Militaires volontaires

Qu’est-ce qui pousse ces jeunes de l’étranger à intégrer l’armée ?

Militaires volontaires (photo credit: Sylvain Gharbi)
Militaires volontaires
(photo credit: Sylvain Gharbi)

L’armée israélienne joue un rôle fondamental en assurant la sécurité etl’intégrité des frontières du pays. Le service militaire est donc perçu commefacteur essentiel à une intégration sociale et professionnelle réussie, unefois de retour à la vie civile. La situation du pays et l’instabilité politique généralisée des gouvernementsvoisins rendent important voire quasi moralement obligatoire, ce sacrifice visà vis de l’armée. Le sens de l’engagement de ceux et celles qui acceptent de consacrer jusqu’àcinq ans de leur vie à un si jeune âge étonne, en même temps que fascine, toutobservateur extérieur.
Nombreux sont ceux qui, après s’être présentés comme candidats à l’immigrationvers Israël, demandent à rejoindre le corps militaire et ses unités de combat.Des jeunes soldats poussés par le désir de se fondre dans le tissu de lasociété et de s’unifier au pays. A travers ce passage en immersion dans laculture militaire des armées, l’apprentissage de l’hébreu a également unefonction d’intégration très importante pour les nouveaux immigrants. Car la langue constitue un vecteur-clé d’échanges et présente un attrait trèsfort sur eux. Les situations que les soldats connaissent peuvent être à risque. La tensionest réelle, particulièrement actuellement le long des frontières du Nord. Lesdangers existent.
Le bon fonctionnement des équipes et la réussite d’une mission, aussi simplesoit-elle, ne serait-ce que pour ne pas être blessé en cas d’accrochage,reposent sur une cohésion entre tous ; et dans la mesure du possible, sansfaille. Au sein d’une unité, les soldats passeront des mois entiers ensemble,partageront des moments uniques, de joie, de peine, tisseront entre eux desliens de fraternité, de confiance, de solidarité et de respect, d’une soliditéque peu d’autres situations leur permettront de nouer plus tard, au cours deleur vie. Ces années dédiées à l’appareil militaire vont ainsi être un moyen defusion avec un nouvel environnement auquel ils appartiendront, qu’ilscomprendront et qu’ils défendront.
Servir ? Une fierté 
Ruben Layani a vingt ans. Ce jeune Français a grandi àParis et a fréquenté le lycée Henri IV, un passeport pour des écolessupérieures de haut niveau. Son avenir aurait pu être en France. Mais avec lesoutien de sa famille, son diplôme en poche, il opte pour Israël et entame lesdémarches qui le conduiront à l’aliya. Il prend le chemin de Tel-Aviv, etintègre vite l’armée après son arrivée. La maîtrise de la langue estimportante. Il en comprend tout de suite l’enjeu : “Pour l’hébreu,effectivement, j’ai connu quelques difficultés. J’ai fait un oulpan pendantdeux mois à l’Université hébraïque. C’était dès mon arrivée et c’était unepriorité de l’apprendre. J’étais très motivé.” Jules Atlan, né français et devenu israélien très jeune, parlait déjà hébreulorsqu’il a débuté son service dans l’unité du “Nahal” (une unité combattantepour les jeunes recrues de l’étranger).
Pour lui, la question de l’intégration par la langue ne se posait donc plus. Ilvivait en Israël avec sa famille depuis l’âge de 7 ans : “Au quotidien, jeparle en hébreu. Dans ma famille, on s’exprime en français, avec mes parents, mes frères etsoeurs. Mais tous mes amis sont israéliens”. A vingt ans, le passage obligé dans une unité militaire lui révèle une évidence: “Au début, c’est une obligation, tout le monde le fait. Mais depuis que jesuis dedans, je comprends, j’en suis fier. Je comprends pourquoi tous mes amisfont l’armée. On a besoin d’un corps militaire pour nous défendre et protégernotre territoire.” Pour une majorité d’Israéliens, cette notion de défense est à la base d’uneallégeance sincère envers le pays. Ruben Layani arrivait de France, un paysdont la conscription nationale est depuis longtemps suspendue. En Israël, iln’était pas vraiment tenu de s’y plier. Aurait-il attendu quelques mois avantde partir, il aurait pu s’y soustraire. L’idée l’a toutefois effleuré : “Audébut, je ne voulais pas faire l’armée”, admet-il. Néanmoins, il changera sonfusil d’épaule : “Quand je suis arrivé, j’avais cette mentalité française.
