, lorsd’un débat télévisé : “Être français c’est avoir des papiers français,point-barre”. Il avait la loi pour lui. Mais la loi en l’occurrence est un peucourte, elle ne rend pas compte de la réalité profonde.

La récente tuerie de Toulouse et toutes les révélations dont elle estl’occasion jour après jour montrent bien que les choses, hélas, peut-être, sontplus compliquées que cela et que réduire la qualité de Français à une questionde coup de tampon sur des papiers d’identité rend inintelligible ce quisurvient, et constitue une sorte d’aveuglement volontaire. Hermogène gagnetoujours, mais Cratyle n’est jamais tout à fait vaincu, il revientéternellement.
Que pensez-vous du débat sur l’identité nationale mené par le gouvernement ?

Rien.

Peut-on vous qualifier d’“anti-multiculturaliste” ?

Ah oui, tout à fait, àcondition de préciser aussitôt que je suis profondément attaché à toutes lescultures, que par exemple j’ai fondé et dirigé un festival consacré à lamusique contemporaine, à la musique ancienne et aux musiques du monde, quej’aime autant la poésie anglaise que la française, que Brahms ou Webern me sontplus précieux que Fauré ou Boulez, que je trouve qu’en matière de portes, defenêtres, de places, de fontaines, les Français sont des enfants comparés auxItaliens, que j’ai une passion pour le ney ou le shakuhachi, que j’ai consacrénombre de mes jours et de mes nuits à la pensée juive, qu’en matière d’espritdes terrasses (c’est le titre d’un de mes livres) je tiens que nous devons toutà Hafiz ou Abu-Nawas.

Le multiculturalisme, en fait, ce n’est nullement un panculturalisme, ce n’estpas l’amour de la merveilleuse diversité des cultures, c’est leur fusionsinistre selon la règle du plus petit dénominateur commun. Multiculturalisme,c’est un nom de code, comme il y en a tant dans la langue officielle du jour.Il ne désigne rien d’autre que la Grande Déculturation, le règne des activitésculturelles, l’industrie de l’hébétude.
Vous dites que “régime antiraciste dogmatique” = “immigrationniste” =“remplaciste”. Qui sont ces “remplacistes” ?

Les remplacistes sont les Amis duDésastre, les tenants du Grand Remplacement, les immigrationnistes à tout crin,ceux qui disent à la fois que la France a toujours été un pays d’immigration,que l’immigration diminue, qu’il en faudrait davantage, que de toute façonmaintenant qu’elle est là ce n’est plus la peine d’en parler, que la seulechose à faire est d’apprendre à l’aimer. Ce sont les champions de ce quej’appelle l’“homme remplaçable”, déculturé, désoriginé, désaffilié,interchangeable, tel que le veulent les multinationales et les spéculateurs ettel que le leur fournissent indéfiniment l’enseignement de l’oubli etl’industrie de l’hébétude.

Vous reprenez des propos de Houari Boumédiène pour affirmer le désir deconquête des pays musulmans, “desseins immémoriaux et pour ainsi direconstitutifs de l’islam” ?

Selon vous, est-ce un danger réel ? C’est plus qu’undanger, c’est une réalité en marche.Il y a dix ans, on pensait que les imams un peu exaltés qui disaient quebientôt les Musulmans seraient majoritaires à Londres, à Birmingham, àRotterdam ou à Marseille, ou que l’Angleterre, les Pays-Bas ou la Francedeviendraient terre d’islam et feraient mieux de se convertir au plus vite, onpensait que ces imams plaisantaient, ou qu’ils étaient fous, ou qu’ilsagitaient par haine d’absurdes menaces. Mais la semaine même de la tuerie de Toulouse on apprenait quedans la même ville, ou dans sa banlieue, des religieuses étaient fermementinvitées à quitter leur couvent et à se transporter ailleurs, parce qu’ellesn’avaient plus rien à faire là.

