Le deuil de Pessah

Il y a dix ans, les fêtes de Pessah rimaient avec tragédie.

Park Hotel (photo credit: © DR)
Park Hotel
(photo credit: © DR)
Dix ans ont passé depuis l’infâme “massacre de Pessah”. L’attentat suicide avait coûté la vie à 30 innocentes victimes et fait 140 blessés, dont 20 graves. Le 27 mars 2002, un terroriste était entré dans la salle de restauration du Park Hôtel de Netanya et s’était fait exploser, le soir du Seder. La pire attaque perpétrée contre des civils en Israël, durant les années de la seconde Intifada.
Les événements qui célèbrent les étapes de la vie et les fêtes juives sont évidemment parmi les moments les plus difficiles pour les familles qui ont perdu un être cher.
Célébrer le Seder ne sera plus jamais pareil pour ceux qui ont été affectés par le massacre de Pessah. “Le temps ne panse pas les plaies”, commente Batya Weinberg. C’est même le contraire qui se produit selon l’actuelle dirigeante de la branche de Jérusalem de One Family Fund, volontaire lors de l’attaque. Certains ont été épargnés. “Une jeune fille était en retard parce qu’elle se coiffait. D’autres n’étaient pas à l’heure pour diverses raisons. Certains avaient renoncé à rejoindre leur famille qu’ils comptaient retrouver le lendemain”, rappelle-t-elle à la veille de ce 10e anniversaire. Mais il n’en a pas été de même pour d’autres. “Vous parlez à vos proches, et le même jour vous apprenez qu’une attaque terroriste s’est produite. Vous les cherchez et vous vous rendez compte qu’ils font partie des victimes. Ils ne sont pas morts naturellement. Ni d’une quelconque maladie. C’est un mauvais timing : la malchance d’être au mauvais endroit, au mauvais moment.”
Dalia Falistian-Karim, 55 ans a perdu ses parents lors de cette nuit maudite. “J’ai l’impression que c’était hier. C’est très dur. Surtout lors des périodes de fêtes et des rassemblements.
Mon père et moi fêtions nos anniversaires ensemble. Je n’ai pas célébré le mien depuis sa mort. Mon foyer aujourd’hui c’est One Family. C’est comme une renaissance, une rencontre avec de nouvelles familles.”
Dalia n’est pas encore sûre de célébrer le Seder cette année. Elle suppose toutefois que l’association d’aide aux victimes se chargera de toute la préparation. Elle n’est plus un enfant dans le sens littéral du terme mais “être l’enfant de [ses parents] est éternel”.
Toujours en esclavage
 “Nous accueillons toutes les personnes enregistrées par le gouvernement comme victime du terrorisme, émotionnelle ou physique, et nous prenons soin d’elles”, explique Marc Belzberg, fondateur de One family Fund en 2001 avec son épouse Chantal et sa fille Michal. Le soutien varie : légal, financier ou émotionnel. Et différentes sections répondent aux besoins de groupes spécifiques, tels que les jeunes. “Le principe primordial de l’association se base sur la notion d’être ensemble. La vie d’une victime change pour toujours.
Ici, vous avez de nouveaux amis à qui vous rattacher.”
Chaque année se tient au Park Hotel une commémoration pour les victimes assassinées. “Ce dont ont besoin les familles : de reconnaissance”, insiste Belzberg. “Elles ont besoin de savoir qu’on pense à elles. Les commémorations sont très importantes.”
Et cette année, c’est l’attentat de Toulouse qui va assombrir les fêtes de Pessah. “Chaque victime du terrorisme revit alors ce qu’elle a enduré”, témoigne Belzberg. “Cela ajoute au traumatisme et ravive la peine.”
Yossi Landau, volontaire à Zaka et Magen David Adom se rappelle précisément de cette veille de Pessah, il y a dix ans. “Je vivais à Bnei Brak. C’était une époque marquée par le terrorisme en Israël. Je rentrais de la shoul (synagogue) pour célébrer le Seder. On m’a alors signalé qu’il y avait eu une énorme explosion au Park Hotel de Netanya.
Il y avait besoin d’énormément d’aide. Je n’y ai pas réfléchi à deux fois. J’ai dit à mes enfants de ne pas m’attendre, je suis monté dans ma voiture et j’ai filé vers Netanya. Cela m’a pris 17 minutes. Nous avons sauvé quelques personnes, Dieu merci. J’y ai passé la nuit bien entendu.”
Chaque année, lors du Seder familial, Landau affirme à l’assemblée présente à ses côtés que “l’esclavage n’est pas terminé”.
“Nous avons souffert de Pharaon, qui, à l’époque, tuait des enfants juifs. Mais ce problème est toujours d’actualité.”
Et de poursuivre : “J’étais maculé de sang, de la tête aux pieds. Je me rappellerai toujours de ce sang”, dit-il en notant le symbolisme avec les Dix Plaies. “Deux personnes sont mortes dans mes bras, espérant que je puisse les sauver... Nous ne sommes pas libres. Nous recevons des missiles chaque jour... des meurtres en France, des funérailles en Israël. Nous attendons la paix et la rédemption véritable.”
Une libération controversée
En 2003, l’Autorité palestinienne avait sponsorisé un tournoi de football. Nommé en hommage à Abdel Basset Odeh, le terroriste de Pessah.
Selon Belzberg, nous faisons face à deux cultures diamétralement opposées qui se côtoient au Moyen-Orient. “Et si vous ne comprenez pas ça, comme nombre de gens dans le monde, alors vous ne saisissez pas le problème.”
Ce manque de compréhension pourrait être l’une des principales raisons qui animent les sentiments antiisraéliens, explique-t-il. Et d’ajouter qu’à son avis, missiles et roquettes aveugles continueront d’être tirés sur de nombreux citoyens. Et pas seulement dans le Sud.
Dans le cadre de l’accord pour libérer le soldat Guilad Schalit, il y a quelques mois : l’affranchissement de 1 027 terroristes, dont Nasser Batima, à l’origine de l’attentat de Pessah. Une relaxe qui avait suscité des réactions mitigées parmi les familles des défunts. “Cela nous a donné beaucoup de travail”, affirme Madelaine Black, vice-présidente de One Family Fund et en charge du marketing. “Il en a résulté une sensation d’injustice et un sentiment de chagrin ravivé. Nous sommes en contact avec tous ceux concernés. Certains approuvent l’accord, et d’autres le condamnent.”
Non disposée à exprimer sa propre opinion, Weinberg préfère se concentrer sur le bien-être des familles. “Nous ne discutons pas de religion ou de politique.”
“La vie continue”, se prend de son côté à rêver Landau, en citant le commandement de la Torah qui enjoint à la joie lors des fêtes. “C’est beaucoup de stress. Certaines personnes ont besoin d’un soutien psychologique spécial pour surmonter cela. Mais nous devons continuer. Si vous y pensez [à la tragédie] tout le temps, vous ne vous en sortez pas.”