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Les femmes envahissent le secteur de l’ingénierie biomédicale en Israël. Et ne se contentent pas d’y jouer les secondes mains

Biotech 521 (photo credit: DR)
Biotech 521
(photo credit: DR)
A la pointe. Alors que l’industrie biomédicale prend son envol en Israël, la gente féminine y occupe des places de premier choix : présidentes, fondatrices et chefs de recherche.
Côté business, on trouve une nuée de directrices générales parées du titre de docteur : Kinnereth Savitsky chez BioLineRx, Anat Cohen-Dayag chez Compugen, Pnina Fishman chez CanFit BioPharma, Einat Zisman chez Hadassit, la société de transfert technologique de l’hôpital Hadassah, et Yaël Margolin chez Gamida Cell.
Côté investissement, des vétérantes de la “biotech” telles que Routh Alon chez Pitango Venture Capital, le plus grand fonds de ce type en Israël, Michal Geva chez TriVentures, Pennina Safer chez Medica Venture Partner ou Ronit Bendori chez Evergreen.
Enfin, du côté de la recherche, deux femmes ont été distinguées dans le top 50 de la publication outre-Atlantique Scientific American : Shoulamit Levenberg, professeure d’ingénierie biomédicale à l’Institut Technion de Haïfa, et Beka Salomon, microbiologiste à l’Université de Tel-Aviv.
La gente féminine forme 65 % du secteur en Israël et environ 13 % des plus hauts postes des compagnies listées dans le Tel Aviv Biomed Index.
“Les femmes sont davantage attirées par ce qui a trait aux gens : les sciences sociales ou les sciences de la vie” explique Miriam Erez, professeur d’ingénierie et management au Technion, à la tête du Conseil national pour l’avancement des femmes dans les sciences et la technologie.
“L’ingénierie biomédicale a un rapport avec les sciences de la vie, et de nos jours les centres de recherche et les chercheurs eux-mêmes deviennent de plus en plus pluridisciplinaires”, continue- t-elle. Conséquence : la multiplication d’offres d’emplois pour les femmes dans ce domaine. “Je pense que ce métier, dominé par les hommes à l’heure actuelle, se féminisera de plus en plus dans les années à venir”.
Pas d’obstacle majeur
Hamoutal Meiri, 64 ans, a ouvert la voie. Après 16 ans dans la recherche, elle est chargée en 1991 d’établir une commission nationale pour coordonner le domaine alors naissant en Israël de la biotechnologie. Son but : transformer les découvertes scientifiques en entreprises dans le champ de la santé.
“Il n’y avait pas d’infrastructure, nous avons dû la construire”, explique Meiri.
Et d’ajouter : “Il y avait un certain nombre de modèles que je pouvais suivre en tant que femme”. Celle qui dirige aujourd’hui TeleMarphe, une entreprise de consulting qui développe des nouvelles technologies de diagnostics prénataux se souvient : “Le passage de l’université à l’entreprise se fait facilement, il y avait donc beaucoup de femmes dès le début et il n’y avait pas de barrière”.
Galit Zuckerman, 34 ans, renchérit : sa condition de femme n’a jamais été un frein. Il y a quatre ans, elle a fondé Medasense Biometrics, une compagnie développant des programmes antidouleur.
Avant cela, la jeune femme a dirigé une équipe d’ingénieurs en algorithme chez Applied Materials, travaillé chez Siemens et Nice Systems et collaboré comme consultante avec plusieurs startups d’imagerie. Pendant ses études d’informatique à Tel-Aviv, elles étaient 20 filles dans une classe de 60 élèves.
“Ensuite en master d’ingénierie électrique nous étions même moins encore.
Mais la science et l’informatique m’ont toujours intéressée et j’étais bonne”.
Après le lycée, elle est enrôlée dans un prestigieux programme d’analyse de renseignements militaires au sein d’une unité technologique de Tsahal. C’est ce qui éveille son intérêt pour l’ingénierie.
“J’encourage d’autres femmes à suivre ce chemin”, continue Zuckerman. “Le champ médical, en particulier, est extraordinaire : cela touche à tant de domaines différents et on ne s’ennuie jamais. Vous êtes toujours en train d’apprendre et d’explorer, tant il y a d’opportunités et de choses à inventer”.
Mère et chercheuse
Les nouvelles carrières qui s’ouvrent dans la discipline attirent de nombreuses femmes qui ont des affinités avec les sciences de la vie. Beaucoup d’Israéliennes affirment que le champ leur convient mieux que le high-tech pur et dur. Car il permet notamment de mieux jongler entre une vie professionnelle et familiale.
Cohen Dayag, mère de deux adolescentes, explique que les start-up dans la haute technologie sont souvent fondées par des anciens compagnons d’armes après l’université. Or la “biotech” demande de longues études et de nombreuses jeunes femmes préfèrent avoir leur premier enfant pendant la faculté, et avant d’entrer dans la vie professionnelle. “Dans la biotech, vous pouvez vous permettre de fonder une famille parce qu’en général il faut 10 ans pour obtenir le doctorat. Et ensuite, vous pouvez avancer”, commente celle qui a grimpé les échelons de Compugen un à un pendant 7 ans avant d’en devenir la première présidente féminine. Située dans le champ de l’innovation pharmaceutique, l’entreprise était dominée par les hommes dans ses premières années, précise-t-elle. La parité s’est renforcée avec l’arrivée de nouvelles recrues diplômées en biologie parmi les informaticiens.
“Aujourd’hui, les sciences dures et de la vie sont à 50-50 : exactement la même proportion que les hommes et les femmes”. Sur les cinq plus hauts managers, quatre sont des femmes.
Parmi les autres jeunes femmes à faire des vagues dans le métier : Amal Ayoub, 36 ans. Elle a fondé Metallo Therapy, une start-up qui développe des nanoparticules d’or pour améliorer les radiothérapies. Première entrepreneuse arabe israélienne, Ayoub rêvait jadis d’être médecin mais s’est fait happée par la physique en route.
Comme en écho à la professeure Erez du Technion, elle explique : “J’adorais la physique et je voulais faire quelque chose qui soit en rapport avec la médecine”. Et de trouver cette connexion en se spécialisant dans la médecine nucléaire. Au lycée de Nazareth, elle n’était pas la seule à aimer la science.
“Beaucoup de jeunes femmes arabes s’intéressent à l’ingénierie et à la médecine”, souligne-t-elle. “J’aime les sciences depuis que je suis petite et mes professeurs m’ont encouragée dans cette voie”.
Son post-doctorat de l’Université de Ben Gourion en poche, elle ne trouve pas d’emploi à hauteur de ses attentes et qualifications. Et décide donc de lancer sa propre entreprise, sur la base de ses années de recherche en tant qu’étudiante. “Il me semble aujourd’hui que les choses bougent. Le gouvernement favorise l’intégration des Arabes dans l’industrie israélienne.
Je pense donc qu’il y aura davantage d’opportunités et moins d’obstacles à l’avenir. Je suis une pionnière et peux servir d’exemple pour avoir brisé le plafond de verre.”