Pour la France que nous aimons

Allons voter en masse, le 26 mai prochain, pour l’élection du représentant de la 8e circonscription des Français résidant à l’étranger.

JFR P10 370 (photo credit: Charles Platiau/Reuters)
JFR P10 370
(photo credit: Charles Platiau/Reuters)

Par éducation familiale, j’ai appris à aimer profondément la France desLumières, que j’ai servie durant la plus longue partie de ma carrièreprofessionnelle : ses valeurs profondes sont celles que préconisent notre Torahet la Bible (donc la spiritualité chrétienne également) – quand elles sont biencomprises évidemment – et le Coran lorsqu’il n’est pas interprété dans uneoptique de violence. Je suis donc avant tout pour l’amitié sincère entre lespeuples de France et d’Israël, et même plus encore : l’affinité naturelle, quenous avons connue autrefois jusqu’à la guerre des Six Jours (et qui s’expliquefacilement), entre nos cultures pluralistes et hospitalières, m’a toujours faitpenser que nous pouvons (ensemble, mais sans confusion), coopérer pleinementpour « réparer » ce qui ne va pas chez nous d’abord, et aussi dans notre vastemonde (ce que l’on appelle, en hébreu, le Tikoun Ha- Olam, la « réparation dumonde »). Celui-ci est devenu trop matérialiste, et souffre d’un manque despiritualité, c’est-àdire d’inspiration positive, constructive etdésintéressée.
La société française (on l’a vu durant la seconde guerre mondiale, contre lesnazis) a heureusement encore de très grandes et profondes ressources sur leplan de l’éthique.
C’est pourquoi nous devons aider la France à garder sa vocation humaniste et àretrouver son rayonnement.
Né dans une famille juive française d’Algérie, j’avais, durant la majeurepartie de ma vie, comme ma famille, soutenu le général de Gaulle et ses partissuccessifs. Il s’identifiait à la France, par conviction personnelle, et jesais combien il oeuvrait pour qu’elle reste un phare de la civilisation. Nonpas par hérédité, mais par son mérite. Il a plusieurs fois risqué sa vie pourla défendre ou pour la préserver de la décadence : notamment après la défaitede 1940 et l’abaissement de Vichy, dans une France à bout de souffle (en raisondes énormes sacrifices et des souffrances non cicatrisées de la première guerremondiale) ; également, après les erreurs tragiques de l’« Algérie française »de tendance colonialiste, au prix de l’abandon, d’une part de ce pays à sondestin, et d’autre part de sa population française (en raison du nonrespect desaccords d’Evian, dont le Général n’a pas été le responsable). Ma familled’Algérie a, elle, avec d’autres, injustement et très chèrement payé le prix decette politique.
L’ignorance de de Gaulle face aux juifs 
Mon seul reproche important, à l’égardde la politique du Général, a été, hélas, son ignorance et son incompréhensiontragique des motivations et de la vocation du peuple juif, peuple de croyantsqui se veulent au service du Dieu d’Abraham, le Dieu-UN de l’humanité toutentière, le Dieu de tous les êtres humains.
Il y a un mystère : comment un chrétien éclairé comme lui, pratiquant affirméde son catholicisme, n’a pas été capable de comprendre le peuple juif dans sonaspiration millénaire à renaître sur sa terre d’origine, avant tout pour ne plussouffrir de l’antisémitisme, encore virulent (surtout après la destitutioninjuste du capitaine Dreyfus, qui a profondément divisé les Français). DeGaulle a étonné beaucoup de monde, y compris au sein de ses admirateurs, etmême de sa propre famille, en raison de la phrase ambiguë qu’il a prononcée fin1967 pour décrire le peuple juif comme un « peuple d’élite, sûr de lui-même etdominateur ».
Pour ma part, juif revenu jeune à la pratique traditionnelle, je ne mereconnais pas du tout dans ce raccourci erroné.
Je verrais donc plutôt, dans la déclaration du Général, l’influence despréjugés de classe de son père, professeur dans l’enseignement confessionnelprivé catholique, qu’il vénérait beaucoup. Et qui, déclara-t-il-il, l’auraitéduqué sur le plan religieux, dans le cadre d’un catholicisme classique rigide(de droite à cette époque), royaliste et antirépublicain.
Lui a été un courageux héros démocrate, qui a rallié très tôt le camp de laRépublique, et a su fédérer merveilleusement dans la Résistance de nombreusespersonnalités, y compris juives, pour défendre et rétablir la France éternelledans ses droits.
Soutenir la France 
Comment pouvait-il demander à Israël, alors petit paysmenacé de disparition, de ne pas se défendre luimême face aux agressionsconstantes subies de la part des pays arabes voisins coalisés, acharnés à ledétruire immédiatement après la proposition de l’ONU de créer deux Etatsindépendants en Terre Sainte, l’un juif et l’autre arabe ? Seuls les juifsavaient accepté alors la proposition équitable et équilibrée de l’ONU, ce quiexplique encore en partie la situation instable actuelle, non définitivementréglée.
La politique gaulliste, non démocratique, a continué à s’efforcer d’éloigner lepeuple de France de son allié objectif et naturel : le peuple juif, et donc lepeuple israélien. Et souvent d’une façon secrète ou non franche, et sansscrupules (en imposant un embargo pour ne pas livrer à Israël des armesindispensables, de surcroît déjà payées, qui seront finalement cédées à laLibye arabe, alliée de nos voisins et ennemis du Moyen-Orient).
C’est donc aujourd’hui un devoir pour les Israéliens de rebâtir, de leur côté,les liens naturels et spontanés qui nous liaient à la France des grandsprincipes, avant la politique personnelle du général de Gaulle, rancunière,tandis que la France populaire nous avait toujours aimés et soutenus au nom denos valeurs communes. D’où la reconnaissance éternelle que nous devons àcelle-ci.
Notre devoir est, en retour, de soutenir cette France que nous aimons, de toutenotre force. Car elle aura probablement besoin de nous pour lutter contre lesdangers qui la menacent et nous menacent aussi, comme le terrorisme. Et nousaurons besoin d’elle.
Votons tous, massivement, français et binationaux d’Israël, juifs et non-juifs,le 26 mai prochain. C’est là, plus que jamais, un devoir citoyen. Ne laissonspas passer bêtement cette chance d’avoir un député français et juif, pour desretrouvailles confiantes avec le peuple de France.
L’auteur est un ancien élève de l’Ecole polytechnique, chevalier de l’ordre duMérite national (Jérusalem, 1971), chevalier de la Légion d’honneur (Paris,2004) et récipiendaire de la médaille « Kavod Ve-Avoda » (Honneur et Travail)du Keren HaYesod (Appel unifié pour Israël).