Les secrets à bien garder

Face au mal, les droits de l’homme et les valeurs morales ne sont pas des armes suffisantes.

Ben Zygier 370 (photo credit: Screen shot ABC News)
Ben Zygier 370
(photo credit: Screen shot ABC News)

Je ne sais pas ce qu’il en est de vous,mais moi, je suis du côté du Mossad. Je croise les doigts pour ses agents, oùqu’ils soient dans le monde. Je prie pour que toutes ses opérations réussissentet que tous ceux (personnes ou organisations) dont le but est de détruire l’Etatet les citoyens d’Israël, disparaissent, quel que soit le moyen employé.
Je suis d’abord un Israélien, puis un sioniste et ensuite un journaliste (quantà être juif, oui, je le suis aussi, un juif pour qui le religieux commence ets’arrête à la synagogue). De ce fait, si je tombe sur un scoop – de ceux quifont les titres des journaux internationaux et qui, du jour au lendemain, vousrendent célèbre – dont la divulgation risque de menacer une action du Mossad,comme disons, la destruction du programme nucléaire de l’Iran, je le laisseraipasser, sans aucun regret.
Je ne ferai pas non plus affaire avec un journaliste étranger pour publier cemême scoop en citant « des sources étrangères ». Les opérations les plusahurissantes montées par des agents du Mossad dans le monde n’ont jamais étédivulguées et ne le seront jamais, et c’est très bien comme ça.
Tout ne doit pas être public et certains secrets sont bons à garder.
Cela ne fait pas d’Israël un régime tyrannique ou une dictature. Ceci dit, latentative de préserver les agissements du Mossad n’excuse en rien l’attitude duPremier ministre Binyamin Netanyahou. Sa poursuite des médias israéliens estune menace pour notre démocratie.
Maintenant, nous sommes devant un fait indubitable : une opération du Mossad amal tourné. Quelqu’un a parlé alors qu’il n’aurait pas dû – ou a trahi sonpays. Il reste que la prison a fourni l’occasion à l’ex-agent du Mossad BenZygier de se suicider en 2010 et c’est une triste réalité contre laquelle on nepeut pas grand chose.
Il faut parfois se salir les mains
Certes, les circonstances de cet incidentdoivent être établies, mais à huis clos, loin de la place publique.
Non, ce n’est pas comparable à l’affaire du bus 300, en 1984, où des agents del’Etat ont commis de graves infractions pénales, puis ont menti et finalementcalomnié un officier innocent pour lui faire porter toute la responsabilité.
Si Ben Zygier s’est suicidé (et n’a pas été assassiné), on a affaire à unedéfaillance opérationnelle. On doit alors recoller les morceaux et tourner lapage. Les historiens du futur s’intéresseront sans doute plus à la menacenucléaire iranienne qu’au suicide d’un agent secret.
Observons donc ce qui se passe aux Etats-Unis d’Amérique, notre ami et allié,symbole de la démocratie et de la liberté d’expression. Le président BarackObama est un libéral éclairé, défenseur des droits de l’homme.
Lors de son premier mandat, il avait déclaré qu’il fermerait la terrible prisonde Guantanamo Bay. Dans cet établissement, placé hors de la juridictionaméricaine, le personnel américain utilisait des méthodes d’interrogationcontestées pour obtenir des informations des détenus d’al-Qaïda.
Quelques années plus tard, Obama entame son second mandat et Guantanamofonctionne toujours.
Obama a visiblement compris qu’à une époque où nombre d’hommes sont prêts àtuer le plus de personnes possible et à lancer de nouvelles attaquesterroristes, il faut parfois se salir les mains.
La poursuite américaine d’Oussama Ben Laden l’a prouvé. Les choses ne sont pastoujours comme elles devraient être. Face au mal, on ne peut avoir pour seulearme les droits de l’homme et des valeurs morales. Si les Américains sontarrivés à cette conclusion, qu’en est-il de nous, qui nous trouvons au milieude cent millions de personnes qui nous haïssent ? Bien que l’on soit à l’èred’Internet, il y a encore des situations où les secrets d’Etat doivent existeret où la censure militaire doit s’appliquer, même si c’est uniquement sur lesmédias israéliens. Effectivement les journalistes israéliens ont plus accès auxsecrets d’Etat que les journalistes étrangers et si ces derniers en dévoilent,nous, nous ne pouvons nous le permettre.
Après tout, Israël est le seul pays qui continue de lutter pour son existenceet son acceptation comme entité légitime dans un monde de plus en plusdangereux.
L’existence de notre pays est plus importante que le droit du public de savoir,que la liberté d’information et que la démocratie. Il faut se souvenir du mondeavant la création d’Israël, ce phénix né des cendres des six millions de Juifs.
Alors, même si parfois je me débats un peu contre la censure militaire, je suisd’accord pour dire que si la publication d’un fait spécifique constitue un réeldanger pour la sécurité nationale, pour la vie des Israéliens, ou pour lesrelations étrangères du pays, il est préférable que le secret reste entier.