Mais tous les nouveaux immigrants que je connais allaient faire ou faisaientdéjà leur armée. Cela constitue des bons points pour l’avenir si on a servidans une unité combattante. J’ai alors décidé d’intégrer un bataillon duNahal.” Ruben parle de bons points. Il s’agit en fait de bien plus. Cette conduite morale et ce devoir de citoyen tiennent de ces valeurs deresponsabilité, mais également de l’importance que l’on y accorde. Ne pasdonner au pays jette du sable dans l’engrenage. Les futurs rapports sociaux quel’on aura en seront touchés car c’est une attitude et un choix qui font l’objetde critiques - parfois sévères.
L’armée repousse les limites 
Keren Peled, 36 ans, a adopté les valeurs detolérance et les convictions politiques très souples de la familled’universitaires dont elle est issue, et qui l’ont amenée à travers le monde.Elle se considère de gauche. Pourtant lorsque l’on aborde la question duservice, le ton change et une ligne de démarcation claire est tracée : “ C’estvrai”, dit-elle, “je m’en étonne moi-même, car j’ai parfois l’impression quecela va à l’encontre de ce que je pense. Mais j’ai une tendance à regarder avecdésapprobation une personne qui n’a pas effectué son service sans bonne raison.Ma soeur a de sérieux problèmes auditifs. Elle a voulu se porter volontaire.Elle l’a fait... Voilà ! Alors je ne vois pas pourquoi d’autres ne le feraientpas...” Une réflexion significative que beaucoup formuleront, quel que soit leparti politique qu’ils soutiennent.
Faire une aliya implique un devoir de servir son nouveau pays avec abnégationpour la sécurité d’une société dont la pérennité dépend en grande partie de sacapacité à tenir tête à l’ennemi. Alors que le service national est volontiersaccompli par nombre de citoyens, ces années de dévouement de la part de cesnouveaux arrivants suscitent néanmoins un scepticisme chez d’autres. Ymai Avidan, 27 ans, est israélienne. Quand nous parlons de l’enrôlement desolim, elle fronce les sourcils : “ Je ne comprends pas pourquoi ceux qui fontleur aliya se retrouvent à faire un service militaire pour y passer autant detemps”, s’exclame-t-elle. “Ce ne sont pas des vacances. On ne signe pas pour 2ou 3 mois, mais pour 2 ou 3 ans.” Le commentaire peut surprendre, mais laquestion est posée : “Je suis née ici en Israël. J’ai grandi avec l’idée qu’unjour je passerai deux ans dans l’armée.
J’étais dans le renseignement, stationnée à Gaza et sur plusieurs autres basesà travers le pays. Je l’ai fait et cela ne m’a posé aucun problème. Par contre,je me demande comment ceux qui sont nés à l’étranger avec une autre approche dumonde peuvent vouloir faire ce service.” Daniel Heffe, responsable du projet emploi de l’association AMI, propose undébut de réponse. Selon lui, “la France de 2012 n’est pas la France de 2000”,affirme-t-il. “Le climat est différent et hostile à l’endroit des personnes de confessionjuive. La situation économique ne fait rien pour freiner cette hostilité. Lesboucs-émissaires sont vite trouvés avec un peu d’analyse et de bon sens. Enoutre, les Juifs aspirent à vivre un judaïsme pas seulement communautaire, maisaussi national.”
Cette identité judaïque retrouvée tendrait ainsi à s’exprimer à tous lesniveaux, et notamment par une forme de reconnaissance envers Tsahal. L’échangeet l’expérience en sont généralement bénéfiques. Comme le résume Roey Yishay,officier de 22 ans : “L’armée est un test de mesure de ses propres capacitéspour ceux qui en ont l’étoffe. Le test repousse nos limites. Cela nous sondeles reins. J’aime l’armée pour ça et pour toutes ces opportunités qu’elle nousoffre”.