La campagne à la ville

En plein cœur de Jérusalem, Ramat Rahel offre un coin de nature et raconte un épisode de l’histoire d’Israël

Yossef Avi Yair Engel entouré par son épouse et des enfants du kibboutz (photo credit: DR)
Yossef Avi Yair Engel entouré par son épouse et des enfants du kibboutz
(photo credit: DR)
Dès sa fondation en 1926, le kibboutz Ramat Rahel se veut urbain. Plusieurs de ses fondateurs sont des artisans aguerris, des travailleurs du bâtiment, qui ont largement contribué à la construction de Jérusalem.
Tout commence en 1921. Les pionniers du bataillon de travail Gdoud Haavoda débutent leur projet sur un autre site, à Guivat Shaoul, puis déménagent à Ratisbonne, avant d’acheter 8 hectares de terres désolées au patriarche de l’Eglise grecque orthodoxe. C’est sur ce terrain que se situe le kibboutz actuel.
La première tente est dressée en 1926, juste à temps pour Chavouot. Le nom originel du kibboutz : Hahityashvout, ou L’Implantation.
Un an plus tard, les derniers habitants de Ratisbonne rejoignent la nouvelle communauté, alors officiellement inaugurée et rebaptisée par le chef sioniste Menahem Oussishkin. Ramat Rahel tire son nom de la prophétie de Rachel – dont le tombeau est proche – qui ne doit pas pleurer ses enfants car ils reviendront sur leur terre.
Une histoire jalonnée par les guerres d’Israël
Yossef Avi Yaïr Engel est le président du kibboutz. Ses petits-enfants sont des kibboutznikim de la 4e génération. A l’époque, le but des fondateurs, nous confie-t-il, était double : construire le kibboutz, mais également participer à l’expansion de Jérusalem. Ses membres prennent donc part aux chantiers du campus de l’Université hébraïque sur le mont Scopus et de la première maison de la rue King George.
Pendant les émeutes arabes de 1929, le kibboutz est détruit. Mais les pionniers ne se découragent pas. Ils reviennent un an plus tard pour le reconstruire, et ouvrent en 1931 une maison d’hôtes pour les vacanciers estivaux. Probablement la première de l’histoire d’Israël.
Durant la guerre d’Indépendance, le kibboutz est à nouveau attaqué, par les Egyptiens d’un côté et les Jordaniens de l’autre. Après deux jours de combats acharnés, les forces israéliennes parviennent à reprendre le contrôle de la zone. La façade criblée d’impacts de balles de la première maison d’hôte témoigne de la violence des affrontements.
Plusieurs années plus tard, à l’occasion d’un agrandissement de l’hôtel, des ouvriers mettent la main sur des armes datant de l’époque du Mandat britannique dans une vaste cache souterraine. Aujourd’hui recouverte d’un panneau de verre, elle raconte aux visiteurs une partie de l’histoire du pays et le rôle qu’y a joué le kibboutz.
Ramat Rahel est sous la juridiction du conseil régional Mateh Yehouda, mais a toujours fait partie du grand Jérusalem. Du cessez-le-feu de 1949 jusqu’à la fin de la guerre des Six Jours, la région est située sur la Ligne verte et sert d’enclave à Tsahal, nous rappelle son président.
Au cours de cette période agitée, les membres arrivés avant la création de l’Etat ne pouvaient pas rentrer chez eux. 36 familles construisent alors des logements plus bas sur la colline.
Le développement du kibboutz ne s’accélérera qu’après 1967. Les 8 hectares achetés dans les années vingt sont, pour des raisons idéologiques (le kibboutz ne veut pas posséder de biens privés), confiés au Keren Kayemeth LeIsraël – le Fonds national juif. Mais les éventuelles traces écrites de cette transaction ont apparemment disparu à l’époque de la destruction du kibboutz.
