Qu’est-ce qui fait courir David ?

Il est en lice pour le Marathon des Sables. Un expert israélien du marketing en matière de hautes technologies se lance dans la course pour une campagne de charité

qu`est ce qui fait courir David? (photo credit: © DR)
qu`est ce qui fait courir David?
(photo credit: © DR)

‘Toujours aussi fou après toutes ces années”.

Voilà ce que j’ai répondu par mail à un ami de longue date, lorsqu’il m’a parléde son dernier projet. La seule réponse qui me soit venue à l’esprit lorsqueDavid Oberman - un homme d’un certain âge et aux manières certaines, directeurmarketing d’une entreprise high-tech de Jérusalem, m’a fait part de sonintention de se préparer à courir un marathon dans le désert du , afin de récolter de l’argent pour une oeuvre debienfaisance.
Le Marathon des Sables est une course d’endurance d’une semaine, où 800personnes issues de différents pays tentent de parcourir 252 kilomètres sousune chaleur qui peut avoisiner les 50°C en journée et des nuits souventglaciales. La 27e édition débutera cette année le 6 avril prochain. Lesparticipants portent sur leurs dos vêtements, réserves de nourriture, troussede premier secours et d’urgences. Sans oublier sac de couchage et matelas.
Tout le monde n’en est pas capable.
David admet : “Je ne suis vraiment, vraiment mais vraiment pas du tout du typesportif”, et note dans un sourire timide : “c’est la chose la plus folle et laplus difficile que jamais tentée dans ma vie”.
Il célébrera ses 53 ans au moment du marathon en avril.
Cet homme marié, père de deux enfants - Shlomi, 24 ans et Shavit, 21 ans -n’est pas vraiment la première personne que vous imagineriez courir un marathondans le désert africain. A moins que, bien sûr, cela soit pour la bonne cause.Et dans son cas, la cause n’est autre que Zichron Menachem, une oeuvre debienfaisance qui s’emploie à aider les enfants atteints du cancer et leursfamilles.
David n’est peut-être pas sportif, mais il a toujours été beau joueur. Nousnous sommes connus adolescents, à Londres, où nous étions tous les deux engagésdans la campagne pour la libération des Juifs soviétiques. (Sa mère n’étaitautre que Barbara Oberman, l’une des fondatrices du “35s”, un groupe debanlieusardes londoniennes dans le milieu de la trentaine, qui travaillaientsans relâche pour les prisonniers de Sion). David a fait son aliya en 1977, etnous sommes restés en contact pendant nos années communes de service au sein deTsahal où il était parachutiste.
Par la suite, nous nous sommes retrouvés sur les bancs de l’Universitéhébraïque de Jérusalem, où David étudiait le japonais, la littérature anglaiseet l’histoire tandis que j’étudiais le chinois et les relationsinternationales.
Fou, mais déterminé

Mi-janvier, nous nous sommes rencontrés en milieu de matinée,juste après qu’il soit allé courir. Ma première question a été : “Pourquoi ?”David, fidèle à lui-même, a choisi de répondre en commençant par souligner lavaleur de l’organisation pour laquelle il a choisi de courir. “Je cherchais uneassociation d’intérêt général et d’une certaine importance.

Ici (avec Zichron Menachem), vous récoltez des fonds pour des enfants avec unproblème bien particulier et vous leur offrez des bons moments, comme parexemple aller à . Pour certains, ils’agira peut-être du dernier voyage de leur existence.”
Il y a six ans, David a commencé à courir des marathons.
Trois ans plus tard, l’idée du desSables s’est imposée. “Vous êtes obligés de vous inscrire trois ans àl’avance”. Les demandes sont tellement nombreuses qu’il existe une longue listed’attente, et ce, même si “beaucoup se blessent pendant la périoded’entraînement”, fait-il remarquer.
Depuis, il s’est plongé dans “la science de l’entraînement”.
“Le meilleur conseil que j’ai probablement reçu est le suivant : ‘il n’existeaucune manière de se préparer pour ce genre d’exploit’. C’est tellementextrême, que si vous suivez l’entraînement adéquat, en simulant une course dansle désert avec un sac à dos très lourd, cela vous portera préjudice le jour J”.“Néanmoins, un principe de taille consiste pour une part à se conditionner etd’autre part à se détendre. Ces 6 dernières semaines, j’ai couru 16 km par jour,18 km par jour, ou 20 km par jour. La semaine prochaine, je parcourrai 10 km,pour permettre à mon corps d’assimiler et éviter les crampes, déchiruresmusculaires, ou toute autre conséquence quand on force trop”.
Sa femme Yaël, née au ,est une fervente joggeuse, mais ne s’entraîne pas avec lui. Ils se sontrencontrés à l’université où elle étudiait aussi le japonais et la littératureanglaise. Aujourd’hui psychologue, Yaël caractérise son mari de “fou”. Un avisprofessionnel confirmé par son frère, un médecin résidant à Raanana.
“Et ma mère évidemment essaie par n’importe quel moyen de m’en empêcher”,plaisante David.
Mais lui est plus que déterminé. Il continue à travailler 12 heures par jourcomme directeur du marketing pour Mobileye, une entreprise qui crée dessystèmes de sécurité pour véhicules, et trouve encore le temps de s’entraînertrois à quatre heures quotidiennement.
Du chaud Bagel aux fruits secs congelés

