Une horreur injustifiable

Des hommes assassinés pendant leur prière, du sang dans une synagogue, les images de l’attentat de Har Nof nous ramènent aux pires instants de l’histoire du peuple juif. Que doit faire Israël?

Une horreur injustifiable (photo credit: KOBI GIDEON/GPO)
Une horreur injustifiable
(photo credit: KOBI GIDEON/GPO)
Qu’est ce qui motive deux cousins du quartier de Jabel Moukaber à Jérusalem, à entrer dans une synagogue, armés d’un couteau, d’une hachette et d’une arme à feu et à poignarder des hommes enveloppés dans leurs châles de prière, à tirer sur des fidèles en plein office du matin, en pleine prière de Amida, en criant
« Allahou akbar »?
Selon le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri, cet attentat constitue une réponse à la mort de Youssouf al-Ramouni, le chauffeur arabe retrouvé la veille, pendu dans son bus. Même si l’autopsie pratiquée par un médecin légiste arabe a clairement conclu à un suicide, les médias palestiniens ont continué de défendre la piste du meurtre nationaliste, accusant un « colon » d'avoir « assassiné » le chauffeur de bus élevé au rang de « chahid », et appelant à la vengeance.
Autre raison invoquée pour légitimer l’horreur, les dernières tensions sur le Mont du Temple, que Zouhri qualifie de « crimes perpétrés par l’occupant ».
Bref, le Hamas tente de nous convaincre que les circonstances mystérieuses du décès d’un chauffeur de bus arabe et la volonté d’un petit groupe de juifs de droite de prier sur le Mont du Temple justifient l’attentat de Har Nof. Apparemment, pour une large frange de la population palestinienne qui soutient le Hamas, ces raisons suffisent. Dans les rues de Gaza, on a fêté l’attentat sous des pluies de bonbons.
Cédant à la lourde pression exercée par le secrétaire d’Etat américain John Kerry, le leader de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a fini par condamner l’attentat. Le chef du Fatah a dénoncé « le meurtre de fidèles dans une synagogue ». Mais soucieux d'atténuer les dommages que cette condamnation pourrait avoir sur sa popularité au sein de l'opinion palestinienne, Mahmoud Abbas ne s'est pas retenu de rappeler « l’invasion d’al-Aqsa et les provocations des colons ». 
Un autre épisode de la haine du juif
Mais l’histoire a montré que le Front populaire de libération de la Palestine, auquel appartenaient apparemment les deux terroristes, n’a jamais eu besoin de prétexte pour assassiner des juifs. Pour preuve : même les juifs du quartier ultra-orthodoxe de Har Nof, qui en règle générale s'opposent au sionisme religieux, sont la cible de leurs attaques, alors que leurs chefs spirituels, comme le grand rabbin séfarade Itskhak Yossef, se sont à plusieurs reprises exprimés contre la visite de juifs sur le Mont du Temple.
Entre nationalisme palestinien et islamisme radical, difficile aujourd’hui de faire la différence. Le fait que les deux terroristes aient crié « Allahou akbar » en commettant leur massacre, ne laisse aucun doute quant à leurs motivations.
Au lendemain de l’attentat, le débat autour des problèmes politiques et économiques dans les quartiers arabes de Jérusalem a refait surface - débat légitime, car chaque société a ses failles et Israël se doit d’améliorer les conditions économiques dans les quartiers Est de la capitale. Mais ce qui s’est passé mardi dernier dans la synagogue Kehilat Yaakov, à Har Nof, ne peut être expliqué en termes de « désespoir », « de frustration » ou « d’occupation ».
Ces images des juifs religieux enveloppés dans leurs châles de prière, leurs phylactères autour des bras, gisant dans leur propre sang nous ramènent instantanément en arrière. Ces images de synagogue profanée, de livres saints tachés de sang évoquent les pires scènes de siècles de violences antisémites, des pogroms aux atrocités nazies, et redéfinissent soudain le conflit israélo-palestinien comme un autre épisode de la haine irrationnelle et donc incurable du juif.
De telles images ne servent pas la cause palestinienne et font reculer un processus de paix déjà au point mort.
Troisième Intifada ou nouveau terrorisme ?
Depuis plusieurs semaines, journalistes et hommes politiques israéliens se renvoient la balle autour de la question. Les événements auxquels nous assistons aujourd’hui sont-ils une troisième Intifada ? Les avis divergent, mais les faits sont là. Depuis le début de l’année, 274 attaques ont eu lieu à Jérusalem. Jets de pierre, attaques au couteau, à la voiture bélier, au cocktail Molotov. Sans compter les centaines d’incidents recensés chaque mois en Judée-Samarie. Des agressions d’un nouveau genre.
