A droite toute

Des photos de lui taguées de la croix gammée. Des pancartes : « Ygal Amir vote Bennett ». Désormais accompagné de gardes du corps, il ne change pas pour autant de trajectoire

"Nous devons cesser d'avoir peur". Le leitmotiv de Naftali Bennett (photo credit: GUR DOTAN)
"Nous devons cesser d'avoir peur". Le leitmotiv de Naftali Bennett
(photo credit: GUR DOTAN)
Naftali Bennett a une réponse toute prête quand on lui demande quel ministère il aimerait diriger au sein du prochain gouvernement : « Cela dépendra du nombre de mandats que nous obtiendrons ». Mais quand on insiste un peu, le chef de file de HaBayit HaYehoudi concède qu’il ne refuserait pas un des trois portefeuilles clés – la Défense, les Finances ou les Affaires étrangères.
Difficile d’ailleurs de ne pas remarquer l’enthousiasme avec lequel il aborde les questions de sécurité ces derniers jours. Un ton enflammé qui corrobore les rumeurs qui circulent au sein de son cercle intime : cette fois, Bennett semble bien viser le ministère de la Défense. Son leitmotiv : les batailles doivent avoir lieu en territoire ennemi. Et les opérations militaires doivent être des expéditions « éclair ». Une critique à peine maquillée des 50 jours de l’opération Bordure protectrice. « Nous devons passer de la défensive à l’offensive », insiste-t-il. « Nous sommes tous tombés amoureux du Dôme de fer, et cela nous a donné le sentiment qu’une guerre peut durer 50 jours. Mais c’est faux. Il est inacceptable que le Hamas puisse nous attaquer pendant 50 jours. Cela affecte notre force de dissuasion. »
Bennett affirme avoir été le premier à proposer, le 30 juin, au cabinet de sécurité, un plan détaillé pour venir à bout du réseau souterrain creusé par l’organisation terroriste. Mais le ministre de la Défense Moshé Yaalon dément fermement, et affirme que Tsahal et son ministère étaient au courant de l’existence de ces tunnels bien avant cette date, et avaient déjà mis au point une stratégie pour les détruire.
Mais le Hamas n’est pas le seul à nous menacer, rappelle Bennett. Jabhat al-Nosra et le Hezbollah sont à nos frontières. Le Moyen-Orient se désintègre. La leçon qu’il en tire : plus aucune concession. « Nous ne devons plus laisser ne serait-ce qu’un centimètre de terre aux Arabes ; nous devons faire en sorte que Tsahal soit plus fort que nos ennemis ; et réhabiliter les valeurs du judaïsme et la fierté d’être juif. Ces trois éléments réunis, nous pourrons empêcher toutes les guerres, parce que cela ne vaudra pas la peine pour nos ennemis de nous attaquer. »
Question de coalition
Pour lui, il n’y a pas l’ombre d’un doute : Benjamin Netanyahou formera le prochain gouvernement. La question qui reste en suspens est : tiendra-t-il sa promesse ? Invitera-t-il HaBayit HaYehoudi au sein de sa coalition ? Le chef du Likoud a convié les partis de gauche au sein de ses deux précédents gouvernements, rappelle-t-il, avec une pointe d’amertume. Le parti travailliste en 2009 et Hatnoua en 2013.
Pour que l’histoire ne se répète pas, le message de Naftali Bennett à l’électorat de droite est clair : seul un HaBayit HaYehoudi fort permettra à Benjamin Netanyahou et au Likoud de former un gouvernement ancré à droite. « Netanyahou a besoin d’un HaBayit HaYehoudi fort […] Il a besoin d’un gouvernement nationaliste fort pour être sûr qu’il ne pivote pas vers la gauche, cédant à la pression internationale ou à celle des médias. »
Après la crise Ohanna, qui lui aurait fait perdre quelques mandats selon les sondages, le parti remonte lentement et passe de 11 à 13 sièges potentiels. Mais Bennett vise 15 sièges. Alors il hausse le ton. Pas de concessions territoriales ; finis les échanges de prisonniers. « Ces 20 dernières années, Israël s’est voilé la face, ce qui nous a mis dans la mauvaise direction – au sujet des concessions territoriales et des positions post-sionistes du système judiciaire – et nous sommes les seuls à pouvoir rectifier le tir. Retournons aux positions de base : nous sommes fiers d’aimer notre pays, notre peuple et la Torah. »
Mais attention, s’opposer à des concessions territoriales ne signifie pas ignorer le sort des Palestiniens. Bennett répond aux accusations de racisme dont il est la cible : « Je ne hais pas les Palestiniens. Ne pas défendre un accord de paix ne signifie pas que nous ne ferons rien pour améliorer la qualité de vie des Palestiniens. Personne ne s’occupe de ce dont ils ont besoin sur le terrain, parce que tout le monde veut d’abord qu’ils aient un Etat. »
La vie chère et l’aliya, au cœur de la campagne
En tant que ministre de l’Economie, Bennett aime à rappeler qu’il a œuvré pour l’ouverture des marchés du ciment et de l’agriculture, et qu’il a fait chuter les prix de l’alimentation de 5 %. Pour lui, la clé de la baisse des prix est la compétition, alors que le socialisme prôné par la gauche ne propose aucune solution. Le Camp sioniste est esclave de la Histadrout et des lobbies agricoles, affirme-t-il. « La bonne voie pour l’économie est celle de l’ouverture des marchés. C’est la compétition qui permet de faire baisser les prix. Mes rivaux – Yesh Atid ou le camp sioniste – prévoient de fixer les prix de 300 produits. Mais il s’agit d’une erreur monumentale. Cela va empêcher la compétition. Ce dont nous avons besoin c’est d’une économie libre et compétitive. »
En ce qui concerne la crise du logement, le chef de file de HaBayit HaYehoudi prévoit la construction de dizaines de milliers d’appartements. Une tendance déjà engagée, dit-il, par le ministre de la Construction Ouri Ariel (membre du parti) ces deux dernières années. Cela prendra du temps et demandera beaucoup de travail, concède Bennett. Ce ne sont pas « des décisions populistes comme la taxe à 0 % de Yaïr Lapid ».
Puis, Naftali Bennett revêt son deuxième chapeau, celui de ministre de la Diaspora. Pour lui, « Israël a un défi à relever avec les pays d’Europe. Cela n’a rien à voir avec la Judée et la Samarie », estime-t-il, « mais avec l’islamisation de certains Etats – qui subissent une radicalisation tant d’un point de vue démographique qu’au niveau de l’opinion publique. »
« Je suis très inquiet pour l’avenir des juifs d’Europe. Dans certains pays, le politiquement correct s’empare des médias et des gouvernements qui refusent de pointer du doigt le terrorisme islamiste. Mais si vous ne définissez pas le problème, il est impossible de le combattre », prévient-il, pessimiste : « Si l’Europe ne se réveille pas prochainement, il sera trop tard. »
Tout en exhortant les gouvernements européens à prendre les mesures qui s’imposent pour combattre l’antisémitisme et protéger les communautés juives, Bennett comprend donc que le prochain gouvernement devra se préparer à une grande vague d’aliya. L’entrée de HaBayit HaYehoudi dans la prochaine coalition sera conditionnée, dit-il, par la formation d’un « cabinet d’urgence sur l’aliya », un groupe de travail qui réunira des représentants des ministères de l’Intégration, de la Santé, de l’Education et de la Justice. L’heure est décidément aux promesses électorales.
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