Et combien de nos compatriotes ont dû abandonner des quartiers, parfois desvilles entières, où leur existence étaitdevenue invivable ? Non seulement ilsétaient devenus des étrangers dans leur propre pays et sur des lieux où ilsavaient toujours vécu, mais ils étaient des étrangers détestés, en butte àtoutes les brimades et tous les mépris, et forcés finalement de plier bagage.Le “maillage” du territoire, en France, son devenirbanlieue précipité, ce quej’appelle la “banlocalisation universelle”, est étroitement lié au whiteflight, à l’obligation faite aux indigènes d’évacuer les zones trop exposées,intenables.

Selon vous, comment enrayer ce phénomène?

En posant très clairement etfermement que la Francen’est pas une terre d’islam, qu’elle ne l’a jamais été et qu’elle ne veut pasle devenir. En résistant par tous les moyens. En faisant comprendre à ceux pourqui la religion islamique est essentielle dans la vie (ce qui après tout estparfaitement légitime), et qui veulent vivre dans une société islamique, qu’ilsne trouveront pas cela en France ou en Europe et que le plus raisonnable poureux est de retourner dans des pays organisés autour de pareilles conceptions dumonde.

Qu’est-ce que la “contre-colonisation” ? Comment vous est venue cette idée ?

Beaucoup d’analystes ont présenté l’immigration de masse dont la Franceest l’objet comme le contrecoup normal, prévisible, et surtout légitime de lacolonisation qu’elle a pratiquée. Mais si cette analyse a pu être en partiejuste un moment, elle est fausse sur une longue période parce que l’immigrationde masse et le changement de peuple, le Grand Remplacement, frappent presqueautant, désormais, des pays qui n’ont eu que très peu ou pas du tout d’empirecolonial, comme l’Italie, la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne et maintenant lesÉtats scandinaves.

Que si le terme de contre-colonisation choque, je veux bien dire colonisationtout court. Ce mot-là est plus approprié pour ce qui nous arrive qu’au sujet dela colonisation française de jadis.
La France a eu un empire mais, sauf au Québec au XVIIe et au XVIIIe siècle,sauf en Algérie, elle n’a pas vraiment fondé de colonies, au sens classique,antique, de ce vocable. Il n’y avait pas de transfert de population.
C’est pourquoi il a pu être mis fin au système du jour au lendemain. Lacolonisation dont nous faisons l’objet est bien plus grave et plusirréversible. Elle implique le transfert continu de millions d’hommes et de femmesqui reconstituent exactement, quoique sur un mode plus confortable, sur le soloù ils s’installent, le type de société qui les a amenés à fuir le sol qu’ilsont quitté.
Vous décrivez une situation en Franceet en Europe qui n’a rien à envier au 1984 deGeorge Orwell. Selon vous que va-t-il advenir de l’Hexagone ?

La situation esttrès orwelienne en effet, ne serait-ce qu’au niveau du langage. La langue esttout entière employée à ne pas dire, à ne pas nommer ce qui survient, àdissuader les gens d’en croire leurs yeux, d’admettre ce qu’ils subissent, dementionner à qui que ce soit leur souffrance de voir leur pays leur être ravi.Tous les mots mentent, sont employés en d’autres sens que leur significationd’origine : musique pour sonorisation à outrance et triomphe de lachansonnette, culture pour industrie du divertissement, jeune pour jeunedélinquant sensible, quartier sensible pour zone de non-droit et de brutalité,quartier populaire pour quartiers d’où le peuple indigène a été chassé. Noussommes certainement la première société qui ait inventé de dire, pour signifierqu’un homme était entre la vie et la mort, que le pronostic vital est engagé.Pour la Franceaussi, le pronostic vital est engagé. Il va advenir à l’Hexagone ce qu’iladviendrait à Israël s’il était donné libre cours au fameux droit au retour[palestinien] : à ceci près qu’ici le retour n’est pas un retour du tout, maisune laborieuse conquête.

Est-ce que l’école remplit son rôle aujourd’hui ?