Car même si le FPLP a revendiqué l’attentat, les deux terroristes ont agi seuls. Le Fatah, le Hamas ou le Djihad islamique n’ont plus besoin d’entraîner leurs recrues et leur fournir des armes. Aujourd’hui, les actes de terreur sont perpétrés à l’échelle individuelle. Il suffit d’un couteau ou d’un véhicule. Les organisations terroristes n’ont plus besoin de planifier soigneusement et à l’avance des opérations suicides, il leur suffit d’inciter à la haine.
Qui sera le prochain jeune palestinien ou arabe israélien, motivé par les discours haineux de ses leaders politiques et religieux, à prendre un couteau ou une hache ? Impossible apparemment de le prévoir. Les méthodes traditionnelles ne peuvent s’appliquer et face à cette nouvelle forme de terrorisme, la peur s’est emparée de la rue israélienne.
Quelques heures après l’attentat, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a réuni une session d’urgence. Étaient entre autres présents, le ministre de la Défense Moshé Yaalon, le ministre de la Sécurité publique Itzhak Aharonovitch, le chef des Renseignements intérieurs Yoram Cohen, le chef de la Police Yohanan Danino, le maire de Jérusalem Nir Barkat. Mais aucune solution miracle n’a été trouvée.
Pour autant, la sécurité a été renforcée dans la capitale : barrages érigés à l’entrée des quartiers arabes de la ville, patrouilles de police déployées un peu partout, gardiens placés devant la gare centrale des bus, les établissements scolaires, les centres commerciaux, les institutions publiques et autres. Le ministère de la Sécurité intérieure envisage de faciliter le port d’arme pour les anciens officiers de l’armée et a également fait appel à des bénévoles pour organiser des patrouilles dans les quartiers de la capitale. En projet également, un renfort de la sécurité dans les transports publics, plus de 300 agents de sécurité pourraient être dépêchés dans les autobus et aux arrêts principaux.
Mesures dissuasives
Mais l’accent est surtout mis sur la dissuasion. Le Premier ministre a immédiatement ordonné la destruction des maisons des terroristes. Ces mesures sont censées frapper les esprits : s’ils ne craignent pas pour leur vie, les auteurs d’attentats potentiels pourraient réfléchir à deux fois en pensant à ce qui adviendra de leur famille. Mardi dans la nuit, les forces de sécurité ont détruit la maison de l’auteur de l’attentat à la voiture-bélier qui avait coûté la vie, le 22 octobre dernier, à un bébé de trois mois et à une jeune femme de 22 ans.
Le gouvernement envisage également de retirer le statut de résident permanent aux terroristes issus des quartiers de Jérusalem Est et les droits sociaux à leurs familles. Dimanche, le ministre de l’Intérieur Guilad Erdan a retiré le statut de résident permanent à Mahmoud Nadi, l’homme qui avait conduit sur les lieux de son crime le terroriste suicidaire de l’attentat du Dolphinarium à Tel-Aviv en juin 2011. 21 adolescents avaient alors trouvé la mort et 132 étaient blessés.
C’est dans ce vent de panique générale et en réponse à l’inquiétude de nombreux parents d’élèves qu’Itamar Shimoni, le maire de la ville d’Ashkelon, a décidé que les ouvriers arabes employés sur les chantiers de rénovation des abris anti-missiles dans les jardins d’enfants de la ville du sud, ne travailleraient pas pendant les heures d’école. Une décision jugée illégale et raciste et immédiatement dénoncée par la classe politique israélienne, de la ministre de la Justice Tzipi Livni au Premier ministre Benjamin Netanyahou lui-même. « Il n’y a pas de place pour la discrimination à l’égard des Arabes en Israël », a prévenu le chef du gouvernement. Déjà, mardi, quelques heures après l’attentat, le chef du gouvernement avait appelé les Israéliens à ne pas céder à la colère, ni chercher vengeance. Preuve que la démocratie israélienne, même en temps de pire crise, se porte bien.
Les dérives de la presse
La façon dont l’attentat a été couvert par la presse étrangère fait froid dans le dos. CNN a publié des excuses pour ne pas avoir fait de distinguo entre victimes et terroristes en utilisant le titre « 4 Israéliens, 2 Palestiniens tués dans l’attaque d’une synagogue ». A un moment donné, la chaîne américaine avait même titré : « Attaque dans une mosquée à Jérusalem ».
Idem pour Le Monde qui a parlé de « Six morts à Jérusalem », incluant les deux terroristes au nombre des victimes.
Une journaliste de la BBC a empêché Naftali Bennett de montrer à l’écran une photo des victimes. « Nous ne voulons pas voir cette photo, baissez-là », a ordonné la présentatrice. La BBC refuse donc de montrer des photos de juifs assassinés. Pourtant, elle n’avait aucun problème avec celles de Gaza l’été dernier…
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