Sur le front intérieur

La bataille de Binyamin Netanyahou pour conserver la main au Likoud.

P5 JFR 370 (photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)
P5 JFR 370
(photo credit: Marc Israël Sellem/The Jerusalem Post)

Le Proche-Orient est en ébullition. Entre les manifestations en Turquie, la guerre toujours plus sanglante enSyrie, les élections iraniennes, et le plan de relance des négociationsisraélopalestiniennes, le Premier ministre Binyamin Netanyahou est plus quejamais sur tous les fronts. Mais aujourd’hui, l’homme qui préoccupe Bibi n’estpas le président syrien Bachar Assad, le Premier ministre turc Recep TayepErdogan, ou encore le nouveau président iranien Hassan Rohani.
Non, l’homme de tous les dangers pour Netanyahou est Emanuel Weiser. Qui estdonc cet homme, demanderez-vous ? Weiser est un avocat religieux sioniste deTel-Aviv, qui a échoué par deux fois à figurer sur la liste électorale duLikoud. Fils d’un commandant du Betar, il dirige un think tank défendant lesidées du père idéologique du Likoud, Zeev Jabotinsky. Weiser est aujourd’huicandidat à la présidence du tribunal interne du parti. Une fonction nonnégligeable, du moins aux yeux de Netanyahou.
En règle générale, ce tribunal arbitre des décisions procédurières ettechniques, et supervise les affaires légales du parti. Des attributs dont seserait contenté ce corps judiciaire s’il avait été dirigé par un juge à laretraite. Bibi craint en effet qu’avec un militant de droite tel que Weiser,les partisans d’une ligne dure à la commission centrale du parti puissentrecourir au tribunal à chacune de ses actions qui iraient contre les avis renduspar la commission, telle que l’opposition à un Etat palestinien ou encorel’opposition à la fusion avec Israël Beiteinou que souhaite Bibi.
Le pire cauchemar du Premier ministre ? Que la commission centrale initie uneélection interne dont il ressortirait détrôné.
Avec un homme à lui à la tête du tribunal, de tels obstacles pourraient êtreévités. Et Bibi pensait détenir ce collaborateur idéal.
Un magistrat à la retraite, engagé au Likoud, répondant au nom de NissimYeshaya. Mais ce dernier s’est attiré les foudres de la presse en déclarant ily a 15 jours que « certaines femmes aiment se faire violer ».
La voie était donc libre pour Weisner. « Je n’ai pas l’intention d’imposer mesidées », réagit celui-ci en prenant connaissance des inquiétudes du Premierministre. « Tout ce que je veux, c’est contribuer au Likoud, qui estaujourd’hui en mauvaise posture. En règle générale, le tribunal n’interfère pasdans les questions idéologiques. Mais si Netanyahou a peur de diriger le partiselon son règlement interne, alors, oui, il a du souci à se faire si je gagne».
Le 30 juin prochain 
Mardi 11 juin, ils étaient justement des centaines demilitants à se réunir à Tel-Aviv pour reprocher à Bibi de contourner les règlesdu Likoud à des fins politiques. Et de réclamer la tenue d’élections interneset d’un congrès du parti, repoussés depuis plus d’un an par le Premierministre. Il faut dire que la dernière fois, il avait été hué à la tribune.
Mercredi, un compromis a donc été trouvé.
Les élections se dérouleront le 30 juin (date butoir fixée par le Tribunal deTel-Aviv), mais il n’y aura ni congrès ni discours.
Un ténor du parti s’est dit choqué par l’implication de Bibi dans le moindreaspect technique du scrutin, qui devrait, lui a-t-il fait savoir, se soucierdavantage des affaires du pays et moins de ces détails politiques.
Toujours selon la même source, le Premier ministre n’a pas cessé de changerd’avis.
Mais serait dans tous les cas déterminé à ne pas perdre le contrôle de saplate-forme.
Les fidèles de Netanyahou répondent que l’intérêt du Premier ministre pour lesaffaires intérieures du parti prouve sa volonté de faire avancer lesnégociations israélo-palestiniennes. Une volonté qui s’est retrouvée sur lasellette à maintes reprises ces derniers jours. Une première fois, quand Bibi adû se rétracter après un communiqué conjoint avec les dirigeants polonaisqu’avaient laissé passer des conseillers inexpérimentés. Puis une seconde fois,lorsque les commentaires du ministre adjoint à la Défense Danny Dannons’opposant à la solution à deux Etats ont été repris à l’infini par la presse.
Elections internes sous hauts enjeux 
Enfin, le Premier ministre s’est assuréqu’aucun des ministres Likoud ne soit présent au lancement en grande pompe dugroupe parlementaire en faveur des implantations Terre d’Israël, à la Knessetmardi 11 juin au soir. En leur absence, la presse s’est focalisée sur le députéYesh Atid Dov Lipman, également membre du groupe Deux Etats pour deux peuples.Les autres élus n’ont pas manqué de moquer Lipman en privé. Mais ils ontégalement dû saluer sa tactique politique, notant que, comme Lipman, la plupartdes Israéliens souhaitent faire la paix avec les Palestiniens tout enconservant la majorité des territoires post-1967.
Cette querelle pour ou contre des concessions dans les pourparlers n’a fait querenforcer les divisions déjà apparues au sein de la coalition sur les sujetssocio-économiques et religieux. La bataille à venir sur le budget (le voteparlementaire devait débuter lundi 17 juin) et l’enrôlement des harédim devraitcontinuer à élargir ces fossés.
Mais que le Premier ministre se rassure : sans le vouloir, le système politiqueisraélien à tendance à protéger les gouvernements précaires. Plus une coalitionest faible, moins ses membres ont intérêt à provoquer une élection anticipée.Ironiquement, les gouvernements qui réussissent sont ceux où les partis endanger d’être renversés pourraient se voir renforcés par un passage aux urnes.Mais ce principe a lui aussi ses limites. L’histoire récente a prouvé qu’undirigeant trop affaibli n’est plus respecté par ses élus. Et se retrouve en finde compte en fâcheuse posture.
Voilà pourquoi les élections internes du Likoud sont de première importance.
Qu’une nouvelle génération de politiciens prenne d’assaut les institutions duparti, et elle pourrait remplacer ses aînés lorsque se posera enfin la questionde la succession de Netanyahou. S’il est certain que les affaires internes dupremier parti israélien sont moins fascinantes que les événements turcs ou lesélections iraniennes, leurs conséquences n’en demeurent pas moins crucialespour l’avenir de l’Etat hébreu.