Ah, cet entretien était unefarce ? J’aurais dû m’en douter. Tout ce que l’école transmet un peusérieusement, le seul enseignement auquel elle s’obstine méritoirement, ce sontles dogmes de l’antiracisme dogmatique, c’est-àdire, pour chaque futur citoyen,la doctrine de son interchangeabilité, les principes de sa qualité d’homme oude femme “remplaçables”.

Que préconisez-vous pour la Francede demain ?

L’arrêt immédiat et total de l’immigration, l’esquisse d’unretournement des flots migratoires. La prise au mot de tous ceux qui renientpubliquement leur nationalité française, en paroles ou en actes (par exemple endéfilant sous un drapeau étranger lors de matchs opposant leur pays d’origine àla France).Le droit pour les volontaires des trois espèces, professeurs, parents d’élèves,élèves, de faire une sorte de sécession scolaire au sein de l’Éducationnationale et d’obtenir, au pro rata de leur nombre, des établissements et desmoyens qui permettent que soit prodiguée une éducation véritable, réformée(comme on disait au XVIIe siècle que de vieux ordres religieux qui avaientfailli à leur mission étaient réformés par des saints ou des réformateurs, quiles ramenaient à eux-mêmes).

La reconstitution d’une classe cultivée, qui est indispensable non seulement àla culture mais à la survie d’une nation.

Tous les pouvoirs qui veulent détruire ou soumettre un peuple commencent pasdétruire ses élites : voyez Katyn, voyez la Révolution culturelle chinoise,voyez le Cambodge. Il n’y a plus en France d’“élite” que de l’élection,de l’argent ou du diplôme, qui lui-même n’a plus aucun sens culturel ou moral.Il n’y a plus de classe cultivée, elle a été laminée par l’effondrement dessystèmes de transmission et par la prétendue “démocratisation” de la culture :d’où l’hébétude qu’on voit à ce peuple, qui se laisse mener à l’abîme sansréagir. Même les tueries de Toulouseet de Montauban ne le réveillent pas. On lui met tout bien nettement sous lesyeux, il reste hagard, il ne comprend pas, il dénie, il a été conditionné à nepas voir, à ne pas admettre, à soutenir jusqu’à son dernier souffle que ce quiarrive n’arrive pas.
Est-ce un livre-programme de candidat à la présidentielle ?

Le GrandRemplacement ? Non, c’est avec deux autres petits livres du même genre, LaGrande Déculturation et Décivilisation, parus chez Fayard, une trilogie qui seveut un relevé de la situation, une sorte de diagnostic. Le programmeprésidentiel, celui du parti de l’In-nocence, que je préside, c’était plutôt legros volume De l’In-nocence, paru chez David Reinharc comme Le Grand Remplacement: nos vues sur tout par ordre alphabétique, recueil de communiqués, extraits denos forums et programme point par point. Mes propres propositions, au nombre decent une, seront bientôt mises en ligne, au moins, quoi que je ne sois plusdans la course.

Vous n’avez pas obtenu vos 500 signatures nécessaires à votre candidature. Quelsera alors votre moyen d’action ?

Écrire, penser, publier des livres, donnerdes entretiens au Jerusalem Post. Dans l’immédiat, soutenir à défaut lecandidat ou la candidate qui nous semble le mieux ou le moins mal promettre derésister au Grand Remplacement et à la mise à bas du système scolaire. Parchance Marine Le Pen n’est pas frappée à nos yeux du même interdit moral absoluque son père. Nous avons d’ores et déjà appelé à voter pour elle, bien que nousne partagions en rien les vues de son parti sur l’Europe ou sur l’euro, soyonsplus que réservés sur son programme économique et venions d’un universculturel, c’est le moins qu’on puisse dire, bien éloigné de celui quil’entoure. Si elle ne figure pas au second tour nous surmonterons nospréventions, tant pis, et nous appellerons à voter, la mort dans l’âme, pourNicolas Sarkozy, bien que nous ne lui fassions que très peu confiance : toutpour faire barrage au projet socialiste, qui consacrerait cette foisofficiellement le changement de peuple.

Le Grand Remplacement, Renaud Camus, David Reinharc Editions, 2012