Parcours d’un fondateur
Yossef Avi Yaïr Engel a été élu à la tête de l’exploitation il y a quelques mois. Avant cela, il travaillait pour le président Shimon Peres et a démissionné à la fin de son mandat à la présidence de l’Etat.
Fils de survivants de la Shoah, Engel naît à Yokneam dans le Nord du pays. Accompagné d’un groupe de jeunes conscrits, il arrive à Ramat Rahel avec sa femme Yonit, en 1964. Ensemble ils ont 5 enfants, et aujourd’hui, 10 petits-enfants.
En 1970, il devient directeur de l’hôtel du kibboutz, et commence en 1972 des études de gestion. Son but : encourager les jeunes à s’installer dans les kibboutzim et les moshavim. Comment ? En les transformant en destinations touristiques. Pour promouvoir son idée, Engel décide de travailler pour le ministre du Tourisme de l’époque, Ouzi Baram. C’est à cette période qu’il se met en tête de convaincre d’autres kibboutzim d’ouvrir des maisons d’hôte et des restaurants agréés par le ministère du Tourisme.
Aujourd’hui, Ramat Rahel est célèbre pour sa salle de réceptions, qui accueille mariages et célébrations en tous genres. Et pour son hôtel. Le kibboutz est une halte sur la route du tombeau de Rachel, le lieu parfait pour une escapade relaxante. Les touristes étrangers représentent environ 60 % des revenus de la communauté. La vision d’Engel s’est réalisée. Le directeur de la communauté peut être considéré comme l’un des principaux acteurs de la promotion du tourisme dans les kibboutzim.
Puis Engel a occupé presque tous les postes dans l’administration de la communauté. C’est d’ailleurs pour cela qu’il connaît son histoire par cœur. Photographe passionné, il est fier de sa collection impressionnante de clichés des antiquités du kibboutz : réseaux d’irrigation antiques, bains rituels, ruines d’une église byzantine du IIIe siècle et cette usine plusieurs fois centenaire qui produisait une boisson au miel proche de l’hydromel… Des archéologues célèbres, dont feu Yigael Yadin, ont visité et travaillé sur le site : 6 saisons de fouilles ont été menées avec la participation de centaines de bénévoles.
Le kibboutz aujourd’hui
Situé au sommet d’une colline de Jérusalem, Ramat Rahel se dresse telle une oasis au terminus de la ligne de bus n° 7. Le kibboutz surplombe Bethléem – à seulement 4 kilomètres de là – et offre un panorama à couper le souffle sur la Vieille Ville.
Un belvédère a été construit à la mémoire du fils d’Engel, Yaïr, mort à 19 ans dans un accident de plongée pendant son service militaire. Engel, plus connu sous le nom de Jucha, a ajouté son nom au sien. Une façon pour lui de faire perdurer son souvenir. « Tout ça, c’était le désert », nous confie-t-il fièrement alors qu’il inspecte l’ensemble des bâtiments encerclés de jardins de fleurs, arbres et arbustes colorés.
Ramat Rahel est aujourd’hui un mélange très intéressant d’ancien et de moderne. Les membres du kibboutz ne possèdent pas leur maison. Beaucoup d’entre eux travaillent en dehors de la coopérative, mais leurs salaires sont versés à la communauté. Engel nous explique le principe : chacun doit donner à la mesure de ses capacités, mais tous ont un accès égal aux biens communs.
Ramat Rahel possède un réfectoire, des crèches de jour et une maison de retraite qui compte 400 membres. Il n’y a pas d’école sur le site, la plupart des enfants fréquentent les établissements de Talpiot. D’ailleurs c’est bien cette nouvelle génération qui inquiète le président du kibboutz. Comment la communauté va-t-elle loger ses jeunes ? Les terres destinées à l’agriculture mais non exploitées pourraient bien être converties en zones de logement. Une décision qui devra cependant recevoir l’aval du gouvernement. Mais tout au long de sa longue histoire, Ramat Rahel a su relever des défis bien plus difficiles…
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