Sur son CV, on peut trouver 10 anscomme directeur de sa propre société de fast-food : “The Bagel House”, devenudepuis “Holy Bagel”. Le slogan de l’époque était alors “si ce n’est pas biencuit, ce n’est pas un Bagel”. Mais l’ironie du sort veut qu’il se frotteaujourd’hui à la congélation d’aliments secs congelés, pour voir s’il pourrales ingurgiter sans avoir à les réchauffer pendant la course. Objectif :réduire le poids au maximum et donc se passer d’un réchaud. Les participantstransportent leurs rations pour la semaine et les organisateurs calculent lenombre de calories : “au moins 2 000 calories par jour pour sept jours”. L’eauest fournie chaque jour en fonction du nombre de kilomètres à parcourir.

Sur les listes des équipements à emporter : une fusée de détresse, un miroir designalisation et une couverture thermique pour survivre aux nuits glacialesdans le cas où il se perdrait. David reconnaît que l’orientation n’était passon atout principal à l’armée, mais il y voit là un défi : “Une fois, unpolicier italien s’est perdu et a réussi à survivre 10 jours”.
La question du matelas fait débat : trop de poids, d’une part, mais de l’autre,éviter de se réveiller trop courbaturé pour pouvoir courir. “Je ne dors pastrès bien quand je pars faire du camping”, confesse-t-il. Une chose est sûre :ce à quoi il se prépare est loin d’être une partie de plaisir en famille.
David ne connaît pas les autres participants. Mais puisqu’il n’y a aucun autreisraélien, il s’attend à partager sa tente bédouine avec des Anglais “oupeut-être des Japonais”. Il continue à pratiquer cette langue dans le cadre deson travail, qui le fait souvent voyager en Extrême-Orient, dans des conditionsbien plus confortables.
Nous nous sommes d’ailleurs rencontrés juste avant un déplacementprofessionnel, au cours duquel il devra continuer son entrainement.
Pour ceux qui en ont vraiment besoin

D’après lui, il est vital d’“écouter soncorps et de filtrer l’ivraie pour le bon grain parce que votre corps est sansarrêt en train de vous dire ‘aujourd’hui, je veux me reposer’”. David aparticipé cette année au marathon de Jérusalem, qu’il a trouvé “difficile, enraison des collines”.

Selon lui, le marathon croît en popularité, ce qui confère aux courses denouveaux défis. “Les marathons ont très rapidement remplacé les 10 kilomètresqu’on parcourait par le passé”, fait-il remarquer. En ce qui concerne sesprojets à venir - après la longue course, comme il l’appelle - il déclare : “Jene crois pas une seconde que je pourrai me lancer dans un défi plus grand. Jene suis même pas sûr qu’il en existe. Mais même si je pense qu’il s’agit-làd’un défi plus qu’énorme pour moi, je pense que c’est faisable”. Son objectifpremier : “survivre, rester en vie et passer la ligne d’arriver. Cela nem’intéresse pas de savoir combien de temps cela va me prendre”, ajoute-t-il.
Mais son autre but consiste bien sûr à collecter 1 million de dollars : “c’esttrès stimulant quand les gens font des dons”, note-t-il. Il prend à sa chargetous ses frais personnels, environ 7 000 dollars. Ce qui fait que la totalitéde l’argent récolté sera reversé à l’oeuvre de bienfaisance. “Je demande auxgens de donner un petit peu, pas pour moi, mais pour ceux qui en ont vraimentbesoin”.